le FNAEG - Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques


article de la rubrique Big Brother > fichage ADN - Fnaeg
date de publication : 2004
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Créé par une loi de 1998 sur les infractions sexuelles,
le fichier national automatisé des empreintes génétiques
a été étendu aux suspects de certaines infractions par
la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 de Nicolas
Sarkozy.

Ce fichier comportait en octobre 2003 environ 8 000 profils génétiques
de personnes condamnées ou suspectes. Il devrait en rassembler des
centaines de milliers dans quelques années.


Le fichier national des empreintes génétiques élargi par l’Assemblée

[ Le Monde - 17 janvier 2003 ]

Le fichier national des empreintes génétiques a
été élargi, jeudi 16 janvier, par les députés,
lors de l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure,
aux personnes soupçonnées d’avoir commis certaines infractions,
et étendu aux délits graves portant atteinte aux personnes et
aux biens. Nicolas Sarkozy a estimé que le nombre de personnes fichées
devrait se situer autour de 700 000.

Les députés ont voté jeudi en faveur de la possibilité
d’inscrire dans les fichiers de police des informations sur des personnes
("sans limitation d’âge") mises en cause pour "tout crime
ou délit". Le fichier a également été étendu
aux individus suspectés de contraventions de la 5e classe "sanctionnant
un trouble à la sécurité ou la tranquillité publiques
ou une atteinte aux personnes, aux biens, ou à l’autorité de
l’Etat".

Ce fichier était jusque-là réservé aux personnes
condamnées pour crimes sexuels, homicides volontaires, actes de terrorisme
et crimes graves portant atteinte aux personnes et aux biens.

L’Assemblée a également donné un avis favorable à
l’inscription obligatoire au fichier d’une personne qui fait l’objet d’une
interdiction de séjour, d’un placement sous contrôle judiciaire
ou d’une interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive.
Ils ont également donné leur feu vert au dépistage obligatoire
du VIH chez des personnes poursuivies pour viol, si la victime en fait la
demande.

Ces informations ne seront pas couvertes par le secret d’instruction. En
cas de relaxe ou d’acquittement définitifs, les données personnelles
figurant au STIC (système de traitement des infractions constatées)
seront effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit
le maintien pour des raisons liées à la "finalité
du fichier". Le refus de se soumettre à un prélèvement
est "passible de six mois d’emprisonnement et 7 500 d’euros d’amende
(deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de crime)".

400 000 personnes fichées à la fin de l’année

Le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, a annoncé que
"300 personnes seraient mises au service de la police scientifique et
technique sur les cinq années qui viennent, dont 150 seront embauchées
en 2003". M. Sarkozy a estimé que le fichier compterait "assez
vite 400 000 personnes, à la fin de l’année", un chiffre
qui devrait ensuite se stabiliser autour de "600 à 700 000". Le Fnaeg (fichier national automatisé des empreintes génétiques)
centralise aujourd’hui environ 2 100 empreintes et 160 traces génétiques.

Jean-Christophe Lagarde (UDF) a souhaité que le "gouvernement
réfléchisse à un fichier qui concerne l’ensemble de la
population" française. "Ce serait une machine à innocenter
ceux qui le sont", a-t-il expliqué, en interrogeant les députés
 : "Est-ce que Patrick Dills aurait passé autant de temps en prison
si il avait pu être inscrit" sur un tel fichier ?

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Contestations autour de la constitution d’un fichier génétique

[Le Monde, 22 octobre 2003 ]

Créé par une loi de 1998 sur les infractions sexuelles,
le fichier national automatisé des empreintes génétiques
a été étendu aux suspects de certaines infractions par
la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 de Nicolas
Sarkozy, répondant à une demande des enquêteurs et des associations de victimes.

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques
(Fnaeg), prochainement grossi de 1 300 empreintes de détenus, est censé
être une arme décisive pour les enquêteurs. Mais il est contesté
par la plupart des défenseurs des libertés et de la présomption
d’innocence.

Créé par une loi de 1998 sur les infractions sexuelles, il a
été étendu aux suspects de certaines infractions par la
loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 de Nicolas
Sarkozy, répondant à une demande des enquêteurs et des associations
de victimes.

Jusqu’à présent, le fichier ne pouvait stocker que les profils
ADN des personnes définitivement condamnées pour les infractions
à caractère sexuel (exhibition, agression, viol) et la plupart
des crimes (meurtre, vol avec violence, etc.). La loi prévoit désormais
que "les empreintes génétiques des personnes à l’encontre
desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable
qu’elles aient commis" certaines infractions "soient également
conservées dans ce fichier". Il s’agit notamment des infractions
de nature sexuelle, des crimes et délits d’atteintes volontaires à
la vie de la personne, trafic de stupéfiants, proxénétisme,
crimes et délits de vols, actes de terrorisme.

Objectif affiché : 600 à 700 000 empreintes

Ces empreintes sont effacées "sur instruction du procureur de la
République, agissant soit d’office, soit à la demande de l’intéressé,
lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu
de la finalité du fichier", précise la loi. En cas de refus
d’effacement, l’intéressé peut saisir le juge des libertés
et de la détention, dont la décision peut être contestée
devant le président de la chambre d’instruction.

"Il y a un risque de ficher des suspects sur des dénonciations
qui se révéleront infondées. On oublie que la police est
humaine et peut faire des erreurs", souligne Dominique Barella, le président
de l’Union syndicale des magistrats (modérée), qui avait souhaité
que ce fichier reste strictement limité aux condamnés.

Le Fnaeg comptait au 1er octobre près de 12 000 profils génétiques
et traces relevées sur des scènes de crime : environ 8 000 profils
génétiques de condamnés, 500 traces ainsi qu’environ 3
200 profils génétiques de mis en cause qui seront enregistrés
lorsque les décrets d’application de la loi auront été
pris. L’objectif est qu’il contienne 600 000 à 700 000 empreintes. Le
fichier britannique des empreintes génétiques, souvent mis en
avant par les autorités françaises, compte, lui, deux millions
de profils et traces.

Des prélèvements d’ADN sur environ 1 300 détenus, destinés
à alimenter le fichier national automatisé des empreintes génétiques,
ont commencé, lundi 20 octobre, dans quatre prisons françaises.

Violation de la présomption d’innocence

Cette opération d’une durée de trois jours se déroule
à Loos-lès-Lille dans le département du Nord, Bordeaux-Gradignan,
en Gironde, Neuvic, en Dordogne, et Muret, en Haute-Garonne. Elle mobilise 107
gendarmes et 66 policiers, qui prélèveront un échantillon
de salive de chaque détenu.

La première journée s’est globalement passée "dans
le calme", et des prélèvements de salive ont été
effectués auprès de 674 prisonniers, selon l’administration pénitentiaire
(AP). L’opération est terminée à Bordeaux.

Quatorze détenus, dont dix à Loos-lès-Lille, ont refusé
d’y participer, selon la même source. Un procès-verbal a été
dressé contre ces détenus pour constater l’infraction, théoriquement
passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende (deux ans d’emprisonnement
et 30 000 euros d’amende en cas de crime).

Concrètement, les détenus sont introduits un par un dans une
pièce où se trouvent un officier de police judiciaire et un gendarme
ou un policier de la police scientifique. Les deux officiels expliquent alors
les raisons de ce prélèvement au détenu, prélèvement
effectué à l’aide d’un coton-tige.

Cette opération servira de "test pour permettre d’étudier
dans quelles conditions ce dispositif peut être généralisé,
afin d’accélérer la mise à jour du fichier", selon
l’AP.

Une fois les prélèvements effectués, les laboratoires
de la police scientifique de Lille, Bordeaux, Toulouse et Rosny-sous-Bois se
chargeront d’intégrer ces données dans la base du Fnaeg. Ces nouvelles
informations seront utilisables début décembre.

L’opération a été dénoncée par l’Observatoire
international des prisons (OIP), association qui milite pour la défense
des droits des prisonniers. "Nous sommes dans une accentuation de la logique
de fichage. Celui des suspects constitue une violation frontale de la présomption
d’innocence. On est dans une logique maximale de confort policier", a estimé
l’OIP.

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Ce fichier comportait en octobre 2003 environ 8 000 profils génétiques
de personnes condamnées ou suspectes. Il devrait en rassembler des
centaines de milliers dans quelques années.

[Le Monde - le 19 décembre 2003 ]

En 1996, Alain Marsaud, député RPR et ancien chef du service
central de lutte antiterroriste du parquet de Paris, propose de créer
un fichier centralisé d’empreintes génétiques. Un an
plus tard, il dépose un projet de loi "relative à la constitution
d’un fichier national des empreintes génétiques destiné
à l’identification des auteurs de crimes et délits sexuels commis
sur des enfants mineurs de 15 ans".

En juin 1998, la loi sur la prévention et la répression des
infractions sexuelles crée le fichier national automatisé des
empreintes génétiques (Fnaeg), dont la mise en place effective,
prévue pour 1999, sera finalement reportée à 2001.

A l’occasion du procès de Guy Georges, début 2001, Marylise
Lebranchu, alors garde des sceaux, est prise à partie à la télévision
par le père d’une des victimes du tueur en série, qui avance
qu’au moins deux d’entre elles seraient encore en vie si le Fnaeg avait été
déployé, et non limité aux seules personnes condamnées
pour infractions à caractère sexuel. Mme Lebranchu se déclare
personnellement favorable à l’élargissement du fichier et propose
de lancer un débat public sur la question.

Dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis,
le gouvernement socialiste français ajoute à son projet de loi
sur la sécurité quotidienne (LSQ) un amendement qui étend
le champ d’application du Fnaeg aux crimes d’atteinte grave aux personnes
(homicide volontaire, violences et destructions criminelles, crime de terrorisme,
etc.), prévoit de sanctionner tout refus de prélèvement,
et autorise le fichage des simples suspects, mais pas la conservation de leur
empreinte génétique.

La loi pour la sécurité intérieure (LSI) de Nicolas
Sarkozy, adoptée en mars 2003, étend quant à elle le
Fnaeg à la quasi-totalité des crimes et délits d’atteinte
aux personnes et aux biens, prévoit la conservation des empreintes
génétiques des suspects ("personnes à l’encontre
desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable
qu’elles aient commis" ces infractions). Les suspects peuvent être
punis, en cas de refus de prélèvement, de six mois à
deux ans de prison et de 7 500 à 30 000 euros d’amende.

Les prélèvements génétiques portent sur des segments
"non codants" de l’ADN : ils ne permettent pas de déterminer
les caractéristiques organiques, physiologiques ou morphologiques des
personnes concernées, à l’exception du marqueur qui identifie
le sexe. Ils sont conservés pour une durée pouvant aller jusqu’à
quarante ans ou jusqu’au quatre-vingtième anniversaire de l’intéressé
(la prescription des crimes est de vingt ans, celle des délits de cinq
ans).

Au 1er octobre 2003, le Fnaeg, géré par la sous-direction de
la police technique et scientifique à Ecully, près de Lyon,
comprenait environ 8 000 profils génétiques de personnes condamnées
et 3 200 de personnes mises en cause. A terme, il devrait pouvoir comporter
entre 600 000 et 700 000 profils. Ils peuvent être effacés sur
instruction du procureur de la République agissant soit d’office, soit
à la demande de l’intéressé, lorsque leur conservation
n’apparaîtra plus nécessaire au regard de la finalité
du fichier.

La capacité annuelle des treize laboratoires français oscillant
entre 30 000 et 50 000 profils par an, la Fondation Edmond-Rothschild et Matignon
Technologies viennent de créer l’Institut génétique Nantes-Atlantique
(IGNA), qui devrait permettre de traiter 180 000 profils par an.


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