interconnexion des fichiers : le boom


article de la rubrique Big Brother > l’administration et les données personnelles
date de publication : vendredi 19 septembre 2008
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Alors que les feux de l’actualité sont, à juste titre, braqués sur le fichier Edvige, on en oublierait presque les autres fichiers... et notamment ceux du fisc qui continue tranquillement et méthodiquement à mettre en place un ambitieux programme de fichage de la population.

Cet exposé suit et complète un précédent article consacré au NIR (le NIR et l’interconnexion des fichiers). Il ne prétend pas faire le tour de la question, mais il voudrait contribuer à une prise de conscience des conséquences de l’interconnexion des fichiers sociaux et fiscaux – et nous n’en sommes qu’au début ! Imagine-t-on ce que deviendraient nos libertés si nous permettions maintenant de croiser ces fichiers avec les fichiers de santé, de police, etc. ?


© Alan L. Bauer / www.alanbauer.com

Le NIR et son répertoire

Le NIR ou Numéro d’Inscription au Répertoire, désigne ce que l’on appelle communément le « numéro de sécurité sociale » : c’est le numéro d’identification à 13 chiffres qui est attribué, en France, à chaque personne physique. Il est déterminé de telle sorte que les numéros attribués à deux personnes différentes sont nécessairement différents (à partir du sexe - 1 pour les hommes, 2 pour les femmes -, de la date et du lieu de naissance, et de l’ordre de la naissance dans la commune de naissance).

La gestion du NIR a été confiée à l’INSEE par un décret de juin 1946 [1] : à la naissance en France de tout enfant, qu’il soit ou non de nationalité française, l’INSEE lui attribue un NIR et l’inscrit au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP). Le RNIPP est géré par l’INSEE qui en assure la mise à jour quotidienne.

La nationalité ne joue aucun rôle dans l’inscription au répertoire.
Une personne née à l’étranger est enregistrée au RNIPP dès lors que son inscription est demandée par un organisme autorisé. [2]

La structure d'un NIR.

Le répertoire des bénéficiaires de l’Assurance maladie

Depuis 1996, le RNIPP est utilisé pour constituer un répertoire des bénéficiaires de l’assurance maladie.

La seconde ordonnance relative à la réforme de la sécurité sociale de 1996 a prévu la création d’un Répertoire National Inter-régimes des bénéficiaires de l’Assurance Maladie (RNIAM) : chaque résident y figure, identifié par son NIR, avec la mention de sa caisse d’affiliation à un régime général et de ses caisses complémentaires éventuelles .

La gestion du RNIAM a été confiée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAMTS), par le décret N° 96-793 du 12 septembre 1996 qui précise son fonctionnement [3].

Les deux identifiants utilisés par le fisc

L’administration fiscale utilise deux identifiants [4] :

  • chaque contribuable se voit attribuer par le fisc un identifiant, le SPI ; comme le NIR il est invariable, mais, contrairement à ce dernier, ses chiffres ne donnent aucune indication sur son titulaire ;
  • un numéro FIP est attribué à chaque foyer fiscal ; comportant 19 chiffres, il figure sur les différents documents adressés par l’administration fiscale (sur la déclaration de revenus adressée au domicile, sur l’avis d’imposition — ou de non-imposition — ...).

Un même foyer fiscal pouvant être constitué de plusieurs personnes, il est nécessaire de disposer d’une table de correspondance entre numéros SPI et numéros FIP.

C’est l’arrêté du 5 janvier 1990, autorisant la mise en oeuvre par la DGI (Direction Générale des Impôts) d’un traitement automatisé de l’impôt de solidarité sur la fortune (I.S.F.), qui a permis la constitution de cette table [5].

L’interconnexion en action

Le fisc souhaitait depuis longtemps pouvoir rapprocher, “croiser”, les informations de chaque contribuable accessibles par son numéro NIR (connu des services sociaux et des employeurs) et les données fiscales qui le sont par l’intermédiaire de son numéro SPI.

Elle y est parvenue le 17 novembre 1998 par le biais d’un amendement à la loi de finances pour 1999, adopté par l’Assemblée nationale, qui a autorisé l’administration fiscale à utiliser le NIR et à échanger des informations avec les organismes sociaux. Pour Jean-Pierre Brard, auteur de l’amendement, il s’agissait de donner au fisc un moyen permettant de contrôler les déclarations des gros revenus.

Un décret du 14 décembre 1999 pris pour l’application de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 a concrétisé cette décision [6].

Un arrêté du 3 mai 2002 [7]
relatif à la mise en service d’une procédure automatisée de transfert des données fiscales de la DGI, à la CANAM, CNAVTS et à la CNAF évoque l’existence d’une « table CNTDF de correspondance NIR/n° SPI ».

