la loi SRU et son renforcement vus de Toulon


article de la rubrique droits sociaux > logement
date de publication : lundi 17 décembre 2012
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La loi SRU – Solidarité et renouvellement urbain – du 13 décembre 2000 a pour objectif de parvenir, à l’horizon 2020, à un taux de logements sociaux d’au moins 20 % parmi les résidences principales, pour chaque commune de plus de 3 500 habitants faisant partie d’une agglomération d’au moins 50 000 habitants.

Dans ce domaine, le département du Var est la lanterne rouge en métropole : son parc des résidences principales ne compte aujourd’hui que 9 % de logements sociaux alors que les trois-quarts de sa population y seraient éligibles – par exemple, il manque 15 000 logements sociaux dans l’agglomération toulonnaise.

Les communes qui n’atteignent pas ce taux de 20 % doivent respecter un programme de rattrapage exposé à l’article 55 de la loi. Pour chacune d’entre elles, un objectif chiffré est calculé au début de chaque période triennale – 2002-2004, 2005-2007, etc. – ; en fin de période un taux de réalisation est établi, et en cas de carence, des pénalisations peuvent leur être infligées (environ 150 euros par an et par logement social manquant – mais il y a des accommodements ...) [1]

La nouvelle version de la loi SRU actuellement en cours de discussion au Parlement fixe à 25 % l’objectif du taux de logements sociaux à l’horizon 2025, et multiplie par 5 les pénalités financières en cas de carence [2]. Ce durcissement de la loi SRU incitera-t-il enfin les édiles varois à accorder une priorité au problème du mal-logement ?


Logement social : le Var à l’heure du rattrapage

par Philippe Bersia, Var Matin, 13 décembre 2012


La nouvelle loi « Duflot » sera beaucoup plus contraignante financièrement pour les communes qui ne respectent pas les minima de logements sociaux. Seize villes [du Var] sont encore « en carence »

Adoptée fin novembre par l’Assemblée nationale, la nouvelle loi « Duflot » sur le logement social sera examinée prochainement au Sénat pour une application « dès le début de l’année prochaine », espère la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Ce nouveau projet de loi destiné à lutter contre la pénurie de logements sociaux prévoit la construction de 500 000 habitations par an dont 150 000 logements sociaux. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit mettre à disposition des terrains publics qui seront vendus à bas prix ou cédé gratuitement aux communes et collectivités territoriales.

Parallèlement, le dispositif répressif a été musclé pour les communes qui ne respecteront pas la loi et qui se verront désormais infliger de lourdes amendes, celles-ci ayant été multipliées par 5.

À ce jour, sur les 31 communes de plus de 3 500 habitants concernés dans le Var, 16 ont été déclarées en carence (donc soumises à amende), car ne satisfaisant toujours pas aux critères de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Celle-ci imposait jusqu’alors un volume minimal de logements sociaux égal à 20% du nombre de résidences principales – taux que le projet « Duflot » prévoit de porter à 25 % d’ici 2 025.

Les bons élèves ne pourront donc pas s’endormir sur leurs lauriers tandis que les mauvais vont être invités à accélérer vraiment la cadence car au total, l’obligation de production des communes varoises concernées doit passer de 1 500 à 4 000 unités par an.

15 000 demandes chaque année

Sans préjuger des effets de ce nouveau dispositif, rappelons que les besoins en logements locatifs sociaux dans le Var sont très importants : 15 000 demandes sont formulées chaque année pour moins de 4 000 attributions.

Le parc social varois qui compte environ 41 000 logements, ne représente que 9 % des résidences principales contre 14 % en moyenne en Paca et 17 % en France.

Le coût du foncier, plus élevé qu’ailleurs sur la Côte d’Azur, explique en partie cet écart mais pas seulement. Des communes sont aussi confrontées à l’hostilité de certains de leurs administrés à l’égard des projets de logement social et leurs maires ont jusque-là, préféré, payer des pénalités dont le montant était largement supportable plutôt que de prendre le risque de déplaire à leur électorat.

La perspective d’être plus lourdement sanctionnée financièrement va-t-elle vraiment changer la donne et infléchir leur position ? Personne en tout cas, ne pourra dire qu’il ne savait pas... Chez nos voisins, le préfet des Alpes-Maritimes, Christophe Mirmand, a déjà convoqué les maires concernés pour leur signifier « la vraie volonté de l’Etat de tout mettre en œuvre pour rattraper leur retard », et celui du Var, Laurent Cayrel, compte lui aussi prendre le sujet à bras-le-corps.

Il va ainsi lancer très rapidement une concertation départementale afin qu’une action partagée et déterminée entre l’Etat et les collectivités soit définie et permette de retrouver une trajectoire de production satisfaisante.

Philippe Bersia


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La plupart des communes du Var ...

