face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité, fraternité


article communiqué commun signé par la LDH  de la rubrique justice - police > le tout-sécuritaire
date de publication : lundi 9 août 2010
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Un appel commun est adressé à l’ensemble des citoyens pour manifester notre attachement aux valeurs de la République.

Des manifestations seront organisées partout en France, samedi 4 septembre, 140e anniversaire de la République :
- à Paris : à 14h, Place de la République
- deux rassemblements sont prévus dans le Var :

  • à Toulon, Place de la Liberté à 10 h
  • à Saint-Maximin, Place Martin Bidouré à 15 h

Une pétition est proposée à la signature : Non à la politique du pilori !

[Mise en ligne le 4 août 2010, mise à jour le 9]



APPEL CITOYEN

Face à la xénophobie et à la politique du pilori :
liberté, égalité, fraternité
Signez en ligne !

Les plus hautes autorités de l’Etat ont fait le choix de jeter à la vindicte publique des catégories entières de population : Gens du voyage accusés comme les étrangers d’être des fauteurs de troubles, Français d’origine étrangère sur lesquels pèserait la menace d’être déchus de leur nationalité, parents d’enfants délinquants, etc.

Voici que le président de la République accrédite aussi les vieux mensonges d’une immigration coûteuse et assimilée à la délinquance, et offre ainsi à la stigmatisation des millions de personnes en raison de leur origine ou de leur situation sociale.

Ce qui est à l’œuvre dans cette démarche ne s’inscrit pas dans le débat légitime, dans une démocratie, sur la manière d’assurer la sûreté républicaine. Le nécessaire respect de l’ordre public n’a pas à être utilisé pour créer des distinctions entre les habitants de ce pays et désigner des boucs émissaires. Ni pour instituer des peines de prison automatiques, contraires aux principes fondamentaux du droit pénal, à l’indépendance de la justice et à l’individualisation des peines.

La Constitution de la France, République laïque, démocratique et sociale, assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Nul, pas plus les élus de la nation que quiconque, n’a le droit de fouler au pied la Constitution et les principes les plus fondamentaux de la République.

Notre conscience nous interdit de nous taire et de laisser faire ce qui conduit à mettre en péril la paix civile.

Nous appelons à une manifestation le samedi 4 septembre 2010, place de la République à Paris, à 14h00, et partout en France, afin de fêter le 140e anniversaire d’une République que nous voulons plus que jamais, libre, égale et fraternelle.

Signez la pétition Non à la politique du pilori !

Communiqué commun

Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité, fraternité

Paris, le 4 août 2010

Une avalanche de discours et d’annonces provocatrices s’est abattue depuis plusieurs jours sur notre pays. Jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, on entend des propos qui étaient jusqu’à présent l’apanage de l’extrême droite. Le président de la République, lui-même, montre du doigt des communautés et des groupes sociaux entiers, stigmatise les Roms, les Gens du voyage, les étrangers, les Français qui ne sont pas « de souche », les parents d’enfants délinquants, etc. Ce faisant, il ne lutte en rien contre la délinquance, qui est répréhensible pour tout individu sans distinction de nationalité ou d’origine : il met délibérément en cause les principes qui fondent l’égalité républicaine, alors que déjà une crise sociale et économique d’une extrême gravité menace la cohésion de la société tout entière.

En quelques jours, les plus hautes autorités de l’Etat sont passées de l’exploitation des préjugés contre les Gens du voyage au lien, désormais proclamé, entre immigration et délinquance, puis à la remise en cause de la nationalité française dans des termes inédits depuis 1945. Ce qui est à l’œuvre dans cette démarche s’inscrit dans une logique de désintégration sociale porteuse de graves dangers.

Il ne s’agit plus du débat légitime en démocratie sur la manière d’assurer la sûreté républicaine, mais bien d’une volonté de désigner comme a priori dangereuses des millions de personnes à raison de leur origine ou de leur situation sociale. Quelle que soit la légitimité que confère l’élection, aucun responsable politique n’a reçu mandat de violer les principes les plus élémentaires sur lesquels la République s’est construite.

Parce que le seuil ainsi franchi nous inquiète pour l’avenir de tous, nous, organisations associatives, syndicales et politiques diverses mais qui avons en commun l’attachement aux principes fondamentaux de la République laïque, démocratique et sociale, rappelons avec force que l’article 1er de la Constitution « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », et que toutes propositions qui méconnaîtraient cette règle fondatrice de la démocratie constituent une atteinte à la paix civile.