La Cnil a été amenée à publier un communiqué le 6 octobre 2004 [8], pour faire savoir à ceux qui s’en étaient émus que « sur la base des textes en vigueur, les administrations fiscales peuvent utiliser les numéros de sécurité sociale pour :

  • fiabiliser les éléments d’identification des personnes physiques et, par voie de conséquence, sécuriser les conditions d’attribution du numéro fiscal personnel utilisé par les administrations fiscales dans leurs traitements internes et dans les relations avec les contribuables ;
  • exploiter les déclarations annuelles de données sociales à la charge des employeurs, caisses de retraite, sécurité sociale ;
  • traiter les demandes d’informations sur les éléments de revenus déclarés provenant des organismes assurant la gestion d’un régime de sécurité sociale, notamment à des fins de contrôle du montant des revenus déclarés. »

Par la suite, un arrêté du 28 mars 2006 a organisé une procédure automatisée de transfert de données fiscales [9]

Tout cela a permis, en 2006, à plus de 90 % des foyers fiscaux de recevoir à domicile sa déclaration de revenus préremplie : les employeurs et les organismes de retraite avaient pu adresser au fisc les déclarations des sommes versées (salaires, pensions et retraites) à chaque contribuable identifié par son NIR... La Cnil a consacré une délibération datée du 9 mai 2006 à la généralisation du préremplissage des déclarations de revenus [10].

Pour parfaire le croisement des fichiers fiscaux et sociaux, une procédure automatisée de transfert des données fiscales à la CNAMTS a été organisée par un arrêté du 9 juin 2008, afin de « contrôler a posteriori la cohérence et l’exactitude des déclarations des personnes [...] » [11].

Le fichier PERS

Pour couronner l’édifice voici un fichier qui fiche tout le monde — sans discrimination ! — toutes les personnes physiques (ou “professionnelles”), sans condition d’âge, qu’elles soient vivantes ou décédées, de nationalité française ou pas, ... il accepte même de ficher des sans-papiers !

PERS est le fichier du fisc qui répertorie le maximum d’informations (état-civil, filiation, mariage, domicile, mail, téléphone, profession, biens mobiliers et immobiliers, comptes en banque, etc.) pour chaque personne se trouvant dans « le champ d’application de tous les impôts, taxes, droits ou cotisations [...] ».

Arrêté du 17 janvier 2008 créant le fichier PERS [12]

Article 1

Le traitement de données à caractère personnel dénommé « PERS » est mis en œuvre par la direction générale des impôts dans les services des impôts et de la comptabilité publique.

Article 2

Le traitement assure, au plan national, la gestion des informations d’identification concernant les personnes physiques ou professionnelles entrant dans le champ d’application de tous les impôts, taxes, droits ou cotisations pour le compte de l’ensemble des applications du système d’information de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique.

PERS gère une base nationale unique constituée à partir des informations d’état civil (personnes physiques et professionnelles) et d’adresse (uniquement pour les personnes professionnelles).

Article 3

La base nationale est mise à jour et complétée à partir des informations qui, dans le cadre des dispositions légales ou réglementaires en vigueur, sont recueillies par les agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique ou communiquées par l’Institut national de la statistique et des études économique (INSEE).

Article 4

Les données à caractère personnel traitées sont les suivantes :

Concernant les personnes physiques :

  • nom de naissance, nom du conjoint, nom usuel, (nom marital, pseudonyme, nom d’usage, surnom) ;
  • prénoms de l’état civil ; prénom usuel (prénom marital, prénom d’usage, prénom lié au pseudonyme, surnom) ;
  • titre ;
  • sexe ;
  • date de naissance ;
  • lieu de naissance : département, commune, région, pays ;
  • adresse (fiscale, d’envoi, de contact) ;
  • date de décès ;
  • type de décès : décès normal, décès en mer, jugement déclaratif de décès, jugement déclaratif d’absence ;
  • numéro séquentiel d’identification.

Le cas échéant :

  • numéro de téléphone (fixe, portable) ;
  • numéro de télécopie ;
  • adresse de messagerie électronique.

Concernant les professionnels :

  • nom, prénom(s) pour les personnes physiques ;
  • sigle, raison sociale, dénomination pour une personne morale ;
  • forme juridique ;
  • enseigne commerciale pour un établissement ;
  • numéro SIREN, numéro SIRET ;
  • date d’immatriculation, date de radiation ;
  • adresse de localisation de l’établissement.

Le cas échéant :

  • numéro de téléphone (fixe, portable) ;
  • numéro de télécopie ;
  • adresse de messagerie électronique.

Article 5

Les informations nominatives d’état civil des personnes physiques (nom patronymique, prénoms, sexe, date et lieu de naissance) font l’objet de demandes de certification auprès de l’Institut national de la statistique et des études économique (INSEE).

En retour, l’INSEE certifie ou infirme l’état civil de la personne et communique à cette occasion le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR).

L’INSEE communique également à la direction générale des impôts les modifications apportées à l’état civil et, le cas échéant, les dates de décès des personnes physiques ayant fait l’objet d’une certification.

Toute consultation de l’application PERS, à partir du NIR, de données relatives à une personne physique donne lieu à un enregistrement des éléments d’identification de l’auteur, des références du NIR consulté ainsi que des date et heure de la consultation.