A l’exception de La Garde et de La Seyne, les communes du Var sont très loin de l’objectif de 20 %, comme le montre la colonne “Logts soc” du tableau suivant qui donne pour chaque commune le taux de logements sociaux par rapport à l’ensemble des logements (résidences principales)
 :

{{}} Logts soc Réalisation Carence
Puget-sur-Argens 1 51
Saint-Zacharie 1 57 *
Solliès-Toucas 1 16 *
Trans-en-Provence 1 0 *
Le Beausset 1 20 *
Le Castellet 1 0 *
Le Revest-les-Eaux 2
La Cadière d’Azur 2 43 *
Flayosc 4 17 *
Sanary-sur-Mer 4 9 *
Les Arcs 5 149
Saint-Cyr-sur-Mer 5 65 *
Le Muy 5 12 *
Bandol 5 30 *
La Farlède 5 94
Saint-Mandrier 5 30 *
Carqueiranne 6 23 *
La Crau 6 92
Lorgues 6 22 *
Six-Fours-les-Plages 7 47 *
Solliès-Pont 7 47 *
Le Pradet 8 39
Saint-Raphaël 8 67 *
Ollioules 8 59
Fréjus 9 84
Vidauban 10 178
La Valette-du-Var 11 73
Hyères 12 55
Toulon 14 79
Draguignan 15 497
La Seyne-sur-Mer 19
La Garde 29

“Logts soc” : pour chaque commune, le taux de logements sociaux par rapport à l’ensemble des logements (résidences principales).

“Réalisation” : taux de réalisation sur 9 ans – pour la période 2002-2010 – de l’objectif fixé initialement.

“Carence” : sont marquées d’une astérisque [*] les communes du département actuellement en carence donc soumises à pénalisation. La carence est décidée par les services de l’État en fonction de critères multiples – voir le rapport évoqué dans la note 1 [3].

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Le cas de Toulon

Toulon « n’a pas du tout atteint ses objectifs triennaux et [...] pourtant est exemptée de sanctions », remarque Fathi Bouaroua, directeur de la Fondation Abbé Pierre en région Paca, dans l’édition du 6 septembre 2012 de Var Matin. Et il s’offusque « des arrangements, des compréhensions, des logiques de gestion territoriale ».

Selon le rapport [1] de la réunion du Comité Régional de l’Habitat qui s’est tenue le 5 juillet 2011 en présence du préfet de la région, pour établir un bilan de la loi SRU en Paca, la ville de Toulon a évité le “constat de carence” prévu à l’article 55 de la loi SRU, bien qu’elle n’ait pas atteint son objectif. Et voici comment cette décision était justifiée :

« Toulon : Commune ayant atteint 88% de son objectif triennal. Compte tenu de la crise de l’immobilier intervenue pendant la période 2008-2010 et du contexte départemental de forte tension du marché foncier, cette commune a réalisé des efforts significatifs pour se mettre en conformité avec la loi.
Par ailleurs, son action s’inscrit véritablement dans la durée dans la mesure où, si on considère la période 2002-2010, cette commune a réalisé 79% de son objectif. »

En 2008, Toulon échappait déjà aux sanctions

Pour la période 2005-2007, Toulon affichait un taux de réalisation de logement sociaux de 31% de l’objectif triennal prévu. Mais le Comité régional de l’habitat (CRH) qui s’est tenu le 18 juillet 2008 a permis que la ville passe à travers les gouttes. Raison invoquée : Toulon, alors dirigée par le secrétaire d’Etat chargé de l’Aménagement du territoire «  a déjà 14% de logements sociaux et doit réaliser un dossier Anru [Agence nationale de rénovation urbaine] complexe en centre-ville ». [4]

Un élu du conseil régional Paca (majorité PS) ironisait :

« Cela fait trente ans que le centre de Toulon attend d’être rénové et aujourd’hui, on ressort l’argument pour permettre à la ville de ne pas payer ses carences. »
« La vérité, c’est qu’il n’y a jamais eu aucune volonté de faire dans le social dans ces départements. Et vous pensez que ne pas sanctionner ces villes va les motiver à en faire ! »

Une appréciation partagée par la lettre Urbapress Informations. Pour cette newsletter spécialisée dans les questions d’urbanisme, il s’agit là de « contorsions avec les textes », de « subterfuges » pour permettre notamment à Toulon et Nice, « deux communes symboles », de ne pas être blâmées :

« Ces tripatouillages avec l’esprit et la lettre de la loi SRU laisseront sans doute un goût amer aux maires des communes des départements voisins sanctionnés alors qu’ils ont pourtant fait des efforts. »

Y aura-t-il un jour une volonté de faire dans le social ?

Notes

[1À la suite de l’article repris de Var Matin, cette page comporte un petit dossier dont les éléments essentiels proviennent du rapport du 5 juillet 2011 de la réunion du Comité régional de l’habitat Paca, à la DREAL PACA – Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement : http://www.paca.developpement-durab....

À consulter également : le bilan établi en juin 2011 par la Fondation Abbé Pierre.

[2Voir le dossier législatif sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1....

[3D’après des chiffres émanant de la préfecture du Var et publiés dans Var Matin le 17 septembre 2012, chacune des communes suivantes – Bandol, Le Beausset, La Crau, Fréjus, Hyères, St-Cyr-sur-Mer, Sanary, Saint-Raphaël, Six-Fours, La Valette – aurait subi en dix ans un total de pénalisation comprises entre 1 et 2 millions d’euros.

[4Pour toute cette partie, voir l’article de Rémi Leroux, des accomodements avec la loi S.R.U. , repris de Rue89.


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