la LDH soutient Sihem Souid


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date de publication : mardi 24 mai 2011
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Parce qu’elle a dénoncé dans son livre Omerta dans la police [1] paru en 2010, le climat de racisme, de sexisme et d’homophobie qui régnait dans son service, Sihem Souid, ancienne agent de police aux frontières à Orly, pourrait être sanctionnée.

En effet une proposition de sanction pour "manquement au devoir de réserve" a été faite aujourd’hui par un conseil de discipline : le conseil a proposé une "exclusion temporaire de fonction" de dix-huit mois dont six mois avec sursis contre l’ancienne adjointe de la sécurité (ADS). C’est désormais à Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de décider de suivre ou non cette proposition.

La LDH soutient sans réserve Sihem Souid.


Communiqué LDH

La LDH soutient Sihem Souid

Sihem Souid, policière en exercice, est l’objet de la vindicte de sa hiérarchie parce qu’elle dénonce des faits délictueux répétés qu’elle a constatés dans les services de police. Il faut dire que le reproche est de taille : elle a brisé l’omerta qui règne dans ces milieux, où racisme, sexisme, xénophobie, homophobie sont considérés comme choses normales.

Scandalisée de ces propos qu’elle entendait quotidiennement, elle a décidé de dénoncer et de s’adresser à l’opinion publique, puisque les responsables policiers semblaient considérer qu’il s’agissait là d’une forme de coutume dans le métier, puisqu’ils refusaient d’y mettre bon ordre.

Mal lui en a pris ! C’est Sihem Souid qui fut traduite devant la justice pour diffamation. La procédure a fait long feu et elle en est sortie, à l’évidence, grandie dans ses convictions. On pouvait penser que le ministère de l’Intérieur en resterait là, et que tout honte bue, il se contenterait de ce rappel salutaire à la légalité républicaine, qui consiste pour un policier à ne pas laisser un délit impuni. Mais le 24 mai, Sihem Souid est convoquée devant le conseil de discipline. Elle doit y répondre du motif suivant : « manquements à l’obligation de réserve » et, pour cela, elle risque jusqu’à la révocation. La première séance de ce conseil n’a pu se tenir, car la majeure partie des syndicats de police ont refusé de siéger. Mais pour la deuxième convocation, cette possibilité n’est plus ouverte.

Ainsi, n’ayant pu obtenir du juge judiciaire une condamnation, il va s’agir d’une procédure interne, pour laquelle le ministère pense pouvoir garder tous les rênes. Et Sihem est prévenue et clairement menacée : on fera peser sur elle toutes les menaces pour la ramener dans le rang, pour l’écœurer jusqu’à ce qu’elle s’en aille.

La LDH soutient sans réserve Sihem Souid. Elle lui rend hommage pour son courage, sa ténacité et sa volonté de faire respecter les principes. La LDH demande au ministère de l’Intérieur de faire ce qui devrait être sa première tâche : consacrer du temps à parfaire la formation des fonctionnaires qui sont sous ses ordres pour renforcer chez eux la légalité républicaine, plutôt que de le perdre dans une insupportable protection de faits délictueux.

La LDH regrette que l’on laisse se développer un tel climat dans la police. Quand des personnes disposent de la force publique, elles doivent être exemplaires. En prononçant éventuellement la condamnation disciplinaire de Sihem Souid, le ministère de l’Intérieur ne fera que renforcer chez les policiers le sentiment que les droits sont secondaires.

Le 23 mai 2011

Parce que j’ai critiqué la police, Claude Guéant pourrait me sanctionner

[NouvelObs.com, le 24 mai 2011]


La proposition de sanction est tombée : 18 mois d’exclusion pour Sihem Souid. Cette ancienne agent de police aux frontières à Orly a publié en 2010 Omerta dans la police, dans lequel elle dénonce un climat de racisme, de sexisme et d’homophobie dans son service. C’est désormais Claude Guéant qui décidera si la sanction est appliquée ou non.

J’ai appris aujourd’hui la proposition de sanction du conseil de discipline : dix-huit mois d’exclusion, dont six avec sursis. Je suis indignée. Scandalisée. Ce qu’on me reproche ? Un manquement à mon obligation de réserve pour la parution de mon livre Omerta dans la police, mais aussi mes prises de paroles et mes apparitions médiatiques, comme aux Yabon Awards de lundi dernier.

Dix-huit mois. La sanction est extrêmement injuste. On punit celui qui dénonce, mais pas les fautifs eux-mêmes. Le procédé est scandaleux, et d’ailleurs tous les syndicats de police – à l’exception d’Alliance – m’ont apporté leur soutien. Finalement, en me sanctionnant, l’administration cautionne les dérives dans la police.

"Le directeur de cabinet de Claude Guéant a fait des éloges sur moi"

J’ai vraiment cru que l’administration avait des principes républicains, des valeurs. J’étais d’autant plus confiante que le directeur de cabinet de Claude Guéant a convoqué il y a deux semaines mes avocats –maîtres Bourdon et Dubreuil – pour leur faire des éloges sur moi. Il a vanté ma personnalité, mon travail, ma démarche. Nous avions donc bon espoir que les choses se terminent bien. Mais nous nous sommes fait avoir. On nous a fait la danse du ventre pour mieux nous piéger.

Nous sommes dans un beau pays, dit démocratique, mais certaines personnes sont bâillonnées. Il y a des choses qu’il ne faut pas dire.

Mais je ne me laisserai pas faire, j’irai jusqu’à la Cour européenne s’il le faut. On ne peut pas être sanctionné pour avoir dénoncé des faits illégaux.

Et pourtant, l’actualité ne cesse de me donner raison en ce moment. Des propos racistes sont proférés à longueur de journée et rien ne se passe. Liberté, égalité, fraternité sont des mots sacrés, c’est dommage qu’on les sacrifie.

Notes

[1Ed. Le Cherche Midi, 19 €.


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