“la justice bafouée”, l’état des droits de l’homme en France, édition 2010


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date de publication : mardi 13 avril 2010
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Dans ce livre, la Ligue des droits de l’Homme interroge le rapport de la justice au temps, aux inégalités et aux pouvoirs. Elle pointe le rôle que l’on fait jouer à l’appareil judiciaire dans la répression des mouvements sociaux et la logique néolibérale appliquée à l’institution dans la gestion pénale des affaires. Elle dénonce le doublement du nombre de gardes à vue, du nombre de détenus et de la durée des peines. Elle appelle à rompre avec une idéologie sécuritaire construisant toujours plus d’insécurité civile et sociale. Il en va d’ailleurs de même de la justice internationale face aux désordres du monde actuel.

Il y a urgence, pour les libertés et pour les droits, mais aussi pour la République, à redonner à la justice le statut et le rôle qu’elle doit pouvoir jouer dans un État de droit.


La justice bafouée
L’état des droits de l’homme en France. Édition 2010
éd. La Découverte, coll. Sur le vif, avril 2010, 126 pages, 12 €.


La Ligue des droits de l’homme (LDH) dresse le portrait d’une justice "bafouée"

[LEMONDE.FR avec AFP, le 13 avril 2010]


La Ligue des droits de l’homme (LDH) dresse le portrait d’une justice "bafouée", "dure aux faibles" mais "paralysée face aux puissants" dans son Etat des droits de l’homme en France 2010, un rapport annuel de 124 pages présenté mardi 13 avril à Paris. "La situation de la justice en France est dramatique, face à la crise sociale, le pouvoir politique trouve des dérivatifs dans le sécuritaire et pour cela, on utilise la justice […]. On a multiplié le nombre de détenus par deux en vingt ans, et les Français n’en sont pas deux fois mieux protégés", a déclaré le président de la LDH, Jean-Pierre Dubois, lors d’une conférence de presse.

Fondée en 1898, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, la LDH dépeint dans cet état des lieux une justice "manquant cruellement de moyens", "trop lente ou trop expéditive", "de plus en plus lointaine", "sous contrôle du pouvoir" et "sans cesse plus répressive". L’organisation de défense des droits de l’homme s’indigne du fait que la justice a été en 2009, selon elle, "plus lourde pour les cibles du pouvoir" et "plus attentionnée" pour les plus favorisés, à travers notamment les projets touchant à la dépénalisation du droit des affaires. "On n’est pas loin du bouclier pénal", a estimé M. Dubois.

La LDH dénonce aussi la "pénalisation des conflits sociaux". Evelyne Sire-Marin, magistrate à Paris qui a rédigé le chapitre consacré au social dans ce rapport, a estimé que "la justice est très lente pour reconnaître les maladies professionnelles, mais extrêmement rapide quand les salariés occupent leur usine". "Les conseils des prud’hommes gênent le Medef, un quart d’entre eux sont démantelés et on fait une loi sur les licenciements à l’amiable qui permet de contourner la loi."

Le rapport cite aussi "le considérable alourdissement" des peines de prison ou "l’annonce d’un ’code pénal des mineurs’ essentiellement tourné vers le répressif". La LDH attaque l’"idéologie victimaire" et le "populisme pénal" qui conduisent à une "réponse législative frénétique à chaque fait divers dramatique". Me Henri Leclerc, autre rédacteur du rapport, a dénoncé "la dictature de l’émotion", qui conduit chaque fois à de nouvelles lois "qui rendent la procédure plus complexe, incompréhensible et parfois incohérente".

Pour Jean-Pierre Dubois, la politique gouvernementale oppose les "bénéficiaires de l’ordre" à de nouvelles "classes dangereuses" qu’il faut "maîtriser" et dont font partie les jeunes, les pauvres, les étrangers, les banlieusards… "La justice est plus dure dans les banlieues, plus douce avec les délinquants financiers." "Les logiques à l’œuvre ne relèvent plus du traitement des causes des déchirures mais de la fragmentation sociale, de la stigmatisation, de la surveillance et de la punition."

La LDH dénonce aussi le doublement du nombre de gardes à vue et la durée des peines : "Aucune démocratie ne peut demander à la justice pénale de réduire par toujours plus de sanctions et d’enfermement toutes les fractures qui la traversent." "En démocratie, l’état de la justice est un marqueur extrêmement fiable de l’état des libertés, de l’égalité réelle et de la séparation des pouvoirs", conclut le président de l’association.

Table des matières

Introduction
Face à la crise : urgence pour les libertés, urgence pour les droits, par Jean-Pierre Dubois
Un monde en crise : rien n’est joué, rien n’a vraiment changé
Une République asphyxiée : les ornières se creusent, les urgences s’aiguisent
Un jeu idéologique dangereux : manipulations xénophobes, crise identitaire
« Urgence pour les libertés, urgence pour les droits »

1. La justice ou l’égalité, par Étienne Balibar
Pascal, la justice et le droit
Platon, la justice et le sujet
Marx, la justice et le conflit

2. La justice et le temps, par Jean Danet
La prescription
Le délai raisonnable
Le temps que prend la justice
La discordance des temps : justice et médias
La justice évaluée par le temps ?

3. La justice des pauvres, par Denys Robiliard
Droit au juge
Coup de Jarnac pour l’aide juridictionnelle
Feu les juges d’instruction ?
Une réforme de la carte judiciaire qui pénalise les plus pauvres

4. Justice et conflits sociaux, par Évelyne Sire-Marin
« Dedans c’est la galère, dehors c’est la misère »
La lutte continue… devant la justice
Des syndicalistes en prison ?

5. Vers une pénalisation des droits de l’homme ?, par Denis Salas
De la protection sociale à la protection pénale
La cause des victimes, le droit pénal et les droits de l’homme
Le déclin de la subsidiarité pénale
La sécurité, utopie du XXIe siècle ?

6. Justice et pouvoir, par Henri Leclerc
La justice et la séparation des pouvoirs
La justice suspecte
La justice et la loi
La justice et le pouvoir exécutif

7. Justice internationale, par Michel Tubiana
Les juridictions internationales : de quoi parle-t-on ?
Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
Le principe de la compétence universelle
De difficiles avancées

8. Chronologie de l’année 2009, par Gilles Manceron et François Nadiras


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