Le 1er juin 2007, le Collectif Chine JO 2008, composé de neuf organisations (ACAT, ADH, AI-France, CSPT, ECPM, FIDH, LDH, RSF et Solidarité Chine) a lancé sa campagne « Huit revendications pour Pékin » pour rappeler aux dirigeants chinois leur promesse de « développer les droits de l’Homme » à l’occasion des JO de 2008.
Pour soutenir cette campagne et se tenir au courant, vous pouvez consulter le blog Collectif Chine.
Le 8 août 2008, les Jeux olympiques (JO) s’ouvriront à Pékin. La Charte olympique prescrit que l’olympisme repose sur « le respect des principes éthiques fondamentaux universels ». En avril 2001, le représentant du Comité de candidature de la capitale chinoise aux JO avait affirmé : « En confiant à Pékin l’organisation des Jeux, vous contribuerez au développement des droits de l’Homme ».
Les promesses des dirigeants chinois sont à ce jour démenties par les faits. La répression de toute forme de contestation du pouvoir en place reste systématique contre les pétitionnaires, les avocats défendant des causes sensibles, les journalistes et cyber-dissidents, ainsi que les adeptes du Falungong et d’autres groupes religieux indépendants du pouvoir. La situation des minorités reste également particulièrement préoccupante, notamment chez les Ouïghours et les Tibétains.
Pourtant, de nombreux signes témoignent de la vitalité de l’aspiration de la société civile pour plus de démocratie et pour un Etat de droit. Les citoyens chinois revendiquent courageusement leurs droits en dépit des risques qu’ils courent. Les expressions contestataires sur Internet sont légion.
La période précédant les JO est cruciale pour prendre au mot les autorités chinoises et attirer l’attention de l’opinion mondiale sur les avancées nécessaires en Chine dans le domaine des droits de l’Homme. Ce rendez-vous mondial va attirer sur la Chine l’attention d’un nombre exceptionnel de médias ; nombreux sont les citoyens chinois qui espèrent que cet événement provoquera une évolution en faveur des libertés.
Nous nous faisons donc le relais de cette aspiration et adressons aux autorités chinoises huit revendications réalistes qui pourraient être mises en œuvre immédiatement si la volonté politique est au rendez-vous. Le gouvernement chinois se doit d’honorer les engagements pris aux yeux du monde pour obtenir les Jeux.
La plupart des prisonniers politiques chinois sont emprisonnés sous des prétextes divers (tentative de subversion, trahison de secrets d’Etat, troubles à l’ordre public, diffusion de rumeurs mensongères, etc.) mais non recensés comme tels. Il est donc difficile d’évaluer leur nombre à l’heure actuelle. Nous savons toutefois que plusieurs centaines de participants aux manifestations démocratiques de 1989, condamnés à des peines pouvant aller jusqu’à vingt ans de réclusion, seront toujours incarcérés au moment des Jeux Olympiques de 2008.
Se comptent également par centaines ou milliers les individus qui croupissent injustement dans des prisons ou des camps de rééducation par le travail : avocats, journalistes, internautes, militants pour la défense des droits civiques, de l’environnement, du droit à pratiquer la religion de son choix, de parler sa langue lorsque l’on n’appartient pas à l’ethnie majoritaire Han, etc. Les tensions s’accroissent entre la population et le gouvernement parce que le discours officiel, qui affirme le respect des droits fondamentaux, est contredit par le maintien d’une répression très dure vis-à-vis de ceux qui sont perçus comme une menace au pouvoir en place.
Les médias et Internet sont considérés par le gouvernement chinois comme l’un des secteurs stratégiques à ne pas abandonner aux "forces hostiles", régulièrement dénoncées par le président Hu Jintao. Le Département de la propagande, la sécurité publique et la cyber police, bastions des conservateurs, sont ainsi chargés de faire appliquer la censure sur des sujets sensibles, notamment le mouvement démocratique de 1989.
Au moins trente journalistes et cinquante internautes sont actuellement emprisonnés, certains depuis les années 1980. Le gouvernement bloque des milliers de sites d’information, dont celui de la BBC. Les programmes en chinois, tibétain ou ouïghour d’une dizaine de radios internationales sont brouillés. La loi sanctionne lourdement la divulgation de secrets d’Etat, la subversion et la diffamation, notions définies de manière très floue et opportuniste. Bien que les régulations concernant les journalistes étrangers aient récemment été assouplies, il est toujours impossible pour les médias internationaux d’employer des journalistes chinois, ou de voyager librement au Tibet et au Xinjiang.
La Chine est le pays qui exécute le plus grand nombre de personnes chaque année. Pourtant, les statistiques relatives aux condamnations à mort et aux exécutions sont classées secret d’Etat, ce qui rend toute évaluation difficile. Les estimations de certains chercheurs chinois font état de 8 000 à 10 000 exécutions par an.