Toute consultation est soumise à une habilitation particulière.

Article 6

L’INSEE communique les créations et les modifications pouvant affecter la vie des personnes professionnelles (nom, prénom(s) pour les personnes physiques, sigle, raison sociale, dénomination pour une personne morale, forme juridique, enseigne commerciale pour un établissement, numéro SIREN, numéro SIRET, date d’immatriculation, date de radiation, date de cession, date de cessation et adresse de localisation de l’établissement).

Article 7

Les traitements informatisés :

- SPI (Simplification des procédures d’imposition) ;
- FIP (Fichier des contribuables à l’impôt sur le revenu, à la taxe d’habitation et à l’impôt sur la fortune) ;
- FICOBA (Fichier des comptes bancaires et assimilés) ;
- AMBRE (ensemble des BDRP-base de données des redevables professionnels locales) ;
- MAJIC 2 (Mise à jour des informations cadastrales, gestions des rôles fonciers) ;
- BNDP (base nationale des données patrimoniales) ;
- SAPHIR (Système d’acquisition de pilotage et d’harmonisation des informations vers les référentiels) ;

fournissent à l’application PERS les informations nécessaires à sa constitution et à sa mise à jour ;

PERS délivre à chacun d’eux l’identifiant technique (ITIP) et l’identifiant métier (SPI ou SIREN) qu’il a attribué aux personnes figurant dans leurs fichiers ;

Les traitements ci-avant énumérés ainsi que tous les traitements de la direction générale des impôts et de la direction de la comptabilité publique portant sur des données à caractère personnel peuvent consulter le référentiel PERS.

Article 8

Les informations sont conservées tant que la personne reste contribuable ou interlocuteur de la direction générale des impôts. Toutefois, suite à une résolution d’anomalie de type doublon ou amalgame, les données peuvent être archivées.

Article 9

Le droit d’accès et le droit de rectification, prévus par la loi du 6 janvier 1978 susvisée, s’exercent auprès du centre des impôts du domicile fiscal du demandeur.

En outre, le droit d’opposition prévu par l’article 38 de la loi précitée ne s’applique pas au présent traitement.

Le droit de rectification, prévu par cette même loi, des données d’état civil gérées dans le référentiel des Personnes « PERS » et certifiées par l’INSEE s’exerce auprès de cet institut.

Le droit de rectification des données gérées dans le référentiel autres que celles certifiées par l’INSEE s’exerce auprès du centre des impôts compétent.

Notes

[1Le décret N° 46-1432 du 14 juin 1946 a confié la gestion du NIR à l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques).

Cette gestion est précisée par le décret N°82-103 du 22 janvier 1982 relatif au répertoire national d’identification des personnes physiques : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[2Références pour le NIR et le RNIPP :
- une page du site de la Cnil : http://www.cnil.fr/index.php?id=1804.
- sur le site de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/insee_region....

[3Décret N° 96-793 du 12 septembre 1996 ( NOR : TASS9623156D ) relatif à l’autorisation d’utilisation du numéro d’inscription au Répertoire national d’identification des personnes physiques et à l’institution d’un répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l’assurance maladie et modifiant le code de la sécurité sociale : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[4Origine des sigles : FIP : Fichier d’Imposition des Personnes, SPI : Simplification des Procédures d’Imposition.

[5L’arrêté du 5 janvier 1990 (
NOR : BUDL9000010A ), autorisant la création du traitement automatisé de l’impôt de solidarité sur la fortune à la direction générale des impôts http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[6Décret N°99-1047 ( NOR : ECOF9900025D ) du 14 décembre 1999 pris pour l’application de l’article 107 de la loi de finances pour 1999 (N° 98-1266 du 30 décembre 1998) relatif à l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques par la direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des douanes et droits indirects : http://legifrance.gouv.fr/affichTex....

[7NOR : ECOL0200069A http://legifrance.gouv.fr/affichTex....

[9L’arrêté du 28 mars 2006, ( NOR : BUDL0600033A ) relatif à la mise en service d’une procédure automatisée de transfert des données fiscales
- http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[10La délibération n°2006-129 ( NOR : CNIX0609419X ) du 9 mai 2006 de la Cnil, portant avis sur les modifications des traitements de la direction générale des impôts rendues nécessaires par la généralisation du processus de préremplissage des déclarations de revenus, quel qu’en soit le support - http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[11Arrêté du 9 juin 2008 relatif à la mise en service à la direction générale des impôts et à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés d’une procédure automatisée de transfert des données fiscales : http://www.legifrance.gouv.fr/affic....

[12L’arrêté ( NOR : BCFL0801837A ) du 17 janvier 2008 relatif à la mise en service par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique d’un traitement automatisé d’identification des personnes physiques et morales dénommé « PERS » :

- l’arrêté : http://www.legifrance.gouv.fr/affic...
- la délibération de la Cnil en date du 10 juillet 2007 :
http://www.legifrance.gouv.fr/affic... .


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