l’USP demande l’abrogation de l’arrêté du 20 décembre 2010


article de la rubrique Big Brother > psychiatrie
date de publication : lundi 21 février 2011
version imprimable : imprimer


Le 18 février 2011, l’Union Syndicale de la Psychiatrie a écrit Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, pour demander l’abrogation de l’arrêté du 20 décembre 2010, tout particulièrement de son annexe dénommée « Guide méthodologique de production du recueil d’information médicalisée en psychiatrie ».

L’USP avait dénoncé, dans un communiqué daté du 31 janvier 2011, l’usage illégal par l’Etat du Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIMP), et annoncé la saisine de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).

[Mis en ligne le 6 février 2011, mis à jour le 21]



Lettre de l’USP au ministre de la Santé

Union Syndicale de la Psychiatrie
52 rue Gallieni, 92240 Malakoff

Objet : demande d’abrogation de l’arrêté du 20 décembre 2010 modifiant l’arrêté du 29 juin 2006 relatif au recueil et au traitement des données d’activité médicale des établissements de santé publics ou privés ayant une activité en psychiatrie et à la transmission d’informations issues de ce traitement dans les conditions définies aux articles L.6113-7 et L.6113-8 du code de la santé publique.

Le 18 février 2011

Monsieur le Ministre,

L’Union Syndicale de la Psychiatrie a l’honneur de demander l’abrogation de l’arrêté du 20 décembre 2010 (modifiant l’arrêté du 29 juin 2006 relatif au recueil et au traitement des données d’activité médicale des établissements de santé publics ou privés ayant une activité en psychiatrie et à la transmission d’informations issues de ce traitement dans les conditions définies aux articles L.6113-7 et L.6113-8 du code de la santé publique), et tout particulièrement l’abrogation de son annexe II dénommée : « guide méthodologique de production du recueil d’information médicalisée en psychiatrie ».

D’après ce guide « applicable depuis le 3 janvier 2011 » (page I), l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) utilise le recueil d’information médicalisée en psychiatrie (RIMP), pour en faire un instrument « à visée d’enquête » ayant pour objectif « l’amélioration de la connaissance des populations prises en charge ». L’ATIH précise : « les établissements doivent recueillir des informations qui ne relèvent pas du champ du recueil d’informations médicalisé en psychiatrie », informations qui font l’objet « de transmissions ponctuelles organisées par les services de l’Etat ». Enfin, les informations en question, « en cours de définition », « sont relatives aux caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur le traitement de celui-ci » (page 24 du guide).

Or, le recueil informatique des données médicales en psychiatrie (RIMP) a pour finalité légale de « procéder à l’analyse médico-économique de l’activité de soins » (arrêté du 29 juin 2006 sus-cité), dans la perspective d’une tarification à l’activité (valorisation de l’activité en psychiatrie).

Ce recueil informatique ne vise donc pas à exercer un ciblage, ou un contrôle, des « caractéristiques sociales » des « populations prises en charge » en psychiatrie, « susceptible d’influer sur leur traitement (médical) » : une telle utilisation « à visée d’enquête » donne de facto à l’Etat la capacité de réguler l’offre de soins de façon discriminatoire, en fonction de critères socio-économiques.

C’est bien pourquoi le législateur a rendu une telle utilisation parfaitement illégale, au regard des risques évidents qu’elle présente pour les libertés individuelles et publiques, aussi bien celles des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques (ne serait-ce que le principe constitutionnel d’égalité), que celles défendues par la déontologie médicale (secret et indépendance du médecin, au service du patient et de la santé publique).

En effet, la loi du 6 janvier 1978 modifiée, dite « informatique et libertés », est on ne peut plus claire :
- « Les données (informatiques) sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités » (article 6) ;
- « Les traitements automatisés de données comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes (…) sont mis en œuvre après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » (article 25) ;
- « Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat (…) sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » (article 27).

A noter que l’arrêté du 29 juin 2006, modifié par l’arrêté du 20 décembre 2010 ici spécialement incriminé, est en lui-même légalement contestable : en affirmant le caractère obligatoire du RIMP et du traitement informatique des données relatives à la santé mentale, il remet en cause le consentement du patient pourtant garanti par la loi (article 8 de la loi sus-citée, mais aussi article L.1111-4 du code de la santé publique modifié par la loi du 4 mars 2002) ; en entretenant la confusion quant aux finalités du recueil (activité médicale interne à l’établissement ou transmission à fin d’analyse médico-économique ?), il est en outre contraire à l’article 6 de la loi sus-citée. Compte-tenu des enjeux pour la politique psychiatrique comme pour les libertés publiques, un simple arrêté peut-il d’ailleurs être considéré comme valable ? A titre de comparaison, la création du Dossier médical personnel, bien que celui-ci ne soit pas obligatoire et ne concerne pas spécialement le domaine sensible de la santé mentale, a fait l’objet d’une loi le 13 août 2004…

