la LDH et la FIDH contestent le classement de leur plainte


article communiqué  LDH-FIDH  de la rubrique Big Brother > surveillance française
date de publication : mardi 5 mai 2015
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La Fédération Internationale des Ligues de droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) viennent d’annoncer le dépôt d’un recours auprès du Procureur général de Paris, à l’encontre du classement sans suite de leur plainte visant le programme « Prism à la française ».

Le refus d’enquêter du Parquet de Paris traduit le refus de faire la lumière sur les agissements des services de renseignement français. A la suite du communiqué LDH-FIDH, vous pourrez retrouver un éditorial du Monde en juillet 2013.


Communiqué LDH-FIDH [1]

Le 4 mai 2015

Surveillance : La FIDH et la LDH contestent la décision du Parquet de ne pas enquêter

La FIDH et la LDH ont déposé ce jour un recours auprès du Procureur général de Paris contre la décision de classement sans suite prise par le Parquet le 13 avril dernier à la suite d’une plainte visant les services de renseignement français pour des pratiques illégales de surveillance, qui avait été introduite en décembre 2014.

« Cette décision, qui repose sur des motifs fallacieux, démontre l’absence de volonté du Parquet de Paris de faire la lumière sur les agissements des services de renseignements français. Une telle position, dans un contexte où le projet de loi sur le renseignement est largement contesté, est inacceptable » a déclaré Patrick Baudouin, avocat et président d’honneur de la FIDH.

« Il est temps de placer les autorités françaises face à leurs responsabilités. On ne peut pas nous dire d’un côté que ces pratiques existaient hors de tout cadre légal, comme le Président de la République l’a de lui même admis récemment dans une interview, et être confronté au refus d’enquêter du Parquet » a déclaré Michel Tubiana, avocat et président d’honneur de la LDH.

Des informations parues dans la presse en 2013 avaient révélé que les services de renseignement français auraient procédé à une collecte massive de données, et ce en dehors de tout cadre légal.

La plainte de la FIDH et de la LDH déposée le 26 décembre 2014 dénonçait l’accès frauduleux à un système informatisé, la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, l’atteinte volontaire à la vie privée et l’utilisation et la conservation d’enregistrements et de documents obtenus par l’atteinte à la vie privée.

La FIDH et la LDH ont également engagé des actions judiciaires en France visant la NSA et le FBI et leurs pratiques de surveillance via le programme PRISM. Nos organisations ont déposé une plainte simple en juillet 2013, puis – face à l’inaction du Parquet de Paris – une plainte avec constitution de partie civile en avril 2015, visant à faire la lumière sur ces pratiques portant atteinte aux libertés individuelles.

Le Big Brother français vous surveille !

Editorial du Monde daté du 5 juillet 2013


Dans un film de 1997, le grand cinéaste allemand Wim Wenders décrit une opération de surveillance électronique policière globale. Le pouvoir a promis aux citoyens qu’elle permettrait "la fin de la violence" – c’est le titre du film.

Grâce à un réseau serré de caméras et de micros, les habitants de Los Angeles sont sous surveillance électronique constante. Et, avant même qu’une agression ne soit commise, la police peut intervenir et l’empêcher. Très vite, l’aventure tourne au cauchemar : la fin de la violence, c’est la fin de la vie privée, et la fin de la vie privée, le début de la fin de la démocratie.

Seize ans plus tard, nous y sommes. En vrai, pas au cinéma. Nous sommes potentiellement dans un monde où l’Etat peut tout savoir de nous ou presque. Bienvenue dans l’enchantement numérique !

Voilà ce que nous enseignent les révélations faites par le sonneur d’alarme américain Edward Snowden et par l’enquête qu’a publiée Le Monde dans son édition datée du 5 juillet.

Il n’y a pas que l’Etat américain qui a développé un gigantesque appareil permettant d’espionner l’ensemble de ses ressortissants, et au-delà. Paris fait de même. Les services spéciaux – la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) – collectent systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France, tout comme les flux entre les Français et l’étranger : courriers électroniques, relevés d’appels téléphoniques, accès Facebook, Twitter et autres sites Internet… Tout est conservé.

Il ne s’agit évidemment pas de lire ou d’écouter des milliards de communications, plutôt d’être en mesure de stocker l’identifiant des appelants et des appelés. Et de pouvoir procéder ensuite, si besoin est, à une interception proprement dite. Mais, sans aller jusque-là, l’univers numérique – auquel nous ne pouvons échapper car il est celui de notre vie quotidienne – fournit ainsi à l’Etat, s’il veut en disposer, un "profil" de nos vies privées et professionnelles.

Aux Etats-Unis, le système est accompagné d’un semblant de contrôle parlementaire et judiciaire. Rien de tel, semble-t-il, en France, où les sept services de renseignement peuvent avoir accès à la banque de métadonnées de la DGSE.

On connaît les solides raisons qu’a l’Etat de se doter d’un instrument pareil. Il s’adapte aux nouvelles nécessités de la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. Il assure l’une de ses principales missions : protéger la sécurité de ses ressortissants. En ce sens, Ben Laden a nourri Big Brother – et Al-Qaida porté des coups à la démocratie.

Certes, le politique peut a priori se targuer d’un assentiment populaire. Il n’empêche, cette évolution est dangereuse. Ce n’est pas céder à la moindre paranoïa antiétatique que de constater que, par la grâce du numérique, l’exécutif dispose dans nos démocraties d’un instrument de type totalitaire : le contrôle par la connexion.

Par nature, tout gouvernement aspire à contrôler. Il revient au législatif et au judiciaire de s’adapter à leur tour aux machines mises en place par l’exécutif au nom de la sécurité.

Il faut des contre-pouvoirs, parlementaires et judiciaires, pour tenir en respect l’immense pouvoir acquis sur nos vies par le gouvernement.

En France, à en juger par le silence qui a accueilli notre enquête, c’est mal parti.

Notes


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