La peine de mort est généralement prononcée au terme de procès parfaitement inéquitables. Elle est prévue pour un grand nombre de crimes : 68 chefs d’inculpation, y compris des infractions non-violentes telle que la corruption.
Enfin, depuis le 1er juillet 2006, l’accord du condamné est demandé pour effectuer un prélèvement d’organes. Toutefois, un tel consentement est, par définition, inopérant s’agissant des personnes condamnées à mort compte tenu des mesures coercitives dont elles risquent de faire l’objet.
La détention administrative (en chinois laojiao : rééducation par le travail) s’applique à des infractions dont la gravité est insuffisante pour qu’elles soient punies aux termes du Code pénal.
La durée des peines de « rééducation par le travail » peut aller d’un an à trois ans, etpeut être prolongée d’un an. Elle est fixée arbitrairement par la police, sans inculpation, sans procès ni contrôle d’une autorité judiciaire. La torture et les mauvais traitements sont liés à cette forme de détention.
Il arrive aussi que des citoyens chinois soient enlevés et maintenus au secret, pendant des durées illimitées, dans des dépendances de camps militaires ou dans des centres d’hébergement gérés par la police ou la sécurité publique.
Pendant les JO, le champ d’application de la rééducation par le travail sera élargi pour assurer la sécurité de Pékin. Le vagabondage, la mendicité, l’exercice de la profession de taxi sans licence, les activités commerciales non autorisées, feront partie de ces « comportements délictueux ».
En novembre 2006, Wang Zhenchuan, l’un des sept procureurs adjoints du parquet suprême de la République populaire a reconnu que « presque chaque verdict erroné prononcé ces dernières années est la résultante d’interrogatoires illégaux ».
Pour le Rapporteur spécial des Nations unies : « La torture, bien qu’en déclin, en particulier dans les zones urbaines, reste une pratique répandue en Chine ». Plusieurs facteurs contribuent à perpétuer la pratique de la torture, notamment les règles de preuve, qui incitent à obtenir des aveux sous la torture, la durée excessive de la garde à vue, l’absence de culture juridique reposant sur la présomption d’innocence, l’accès limité à un défenseur et l’obligation de clore l’enquête dans des délais très courts.
Selon les témoignages des victimes, la liste des tortures utilisées est impressionnante, allant des coups de poing, de matraque électrique, de la privation de sommeil aux sévices psychologiques, en passant par des positions très douloureuses, dans lesquelles le prisonnier, suspendu ou menotté, peut être abandonné seul pendant des heures ou des jours entiers.
La Fédération nationale des syndicats chinois constitue la seule organisation légale de défense des intérêts des travailleurs. Depuis 1949, elle ne sert en fait qu’à relayer la politique du gouvernement auprès des ouvriers et des employés. Depuis 25 ans, les réformes économiques ont engendré de nouvelles inégalités et conflits sociaux. En l’absence quasi-totale de liberté d’expression, le mécontentement populaire s’est traduit par des émeutes, des soulèvements et des grèves. Depuis 1995, ces protestations s’étendent aussi au monde du travail, dénonçant des privatisations opaques et responsables de nombreux licenciements.
Bien que préoccupé par la crise sociale, le Parti communiste préfère privilégier la performance économique du pays pour s’assurer l’intérêt des investisseurs étrangers, plutôt que de reconnaître aux ouvriers leurs droits les plus élémentaires. De peur de remettre en cause son pouvoir, il refuse de consentir à l’indépendance des syndicats dont les représentants sont toujours désignés par le Parti et non élus par les travailleurs.
Quant aux associations indépendantes qui tentent de pallier les carences sociales du gouvernement (santé, éducation, environnement), leur fonctionnement est soumis à l’obtention d’une « unité de tutelle » officielle et au versement d’une forte caution.
Pour garantir les droits de la défense et l’indépendance des juges et des avocats, la séparation des pouvoirs devrait être reconnue. D’une part, les juges sont nommés et révoqués par la commission Politique et Juridique du Comité central du Parti communiste. De l’autre, les autorisations d’exercice pour les avocats sont données par les bureaux administratifs locaux.
La profession d’avocat est actuellement considérée comme l’une des professions les plus dangereuses en Chine, après celles de policier et de journaliste. Outre les agressions physiques dont ils font l’objet, l’article 306 du Code pénal de 1997 fait peser sur eux la menace d’une accusation de faux témoignage. Si un avocat de la défense veut s’appuyer sur des témoignages qui contredisent les assertions du procureur, ce dernier peut se fonder sur cet article du Code pour demander l’arrestation de l’avocat pour faux témoignage. L’article 306 a entraîné l’emprisonnement de plus de 500 avocats.
A Pékin, la plupart des expulsions forcées est liée à l’organisation des JO. Ces expulsions ont lieu manu militari et l’insuffisance des dédommagements est à l’origine de conflits violents, durement réprimés.