Nous n’accepterons sous aucun prétexte que le nécessaire respect de l’ordre public soit utilisé pour créer des distinctions entre les habitants de ce pays et désigner des boucs émissaires.

Nous appelons donc l’ensemble des citoyens de ce pays à manifester publiquement leur opposition aux stratégies de stigmatisation et de discrimination et aux logiques de « guerre » qui menacent le vivre ensemble. A cet effet, nous proposerons dans les prochains jours à la signature en ligne un « Appel citoyen » refusant toute politique de la peur ou de la haine. Et nous appelons à un grand rassemblement citoyen à l’occasion du 140e anniversaire de la République, le samedi 4 septembre Place de la République à Paris, à 14h00, et partout en France, pour dire ensemble notre attachement à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui sont et qui resteront notre bien commun.

Signataires

AC ! Agir ensemble contre le chômage, Les Alternatifs, Les amoureux au banc public, Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), Association France Palestine Solidarité (AFPS), Association des Marocains en France (AMF), Association nationale des Gens du voyage catholiques (ANGVC), Association républicaine des anciens combattants (ARAC), ATTAC, Autremonde, Cedetim, Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération générale du travail (CGT), La Confédération Paysanne, La Cimade, Le Cran, Droit au logement (DAL), Emmaüs France, Europe Ecologie, Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), Fédération SUD Education, Fédération syndicale unitaire (FSU), Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), FNASAT-Gens du voyage, Fondation Copernic, France Terre d’Asile, Gauche unitaire, Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Les Jeunes Verts, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, Marches européennes, Médecins du Monde, Le Mouvement de la Paix, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), le Parti communiste français (PCF), le Parti de Gauche, le Parti socialiste (PS), Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’Homme (RAIDH), Réseau Education Sans Frontière (RESF), SNESUP-FSU, SOS Racisme, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Union syndicale Solidaires, Les Verts.

Le président, l’escalade et l’amalgame

[Editorial du Monde daté du 3 août 2010]


Déchéance de la nationalité française. Les mots sont lourds, très lourds de sens. Ce sont pourtant bien ceux que le président de la République a employés, vendredi 30 juillet à Grenoble : "La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique", a-t-il martelé, dix jours après les émeutes qui ont enflammé le quartier de la Villeneuve.

De même, il a souhaité que "l’acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant ne soit plus automatique au moment de sa majorité". Le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, a surenchéri, dimanche 1er août, en précisant que les déchéances de nationalité devraient également pouvoir être prononcées "en cas d’excision, de traite d’êtres humains ou d’actes de délinquance grave".

Enfin, pour que les choses soient parfaitement claires, le chef de l’Etat a, pour la première fois, établi un lien explicite entre la délinquance et "cinquante ans d’immigration insuffisamment régulée, qui ont abouti à mettre en échec l’intégration". C’est donc - et, là encore, les mots sont lourds de sens - une "guerre nationale" qui est décrétée contre les "voyous", en particulier s’ils sont issus de l’immigration.

Nicolas Sarkozy est coutumier de ces déclarations belliqueuses. Depuis huit ans, comme ministre de l’intérieur puis à l’Elysée, il a fait de la sécurité et de la lutte contre la délinquance le socle de son image, de son discours et de son action, multipliant les lois, encourageant policiers et gendarmes à améliorer leurs "résultats" et bousculant sans ménagement la justice. Sans résultat probant, puisque, selon les chiffres officiels, les agressions et violences contre les personnes ont augmenté de 16 % entre 2003 et 2009.

Plutôt que de s’interroger sur les causes de cet échec dévastateur pour sa crédibilité (suppression de la police de proximité, diminution des effectifs de policiers et de gendarmes, abandon de toute politique sérieuse de prévention dans les quartiers "difficiles"), M. Sarkozy a donc choisi l’escalade sécuritaire et l’amalgame délinquance-immigration.

Pour un président de la République, c’est une faute. Aussi lourde que le poids des mots qu’il utilise. L’article premier de la Constitution pose le principe que la République "assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine..."

Le chef de l’Etat devrait en être le garant. Il invite à le bafouer, sans craindre de recréer en France une catégorie de résidents qui ne seraient ni citoyens ni expulsables, puisque Français par la naissance. Autrement dit, des apatrides.

En dépit du fiasco, il y a six mois, du débat sur l’identité nationale, cette politique du bouc émissaire est aussi détestable que condamnable. Aucune fin - ni la protection indispensable des citoyens ni une réélection espérée à la présidence de la République en 2012 - ne justifie tous les moyens.


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