“interfaces” ... base élèves 1er degré s’adonnerait-il à l’échangisme ?


article de la rubrique Big Brother > base élèves, non !
date de publication : mercredi 11 novembre 2009
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Un directeur d’école trouve aisément sur Internet les explications sur la façon de procéder pour récupérer sur un tableur – Excel, OpenOffice Calc ... – des données extraites de Base élèves 1er degré (BE1d) qu’il pourra ensuite exploiter à sa guise (tri, filtrage de données, étiquettes de publipostage...). Et s’il veut s’épargner des manipulations un peu fastidieuses il peut acquérir, pour une centaine d’euros, un logiciel comportant des « passerelles » permettant d’effectuer des transferts de données personnelles, dans un sens ou dans l’autre, entre BE1d et un tableur.

Lors de sa déclaration à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), le 24 décembre 2004, le ministère de l’Education nationale avait répondu par la négative aux deux questions suivantes qui figurent à la rubrique Interconnexion, mise en relation, rapprochement du dossier [1] :

  • le traitement a[-t-il] pour objet l’interconnexion de fichiers dont les finalités principales sont différentes ?
  • le traitement a[-t-il] pour objet l’interconnexion de fichiers dont les finalités correspondent à des intérêts publics différents ?

Et dans la présentation officielle de BE1d, le ministère écrit : « Il n’y pas d’interconnexion avec d’autres fichiers de l’État » [2].

Il faut néanmoins se rendre à l’évidence : les échanges de données personnelles entre BE1d et d’autres logiciels existent. L’administration reconnaît y avoir recours. Désignés par le terme d’« interface », ils ont tendance à se multiplier. Une question vient naturellement à l’esprit : ne serions-nous pas en présence d’interconnexions déguisées ?


Echanges d’informations internes/externes

Grâce à l’INE (Identifiant national élève), les données à caractère personnel du traitement BE1d sont, au moins pour un certain nombre d‘entre elles, intégrées dans la BNIE [3].

Elles pourront être reprises [4] dans d’autres systèmes d’information internes ou externes au ministère de l’Education nationale :
- dans la base SCONET pour ceux qui rejoindront le second degré, puis l’université,
- dans la base OCEAN pour la gestion des examens et concours,
- dans la base SISE pour le suivi des étudiants, ce qui implique des liens avec le ministère de la recherche et des universités,
- dans la base SIFA pour la gestion des apprentis dans les Centres de Formation des Apprentis, ce qui implique des liens avec les régions, les chambres de commerce, de métiers ou d’agriculture, les entreprises et les établissements d’enseignement public ou privé,
- dans la base SIA pour ceux qui iront en lycée ou école d’ingénieur agricole, ce qui implique des liens avec le Ministère de l’Agriculture.

La loi de finances pour 2010

On trouve confirmation de ces échanges d’informations dans le projet de loi de finances pour 2010.
Son annexe consacrée à l’Enseignement scolaire mentionne en effet, parmi les principaux projets d’évolution et de maintenance des systèmes d’information (SI) :

Scolarité 1er degré : enrichissement et généralisation de la base élève 1er degré (BE1d) - sur laquelle s’appuient notamment les évaluations en primaire- et mise en service de procédures d’interface avec des logiciels utilisés par les communes. [5]

Echanges d’informations avec les logiciels de mairie

Ils se font notamment à l’occasion de l’inscription des enfants à l’école [6].

L’inspection académique propose aux mairies intéressées [7] :
- soit d’utiliser directement et gratuitement l’application Base élèves (dans
ce cas, la mairie n’accède qu’aux seules données la concernant, au titre
de sa compétence légale),
- soit d’échanger des données avec leur propre logiciel d’inscription scolaire.

Dans cette dernière éventualité, les données à caractère personnel du traitement BE1d sont échangées avec les systèmes de traitement automatisé de données personnelles des mairies et des services d’Action Familiale et Sociale, notamment pour le recensement des enfants soumis à l’obligation scolaire.

