faut-il supprimer la Cnil ?


article de la rubrique Big Brother > la Cnil
date de publication : jeudi 27 décembre 2007
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Une soixantaine de manifestants ont occupé les locaux de la Cnil (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) pendant plusieurs heures le 14 décembre 2007, demandant la dissolution de la commission.

Plutôt que de supprimer la Cnil, ne faudrait-il pas au contraire lui donner plus de pouvoir et garantir l’indépendance d’une instance importante pour le maintien de nos libertés individuelles ?

[Première mise en ligne le 16 déc. 07, mise à jour le 27 déc. 07]

Voir en ligne : au nom de la “politique de civilisation”, Nicolas Sarkozy veut créer un défenseur des droits fondamentaux

Une manifestation demande la “dissolution” de la Cnil

Vendredi matin 14 décembre 2007, vers 9 heures, une soixantaine de personnes sont entrées dans les locaux de la Cnil (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) afin de manifester leur opposition à l’existence même de l’institution. L’occupation s’est déroulée sans violence et les manifestants ont quitté les lieux en début d’après midi, peu après l’arrivée des forces de l’ordre.
Pendant plusieurs heures, des membres actifs de différentes associations — Oblomoff, Pièces et Main D’Oeuvre, Mouvement pour l’Abolition de la Carte d’Identité (Maci), Halte aux puces !, Coordination contre la biométrie, et Souriez, vous êtes filmés ! — ont pu déployer leurs banderoles : « L’État contrôle la Cnil », « La Cnil est dissoute », ou encore « Informatique ou liberté, il faut choisir », et exposer leurs raisons en détails [1] :

Depuis sa création en 1978, la CNIL n’a cessé de faciliter et de légitimer l’exploitation numérique de nos vies.

Main dans la main avec les gouvernements et les industriels, elle a concrètement travaillé à ce que l’inacceptable semble acceptable, en réduisant la liberté au contrôle des flux informatiques. Sa mission a consisté à endormir toute critique et toute révolte, en jugeant à notre place et en notre nom de ce qui pouvait porter le nom de liberté.

Loin de « protéger les libertés » comme elle le prétend, la CNIL favorise le développement du contrôle policier des populations via les nouvelles technologies dites « de l’information et de la communication » (TIC) : prolifération des fichiers policiers, vidéosurveillance, biométrie, fichage ADN, puces RFID, passeport biométrique, traçabilité des internautes, etc. « Les Français devront accepter un affaiblissement des libertés individuelles afin de renforcer la sécurité collective » : nous dit la CNIL en 2005.

Nous contestons la fonction prétendument protectrice de la CNIL, simulacre de contrepoids indépendant entre le pouvoir et les citoyens. Cet organe administratif avec ses 17 membres tous grands commis de l’Etat, ne mérite ni moyens ni compétences supplémentaires, mais sa dissolution pure et simple.

Des membres de la Cnil ont pu exposer que, tout en partageant certains des arguments des manifestants, ils souhaitaient non la suppression de la Cnil mais son développement : « il faudrait surtout donner plus de pouvoir à la CNIL, et avoir 300 employés comme en Allemagne, pas seulement une centaine. »

Vers 14h30, le président de la CNIL, Alex Türk, en déplacement à Lille, a fait savoir qu’il demandait l’évacuation des locaux. Quelques dizaines de gendarmes-mobiles, sont entrés de force dans les locaux puis ont repoussé à l’extérieur les occupants qui ont été soumis à un fichage systématique.


En janvier prochain, la Cnil fêtera son trentième anniversaire. Révisons un chouia.

par Jean-Luc Porquet, Le Canard enchaîné du 26 décembre 2007
  • Comment est née la Cnil ?

En 1975, Le Canard révèle l’existence du projet Safari : le ministre de l’Intérieur de l’époque, Poniatowski, compte ficher tous les Français grâce à leur numéro de Sécu. Tollé, annulation. Puis loi « Informatique et libertés » en 1978, qui d’un côté officialise le fichage informatique, et de l’autre crée la Cnil, censée contrôler ce fichage et le rendre acceptable. Vous serez fichés, mais vous pourrez consulter vos fiches et rectifier les données si besoin est... Trente ans plus tard, explosion technologique aidant, chaque Français figure dans 400 fichiers en moyenne. Et que celui qui a déjà réussi à faire rectifier une donnée le concernant lève le doigt !

  • Qui dirige la Cnil ?

Son président est élu par 17 commissaires, lesquels sont des grands commis de l’Etat nommés par le Conseil des ministres (3), le président de l’Assemblée nationale (5) et celui du Sénat (1), etc. Bref, pas vraiment des rebelles. Alex Türk est, depuis 2004, le sixième président en titre : il est sénateur UMP...

  • Quels sont les moyens de la Cnil ?

Minables. Seulement 95 personnes, soit autant que son équivalent roumain : c’est très fort. Et un budget pas à la hauteur (9 millions d’euros). En décembre dernier, la Cnil étant en cessation de paiement, Alex Türk avait quémandé une rallonge de trois cent mille euros à Villepin.

  • Quels sont ses pouvoirs ?

En peau de chagrin. En janvier 1995, le gouvernement Balladur (grand ami de Sarkozy) fait voter une loi qui dépouille la Cnil de tout pouvoir de contrôle sur la vidéo-surveillance. Et vive Bal-kany ! En juillet 2004, la refonte de la loi « Informatique et libertés » est l’occasion d’une nouvelle et formidable diminution de ses pouvoirs. Entre autres, désormais la création des fichiers sécuritaires (police, gendarmerie, RG) n’est plus
soumise à son autorisation. Devinette : qui était rapporteur au Sénat de cette loi ? Alex Türk...

  • Quel est l’avenir de la Cnil ?

Fidèle à son habitude, Sarkozy a dit tout et son contraire à son sujet. Pendant la campagne, il affirme vouloir « renforcer les moyens de la Cnil pour qu’elle puisse répondre efficacement à ses missions ». Puis, en octobre dernier, il se rallie au comité Balladur, qui propose de refiler « tout ou partie des attributions » de la Cnil à un « défenseur des droits fondamentaux » élu par les députés. Une sorte de potiche citoyenne qui trouverait tout génial dans le sarkozysme, du fichage ADN à la vidéosurveillance. Le genre de job qui conviendrait parfaitement à un type genre Brice Hortefeux.

Jean-Luc Porquet

Notes

[1Source : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/....

Le tract distribué le 14 décembre est téléchargeable,

D’autres sites internet : Souriez, vous êtes filmés, le collectif George Orwell.


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