feue Margaret Thatcher


article de la rubrique international
date de publication : lundi 15 avril 2013
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Un billet de John Andrews qui rappelle brièvement les pompes et les œuvres de Margaret Thatcher quand elle dirigeait la Grande-Bretagne : On Margaret Thatcher’s Passing,
dans la traduction de Emcee.

John Andrews est un écrivain, son dernier ouvrage : The People’s Constitution.
D’autres de ses articles : http://dissidentvoice.org/author/Jo....



Sur la disparition de Margaret Thatcher, par John Andrews

Je suis un tout petit peu, tout petit peu, triste aujourd’hui.

Ainsi, Thatcher est morte. J’habite dans la ville où elle est née et a été élevée. Certains sont inévitablement très affectés aujourd’hui et quelques petits bouquets de fleurs ont été déposés devant l’épicerie du coin qui était sa maison natale. Il y a, par ailleurs, pas mal de liesse, et je parlais à une femme aujourd’hui qui m’a dit qu’elle espérait simplement que Cameron et Osborne et toute la clique auraient la bonne idée de se jeter dans le bûcher funéraire. Quand on sait que sa ville natale, autrefois connue pour son industrie lourde, est aujourd’hui largement réduite au silence à cause de la politique de Thatcher, on la comprend.

Quant à moi, j’avoue qu’une toute petite partie de moi-même est triste. Quand elle respirait encore, il restait une infime chance théorique qu’elle ait à répondre de tous les crimes contre l’humanité, en général, et contre le peuple britannique, en particulier, commis par son gouvernement. Je suis vraiment triste que cette chance, même infime, se soit envolée pour toujours.

Trois ans après le début de son règne, un sondage publié dans le Times révélait qu’elle était la "premier ministre" britannique la plus impopulaire de toute l’histoire. Et ensuite, c’est devenu pire.

Elle a commencé par causer la mort d’un millier de personnes pour un amas de rochers battus par les vents à plus de 10.000 km de l’Angleterre, apparemment pour défendre le droit de 2000 personnes de dire qu’ils étaient britanniques.
Cela aurait coûté moins cher si cette prétendue championne de la démocratie et cette inconditionnelle de l’Ecole de Chicago avait débloqué les crédits nécessaires pour rapatrier tous ces gens au Royaume Uni, les loger et verser à chacun un revenu minimum jusqu’à la fin de leur vie, plutôt que de mener une guerre et d’entretenir une garnison militaire aux Malouines jusqu’à la fin des temps. Mais ce petit détail est toujours opportunément occulté.

La politique étrangère de Thatcher avait ceci d’immuable : le soutien indéfectible de son gouvernement aux dictatures sanguinaires, et la brochette de tyrans qui jouissaient du soutien de son gouvernement était assez impressionnante.
Il y avait Pol Pot, par exemple, et l’épouvantable Suharto en Indonésie. On a tous entendu parler du sanguinaire Pinochet dont les efforts pour échapper à la justice avaient été soutenus activement par le gouvernement Thatcher.
Ce qu’on connaissait moins, c’est la collection de despotes du Moyen-Orient que soutenait son gouvernement. Mais le papa de tous ceux-là, l’oppresseur le plus impitoyable de la terre entière, le gouvernement US, avait toujours été le chouchou de Thatcher, et elle avait largement contribué à son ambition de domination du monde. Il est impossible de savoir de combien de dizaines, voire de centaines de milliers de morts inutiles le gouvernement Thatcher s’était rendu complice.

Mais, aussi terrible qu’était, de toute évidence, sa politique étrangère, elle faisait pâle figure à côté des actions perfides que menait son gouvernement à l’encontre du peuple. Dès le début, sa mission avait été de briser le mouvement syndical, qui, malgré toutes ses imperfections, était le seul qui défendait réellement les gens ordinaires. Une fois sa mission accomplie, c’était la fin du match, les agneaux étaient à point et prêts à être envoyés à l’abattoir.
Elle a commencé par éliminer la principale source de revenus de la Grande-Bretagne : notre industrie, et a ensuite bradé rapidement une par une toutes les pièces de la ménagère en argent qui lui tombaient entre les mains. Coup sur coup, les services qui appartenaient à l’Etat étaient bradés à un prix dérisoire : les transports, l’eau, l’électricité, les communications, le gaz … tout était liquidé.
Des millions d’emplois étaient carrément supprimés, et ensuite, elle s’est intéressée à la dernière protection qui restait au peuple : les services publics. Pourquoi a-t-elle fait tout cela ? Pour qu’une toute petite, toute petite poignée de gens qui possédaient une fortune indécente puissent posséder une fortune encore plus indécente.

Quel héritage fantastique. On comprend pourquoi il y en a qui veulent lui ériger des statues.

La responsabilité du désastre économique actuel en Grande-Bretagne n’incombe pas seulement à Thatcher, d’autres ont suivi, qui auraient pu redresser la situation, mais ils ne l’ont pas fait. Il n’en reste pas moins que c’est Thatcher qui a donné le coup d’envoi.

Il n’y a jamais eu aucune chance que Thatcher ait à répondre de ses crimes ; mais je suis vraiment triste que cette infime chance qu’elle se retrouve un jour devant un tribunal se soit désormais envolée pour toujours.

Le 10 avril 2013

John Andrews



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