Le 1er juin, « Les sages » ont jugé que le délai de 5 jours était trop bref pour laisser la possibilité à un étranger de réunir les preuves à l’appui de son recours. Le 13 juin, une note, que « Le Monde » s’est procurée, rejette le renvoi des demandeurs d’asile vers des « pays tiers sûrs » sans examen de leur dossier.
"Pays sûrs" : risque d’inconstitutionnalité :
"Notre Constitution interdit de bouter un demandeur d’asile vers un pays tiers jugé « sûr » sans avoir au préalable étudié son dossier sur le fond.
L’Europe voulait en effet tenter avec son nouveau règlement de décentrer le poids de l’accueil à une ceinture de pays riverains. (...)
L’Europe cherche à imposer ses « pays tiers sûrs » pour refermer ses frontières, quitte à payer ses voisins pour retenir les migrants. C’est aujourd’hui déjà le cas de la Turquie.
Mais la France ne pourra pas appliquer ce règlement, sauf à risquer l’inconstitutionnalité, dit le Conseil d’Etat." [1]
Le conseil constitutionnel censure les délais de recours des étrangers détenus :
"Le Conseil constitutionnel a censuré le 1er juin, les délais de recours de cinq jours au maximum accordés par la loi aux étrangers détenus pour contester une décision d’expulsion du territoire français la jugeant déséquilibrée par rapport au droit "à un recours juridictionnel effectif".
Les "Sages" avaient été saisis par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par l’Observatoire international des prisons, la Cimade, le Gisti, le syndicat des avocats de France (SAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes magistrats.
Leur avocat, Me Patrice Spinosi, a salué la décision rappelant que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et la Contrôleur des lieux de privation de liberté avaient également dénoncé la procédure incriminée." [2]
« Les sages » ont jugé que le délai était trop bref :
"En effet, en vertu de la loi du 7 mars 2016, l’article L.512-1 paragraphe IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyait que lorsqu’un étranger se trouvait en détention suite à une obligation de quitter le territoire français, il disposait d’un délai fixé à quarante-huit heures, donc deux jours, à compter de sa notification pour exercer un recours contre l’obligation de quitter le territoire. Aussi, est prévu que le juge dispose lui d’un délai de soixante-douze heures pour statuer sur cette requête, c’est à dire trois jours.
L’objectif du législateur était d’éviter que le détenu soit placé en rétention à l’issue de sa détention, pendant le délai dans lequel le juge se prononce sur le recours intenté.
Toute la question en l’espèce était de savoir si ces délais étaient conformes, ou non, à la Constitution qui prévoit, par l’inclusion en son préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui, dans son article 16 énonce que « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Cela induit le droit pour chaque citoyen à un recours effectif pour permettre à ses droits d’être affirmés. Aussi, la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de plus en plus influente dans notre ordre juridique, prévoit expressément en son article 13 le droit à un recours effectif.
La question portait sur la constitutionnalité des mots « et dans les délais » figurant à la première phrase du paragraphe IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
A cette question, le Conseil Constitutionnel a répondu par la négative. « Les sages » ont jugé que ce délai était trop bref pour laisser la possibilité à l’étranger de réunir les preuves, de choisir et d’exposer ses arguments à l’appui de son recours, et cela d’autant plus dans le contexte de la détention, défavorable à la tenue d’une procédure si expéditive.
Le Conseil Constitutionnel en a déduit que la conciliation entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur d’éviter le placement en rétention administrative à l’issue de la détention n’est pas assurée." [3]
[1] Maryline Baumard in Le Monde, 13/06/2018 _
[2] Le Figaro.fr avec AFP, le 01/06/2018
[3] Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris in http://www.lematindalgerie.com/le-delai-de-recours-contre-une-oqtf-juge-trop-court-par-le-conseil-constitutionnel