Soucieuse de la défense des droits des patients et des médecins, l’Union Syndicale de la Psychiatrie vous demande le retrait immédiat des dispositions manifestement illégales contenues dans l’annexe II de l’arrêté du 20 décembre 2010, et que l’ATIH soit sanctionnée pour excès de pouvoir. Elle demande également que soit réexaminée la légalité de l’arrêté antérieur du 29 juin 2006. Elle souhaite ardemment que votre ministère se prononce pour que l’informatique en psychiatrie cesse d’être utilisée pour servir une politique de fichage, de stigmatisation « susceptible d’influer sur le traitement » des populations vulnérables : la psychiatrie doit être au service des personnes en souffrance, et non d’une sélection socio-économique de plus en plus âpre, injuste, et profondément anti-républicaine.

En vous remerciant [...]

Dr Olivier LABOURET
Vice-Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie


Communiqué de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Non au fichage social en psychiatrie

Le 31 janvier 2011

Après analyse du « guide méthodologique de production du Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (RIMP) », publié par l’Agence technique de l’information hospitalière en annexe de l’arrêté du 20 décembre 2010, l’Union Syndicale de la Psychiatrie a décidé de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et si besoin le Conseil d’Etat.

En effet, en toute illégalité, l’Etat veut faire du RIMP un outil de contrôle social des populations psychologiquement les plus vulnérables : ce guide, appliqué depuis le 3 janvier 2011, utilise le RIMP pour en faire un instrument « à visée d’enquête », ayant pour objectif « l’amélioration de la connaissance des populations prises en charge ». L’ATIH précise : « les établissements doivent recueillir des informations qui ne relèvent pas du champ du recueil d’informations médicalisé en psychiatrie », informations qui font l’objet « de transmissions ponctuelles organisées par les services de l’Etat ». Les informations en question, « en cours de définition », « sont relatives aux caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur le traitement de celui-ci ».

La loi du 6 janvier 1978 modifiée, dite « informatique et libertés », est pourtant on ne peut plus claire :

  • « Les données (informatiques) sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités » (article 6) ;
  • « Les traitements automatisés de données comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes (…) sont mis en œuvre après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » (article 25) ;
  • « Les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat (…) sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » (article 27).

L’Union Syndicale de la Psychiatrie demande le retrait immédiat de ces dispositions totalement illégales, et que l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation soit sanctionnée pour abus de pouvoir. Elle demande que l’informatisation en psychiatrie cesse d’être utilisée pour servir une politique de fichage, de stigmatisation « susceptible d’influer sur le traitement » des populations vulnérables. Elle demande que la psychiatrie soit au service des personnes en souffrance, et non d’une sélection socio-économique de plus en plus âpre, injuste, et profondément anti-républicaine.

Voici l’extrait du Guide méthodologique du RIMP décembre 2010 [1] évoqué précédemment :

6. INFORMATIONS À VISÉE D’ENQUÊTE

« En complément des informations nécessaires à la mesure de l’activité, les établissements doivent recueillir des informations qui ne relèvent pas du champ du recueil d’informations médicalisé en psychiatrie.

« Si les variables correspondantes appartiennent au recueil minimum obligatoire, elles se différencient toutefois par le fait qu’elles ne font pas l’objet d’une transmission trimestrielle systématique, mais de transmissions ponctuelles organisées par les services de l’État avec pour objectif l’amélioration de la connaissance de l’activité de l’établissement et des populations prises en charge
Les données doivent être recueillies par patient, quel que soit le type de prise en charge (temps complet, temps partiel, ambulatoire). Les informations sont relatives aux caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur les modalités du traitement de celui-ci : nature du domicile, mode de vie
 [2], situation scolaire, situation professionnelle, prestation liée à un handicap, bénéfice d’un minimum social, bénéfice de la CMU, responsabilité légale, protection juridique. Ces informations sont en cours de définition. Leur connexion avec les autres informations du recueil utilise l’identifiant permanent du patient (IPP). Pour mémoire, ces informations étaient recueillies systématiquement dans la fiche par patient des établissements sectorisés.

« L’ensemble de ces données remplace la fiche par patient. Une note du 3 novembre 2006 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère chargé de la santé précise les codes à utiliser. »

Notes

[2[Note de LDH-Toulon] – L’item “Mode de vie” que va devoir remplir la psychiatrie dans la partie "sociale" du fichier RIMP regroupe-t-il les indications "célibataire, marié, divorcé, ...", l’existence d’enfants et leur nombre, ou tout autre chose ?


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP