la CNDS est fauchée


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date de publication : lundi 12 septembre 2005
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La Commission nationale de déontologie de la sécurité n’a plus d’argent pour exercer ses missions d’ici la fin de l’année, affirme son président Pierre Truche dans une lettre adressée aux parlementaires.


COMMUNIQUÉ LDH

Paris, le 12 septembre 2005

Sabotage d’une autorité indépendante

La Ligue des droits de l’Homme a appris avec consternation que la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait été l’objet de mesures de restrictions budgétaires qui la mettent hors d’état de fonctionner convenablement d’ici la fin de l’année 2005.

Chacun sait que se multiplient les plaintes contre des agissements des forces de police et de gendarmerie violant les droits fondamentaux des citoyens, au surplus de manière clairement discriminatoire ; l’augmentation du nombre d’affaires traitées par la CNDS en fait foi.

Est-ce parce que cette montée en puissance d’une autorité indépendante décidée à assumer sa mission de garante du respect des droits a inquiété le ministère de l’Intérieur que le gouvernement a renié ainsi son engagement de donner à la CNDS « les compétences et les moyens dont elle a besoin » ? En tout état de cause, les envolées officielles sur l’État de droit et sur la lutte contre les discriminations, tant que la CNDS ne recevra pas les moyens d’un fonctionnement sérieux, devront être tenues pour ce qu’est trop souvent la communication gouvernementale : des « promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Mais le cynisme a un prix, qui s’est déjà affiché dans les urnes notamment le 21 avril 2002. La LDH appelle les pouvoirs publics et les forces politiques à cesser de parier imprudemment sur l’amnésie des électeurs et à mettre, sur une question aussi grave que celle des libertés, leurs actes en accord avec leurs discours.

La Commission de déontologie de la sécurité n’a plus un sou

par Piotr Smolar [Le Monde du 9 septembre 2005]

La commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) dispose de 500 euros pour boucler son exercice 2005, hors paiement du loyer et des salaires. Cette situation surréaliste est la conséquence d’un gel de crédits imposé en janvier à cette autorité administrative indépendante, dont la vocation est de " veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ".

Le budget de 545 005 euros dont elle a été dotée pour cette année a été amputé de 100 000 euros ­ soit de près de 20 % ­, ce qui lui cause des problèmes inextricables pour assurer son rôle de vigie. Elle ne peut plus payer les frais de déplacement à Paris de policiers mis en cause, ainsi que les missions en province, essentiellement pour procéder à des auditions en prison.

La situation n’a pas l’air d’émouvoir le gouvernement. Premier président honoraire de la Cour de cassation, Pierre Truche, le président de la CNDS, a alerté dès janvier le directeur des services administratifs et financiers des services du premier ministre. Puis il a écrit au directeur du budget, le 23 mai ; hélas ! celui-ci n’a pas trouvé le temps de lui répondre. Enfin, le 5 juillet, Pierre Truche a adressé un courrier au premier ministre, Dominique de Villepin. La veille, la CNDS avait décidé de renvoyer toutes les auditions prévues à partir de septembre. " On n’a même pas eu d’accusé de réception ", soupire Pierre Truche.

Le président de la CNDS a donc décidé de rédiger une nouvelle lettre, envoyée le 5 septembre à l’ensemble des députés, auxquels revient le droit de saisir la Commission. Il les alertait sur le " retard préjudiciable à l’examen de l’ensemble des dossiers " et sur " l’affaiblissement d’une institution indépendante au service des citoyens ".

La CNDS est victime de son succès. L’année 2004 a été marquée par une nouvelle hausse du nombre d’affaires signalées par des parlementaires de tous bords : 97, contre 73 en 2003 et 40 en 2002. Cette année, la barre des 120 dossiers devrait être franchie, selon M. Truche. " Il faut savoir ce qu’on veut pour la CNDS, explique-t-il. La loi dit que nous sommes indépendants, mais cette affaire montre le contraire. " Et M. Truche de poser la question qui fâche : celle de l’autonomie budgétaire de la Commission.

Piotr Smolar


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