Les échanges d’information se font alors dans les deux sens comme le montre le graphisme suivant extrait d’un document diffusé par le ministère
 [8] : de la mairie vers BE1d pour l’inscription ; puis dans l’autre sens, les mairies étant tenues informées des modifications de BE1d qui reste en partie consultable par la mairie.

Les fichiers des mairies et BE1d n’ont pas la même finalité et ils correspondent à des intérêts publics différents. On peut donc être étonné que la Cnil n’ait pas demandé au ministère de l’Education nationale de rectifier sa déclaration du 24 décembre 2004 et ait apporté sa caution à BE1d par un “Mode d’emploi” lénifiant le 10 avril 2008.

Une question : les parents qui vont en mairie inscrire leur enfant pour la maternelle sont-ils informés que certaines des informations qu’ils fournissent sont alors dirigées vers Base élèves ?

Echanges d’informations avec l’enseignement catholique

D’après les déclarations du secrétariat général de l’Enseignement catholique publiées au début de l’été 2009, « Une première catégorie de diocèses [...] s’est organisée pour disposer d’une base académique spécifique à l’enseignement catholique en utilisant une interface pour la saisie des données et en faisant appel pour la gestion logicielle à des éditeurs privés. Une deuxième catégorie [...] va utiliser Netec, l’outil mis au point par la Bretagne, et sa base élèves “Basec”.  »

Le Sgec a négocié avec le Ministère, pour la première catégorie, « la mise en place
d’interfaces labellisées qui permettent aux éditeurs privés d’envoyer par décision du chef d’établissement les données élèves à BE1D
 ». [9]

Interfaces ou interconnexions ?

Le site de la Cnil propose la définition suivante du terme “interconnexion”.

Qu’est-ce qu’une interconnexion de fichiers ? [10]

Il s’agit de tout traitement automatisé mis en œuvre par un ou plusieurs responsables qui consiste à mettre en relation (à corréler) des données ayant une finalité avec d’autres données ayant une finalité identique ou différente.

Cette mise en relation (ou corrélation) peut consister à transférer un fichier pour alimenter un autre fichier ou pour réaliser la fusion de ces fichiers, à mettre ponctuellement en relation plusieurs fichiers normalement gérés séparément, par exemple en constituant un fichier d’appel à partir de l’un de ces fichiers qui servira à interroger les autres fichiers et sera enrichi par les résultats de cette interrogation. Il peut également s’agir d’assembler des informations provenant de plusieurs fichiers au sein d’une même base de données (exemple des bases dénommées « entrepôts de données » alimentés par des informations provenant de différents fichiers ) avec un éventuel recours à des techniques logicielles de mises en relations ponctuelles (outils dits de datamining) ou de créer un lien technique entre plusieurs bases de données nominatives qui permettra, par exemple, de les consulter simultanément (par exemple, des sites portails permettant par des « liens hypertextes » d’assurer une mise en relation avec d’autres bases).

Dès lors la question se pose : certains des échanges d’informations que l’administration de l’Education nationale désigne par l’expression rassurante d’interface n’entrent-ils pas dans la catégorie de ce que la Cnil appelle interconnexion ?

Dans ce cas, la déclaration de BE1d à la CNIL le 24 décembre 2004 n’aurait-elle pas dû comporter une demande d’autorisation ? [11]

Notes

[2Référence : Système d’information du premier degré : Base élèves 1er degré
Objectifs : http://eduscol.webedu.men.aw.atosor....

[3Voir cette page.

[4Voir l’annexe 5, « Finalité principale du traitement », de la déclaration de la BNIE à la Cnil, le 8 février 2007 : l’avenir radieux : BNIE, répertoire de la jeunesse.

[5Référence : page 311 de http://www.performance-publique.gou....

[8Référence : Base élèves 1er degré, Aide à la prise en main mairie, CATEL – Diffusion Orléans-Tours, 2006, page 37.

[11Voir le 5° de l’article 25 de la loi informatique et libertés.


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