la prière des évêques ...


article de la rubrique discriminations > le mariage pour tous
date de publication : dimanche 19 août 2012
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Le 15 aout dernier, à l’occasion de la messe de l’Assomption, Monseigneur André Vingt-Trois, président de la conférence des évêques de France, a appelé à une prière nationale contre le mariage homosexuel et contre le droit à l’adoption par ces derniers. Prière qui, en révélant que la France est sous « le patronage de la Vierge Marie », annonce son arrière goût d’ancien régime [1].

Une fois de plus, la hiérarchie de l’Eglise Catholique semble nier l’exigence que la vie affective des couples homosexuels implique en matière de droit et de respect. Se basant sur une vision sociétale unilatérale et discriminante selon laquelle le « bonheur » de l’enfant ne peut être possible qu’au sein d’un couple composé « d’un père et d’une mère », l’Eglise réaffirme son refus vis-à-vis d’une réforme qui s’annonce pour 2013, et qui est approuvée par une majorité de Français.

Ces dernières années, nombreuses ont été les déclarations de portée homophobe émanant de l’Eglise. Une théorie vieille et décharnée où l’on définit (au nom de qui ?) l’exclusivité de ce que doit être la parentalité, et la nature des relations. Cette vision qui ne sert personne n’est pas sans exclure jusque sur les bancs de l’Église où un certain nombre de chrétiens militent depuis plusieurs années pour faire évoluer la question du mariage et de l’adoption au sein de leurs paroisses. [2]


Un combat d’arrière-garde

Éditorial du Monde du 15 août 2012, publié sous le titre :
“L’Eglise reste trop crispée face au mariage gay”


Quand l’épiscopat catholique, il y a deux ans, s’est élevé avec vigueur contre le discours de Grenoble du président Sarkozy sur les Roms, tout le monde ou presque a jugé l’Eglise fidèle à sa vocation. Lorsque les évêques de France, à maintes reprises, ont exprimé leur inquiétude sur les menaces que la crise fait peser sur les pauvres et les déshérités, personne ne l’a accusée d’outrepasser sa mission.

Il y aurait donc quelque tartufferie, aujourd’hui, à s’indigner que le cardinal André Vingt-Trois convie les catholiques, lors de la fête de l’Assomption, à une prière nationale invitant les responsables politiques à œuvrer pour le "bien commun". Quelque facilité, aussi, à s’offusquer d’entendre le président de la Conférence des évêques déclarer que la France a été "placée sous le patronage de la Vierge Marie", puisque c’est son imaginaire. Quelque hypocrisie, enfin, à lui dénier la liberté de défendre sa conception du mariage et de la famille, puisque ses valeurs sont en jeu.

Après tout, que l’Eglise de France veuille mener des combats d’arrière-garde est son droit et son affaire. Plutôt que des hauts cris, mieux vaut lui opposer des arguments. Tant le refus catégorique du mariage homosexuel – et son corollaire, le droit à l’homoparentalité – paraît difficile à justifier.

En effet, la revendication des couples homosexuels de bénéficier des mêmes droits et devoirs que les couples hétérosexuels – entérinée par la promesse de François Hollande de légiférer en ce sens d’ici au printemps 2013 – répond à une triple logique.

Historique, d’abord. En une trentaine d’années, les homosexuels sont passés de l’ostracisme (au mieux une maladie, au pire un crime) à la tolérance, puis à la reconnaissance, voire désormais à l’indifférence. Dans tous les pays occidentaux, l’évolution des mœurs et des mentalités a été spectaculaire, comme en témoignent toutes les études à ce sujet.

Logique anthropologique, ensuite. Si la famille reste, selon l’expression consacrée, la cellule de base de la société, elle n’obéit plus à un modèle unique ni même dominant : moins de la moitié des couples français sont "légaux" (44 % seulement mariés et 2 % pacsés). Le mariage lui-même n’obéit plus guère aux motifs traditionnels du lignage et de la religion, mais aux exigences de la vie affective, similaires entre personnes du même sexe ou de sexes différents.

Logique démocratique, enfin, déjà à l’œuvre dans des pays aussi variés que la Suède, l’Espagne, la Norvège, les Pays-Bas ou la Belgique. L’instauration du pacs, en 1999, a reconnu légalement le couple homosexuel, mais l’a exclu du droit à la famille (par adoption ou procréation médicalement assistée). Au nom de quoi, sinon du postulat – implicite car indéfendable – que deux femmes ou deux hommes seraient moins capables qu’un homme et une femme d’éduquer des enfants ?

C’est ce principe d’égalité que consacrerait, que consacrera, le mariage gay. Le débat est tout sauf anodin. Il conduit à repenser la famille et la parentalité. Raison de plus pour ne pas l’aborder de façon crispée.

P.-S.

On pourra lire la résolution adoptée le 7 juillet 2001 par le comité central de la LDH : pour l’égalité des droits des couples hétérosexuels et homosexuels.

Notes

[1Le texte de la “prière” : http://www.eglise.catholique.fr/dow....

[2On pourra lire l’article de Christian Terras, « Quand la Gauche est au pouvoir, l’épiscopat prie pour la France..., publié sur le site de la revue Golias.


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