la liberté d’expression ne se divise pas


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date de publication : samedi 30 septembre 2006
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Quoi que l’on pense de ses écrits, rien ne justifie que Robert Redeker soit l’objet de menaces de mort.


Communiqué de la LDH

La liberté d’expression ne se divise pas

Robert Redeker, enseignant philosophe, a commis le 19 septembre 2006 un article consacré aux « intimidations islamistes » dans lequel il s’en prend à ce qui serait, selon lui et après le Pape, l’essence de l’Islam, c’est-à-dire la violence. Le propos de Robert Redeker prétend exonérer une Église catholique dont « aucune des fautes ne plonge ses racines dans l’Évangile » alors que l’Islam serait « une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine ». M. Redeker nous a habitués à de tels débordements qui traduisent son peu de rigueur intellectuelle comme sa haine de l’Islam et des musulmans.

Le Figaro justifie la publication de cette tribune au nom de la nécessité d’entendre toutes les voix fussent-elles discordantes, se targuant d’accueillir ainsi des débats contradictoires. Dans les faits, Le Figaro a pris, une nouvelle fois, la décision de donner la parole à un discours haineux et de nature à porter atteinte à la paix civile. C’est bien ce qui est en train de se produire puisque M. Redeker fait l’objet de menaces de mort et est contraint d’être sous la protection de la police. Quoi que l’on pense des écrits de M. Redeker, rien ne justifie qu’il subisse un tel traitement. La LDH rappelle que l’on ne saurait admettre que quiconque, fût-ce en raison d’idées nauséabondes, soit l’objet d’intimidations de quelque nature qu’elles soient. On ne combat pas les idées de M. Redeker en le transformant en victime.

Paris, le 29 septembre 2006.

Redeker, soutenu par principe

par Catherine Coroller, Libération, samedi 30 sept. 2006

Syndicats et associations défendent le professeur menacé pour ses propos.

Robert Redeker réclamait le soutien de ses pairs et des associations laïques ? Il l’a obtenu vendredi. Et il est unanime. « Je condamne sans la moindre réserve les menaces dont cet enseignant a fait l’objet », affirme Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU). « Un professeur a le droit à sa liberté de penser et à sa liberté professionnelle, et l’intimider pour qu’il cède est proprement inacceptable », renchérit Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa éducation. Les associations laïques partagent cette indignation. Jean-Louis Biot, secrétaire général du Comité national d’action laïque (Cnal), « trouve inacceptable qu’une fois de plus des pressions soient faites sur le droit d’expression ». « On est pour la laïcité, pour la liberté d’expression, pour le droit de critiquer tous les textes, toutes les théories, tous les dogmes et donc toutes les religions », proclame Bernard Teper, président de l’Union des familles laïques (Ufal). Indignation également du côté de la Ligue des droits de l’homme, pour qui « on ne saurait admettre que quiconque, fût-ce en raison d’idées nauséabondes, soit l’objet d’intimidations de quelque nature qu’elles soient ».

Sur le fond, les propos de Redeker font grincer des dents. La plupart des responsables de ces organisations assortissent leur soutien d’un prudent préambule : « Je suis loin de partager ses idées, c’est une évidence », prévient Gérard Aschieri. « Nous ne partageons pas toutes les options de Redeker », prévient Gonthier. Bernard Teper, lui non plus, « ne partage pas toutes les idées de Redeker ». Mais, « comme le dit Voltaire, "même si je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, je suis prêt à me battre pour que vous puissiez le dire" », ajoute-t-il. A l’opposé, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) n’est pas loin de considérer que Redeker mérite ce qui lui arrive, estimant que « la provocation génère l’inacceptable ».

Les réactions contre le sort fait à cet enseignant ont-elles été trop tardives ? Redeker estime être « lâché par les syndicats enseignants, qui généralement vous félicitent lorsque vous critiquez l’Eglise catholique mais qui sont beaucoup plus réticents lorsqu’il s’agit de critiques contre l’islam ». De cette accusation, la FSU et l’Unsa se défendent. « Je me suis aperçu que cette histoire existait hier soir [jeudi, ndlr] en allumant la télé, raconte Aschieri. J’ai appelé la section FSU de Toulouse, et ils m’ont dit qu’eux-mêmes l’avaient apprise en lisant la Dépêche [du Midi]. » Gonthier, lui, renvoie la balle à Redeker : « Dans le domaine de la liberté d’expression, ma fédération n’a pas de leçons à recevoir. Sur la question des signes religieux et des caricatures, on a toujours défendu la liberté d’expression. »

Ces organisations sont unanimes pour critiquer la réaction du ministre de l’Education. Tout en se déclarant « solidaire » du professeur, Robien a fait valoir qu’en tant que fonctionnaire il aurait dû se montrer « prudent, modéré, avisé en toutes circonstances ». Pas d’accord, Edouard Aujaleu, président de l’Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public, entend rappeler « au ministre que, si le professeur doit éviter, dans sa classe, ce qui pourrait susciter la polémique et les affrontements idéologiques, il a le droit, en tant qu’homme public, d’exprimer des jugements personnels dans la presse et ailleurs ». « Robien le soutient, mais du bout des lèvres, regrette Patrick Gonthier. Il y a des moments où les appels à la raison et à la prudence sonnent comme des appels à l’autocensure. »


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