Les expulsions ont lieu également à la campagne pour faire place non seulement à des projets immobiliers mais aussi à des industries souvent polluantes. Ceux qui demandent justice pour les victimes d’expulsion font l’objet de poursuites, de harcèlement et d’incarcération.
Un communiqué de presse d’Amnesty International, le 7 août 2007 [1]
À un an du début des Jeux olympiques, il reste peu de temps au gouvernement chinois pour concrétiser sa promesse de saisir l’occasion de cet événement pour faire avancer la cause des droits humains, a déclaré la secrétaire générale d’Amnesty International, Irene Khan, ce lundi 6 août.
« Si elles n’adoptent pas des mesures urgentes pour mettre un terme aux violations des droits humains durant l’année qui vient, les autorités chinoises risquent de ternir l’image de leur pays et celle des Jeux de Pékin », a indiqué Irene Khan.
Dans son dernier rapport sur les efforts accomplis par la Chine en vue d’améliorer la situation des droits humains avant les Jeux olympiques de 2008, Amnesty International constate que plusieurs militants de Pékin sont toujours assignés à domicile ou surveillés étroitement par la police, tandis que les violations s’intensifient dans d’autres régions du pays, à l’abri des regards braqués sur la ville organisatrice des JO. Le document dénonce en outre la répression dont sont actuellement victimes les journalistes, marquée notamment par l’interdiction récente de plusieurs publications consacrées aux activités de la société civile chinoise et au développement.
« Les avancées concernant la peine de mort et la présence de la presse étrangère restent au second plan par rapport à la répression qui frappe les défenseurs des droits humains et les médias chinois. Non seulement la promesse selon laquelle les Jeux olympiques allaient permettre d’améliorer la situation des droits humains n’est pas tenue, mais la police utilise le prétexte de cet événement pour recourir davantage encore à la détention sans procès. »
Dans le cadre des opérations de « nettoyage » de Pékin avant le début des JO, les autorités ont toujours recours à la détention sans jugement, alors que cela fait des années que la Chine doit abolir, ou au moins modifier en profondeur, les méthodes de détention arbitraire, notamment la « rééducation par le travail ».
Amnesty International s’est félicitée dans son rapport des déclarations récentes de responsables de la Cour suprême, qui ont exprimé la nécessité d’une plus grande transparence dans le domaine de la peine de mort et de l’application de critères uniformes pour l’imposition de ce châtiment. L’organisation a toutefois exhorté les autorités à faire un pas supplémentaire et à permettre un meilleur accès à l’information concernant les personnes passibles de la peine de mort, notamment pour leurs avocats et leurs proches ; elle a également demandé aux autorités chinoises de rendre publiques les statistiques complètes au niveau national des peines capitales prononcées et des exécutions.
« L’application de la peine de mort en Chine, le pays où a lieu le plus grand nombre d’exécutions, reste entourée du plus grand secret, a déclaré Irene Khan.
Une totale transparence est indispensable si l’on veut essayer d’éviter les erreurs judiciaires et informer suffisamment la population chinoise, afin qu’elle puisse se faire son opinion sur la question en toute connaissance de cause. Seule la publication des chiffres complets au niveau national permettra cette transparence », a souligné Irene Khan.
Le rapport d’Amnesty International intitulé China : The Olympics countdown - one year left to fulfil human rights promises est axé sur quatre aspects essentiels de la situation des droits humains à l’approche des Jeux olympiques : la peine de mort, la détention sans procès, les militants des droits humains et la liberté de la presse.
Les principales conclusions du rapport sont énumérées ci-dessous.
Peine de mort
Détention sans procès
Liberté de la presse
Amnesty International a envoyé son dernier rapport aux autorités chinoises et au Comité international olympique (CIO), soulignant que ces questions sont intimement liées à l’accueil des JO par Pékin et touchent directement les principes fondamentaux de la Charte olympique.
« Les graves violations des droits humains auxquelles on assiste aujourd’hui en Chine sont en contradiction avec les valeurs essentielles énoncées dans la Charte olympique, qui proclame la nécessité de “préserver la dignité humaine” et de “respecter les principes éthiques fondamentaux universels”. Le CIO doit œuvrer pour que les Jeux olympiques soient l’occasion d’avancées dans le domaine du respect des droits humains et de l’état de droit, a déclaré Irene Khan.
« À un an de l’ouverture des olympiades, il reste peu de temps pour faire en sorte que les Jeux de Pékin ne soient pas irrémédiablement entachés par les violations des droits humains commises par la Chine. Les autorités chinoises doivent progresser dans la mise en œuvre de leurs promesses en vue de l’amélioration de la situation des droits humains, afin qu’en août 2008 le peuple chinois puisse être entièrement fier de ce que son pays va pouvoir offrir au monde. »
[1] Réf. ASA 17/037/2007 : http://www.amnestyinternational.be/....