extension du droit de communication


article de la rubrique justice - police > délation
date de publication : samedi 4 juillet 2015
version imprimable : imprimer


Le “droit de communication” est actuellement le droit reconnu à l’administration fiscale de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers…) [1].

Officiellement, le projet de loi sur l’immigration porté par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve vise à “renforcer” les droits des étrangers ; il sera étudié par les députés en séance publique à partir du 20 juillet.
Peut-on imaginer ce que deviendra l’existence d’une personne en situation irrégulière si l’article 25 du projet de loi était adopté dans son état actuel ? Le projet de loi prévoit en effet la création d’un « droit de communication » — il aurait sans doute été mieux qualifié par l’expression “devoir de communication” — qui donne au préfet le pouvoir de demander « sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical » des informations sur les personnes demandant ou possédant un titre de séjour, auprès d’institutions aussi variées que les banques, les établissements de santé, d’enseignement, les organismes sociaux, l’EDF ... Le but étant en réalité de parvenir à mieux contrôler les étrangers. Quant au droit de communication, il ne tarderait pas à être appliqué à d’autres catégories de personnes avant d’être généralisé à l’ensemble de la population.

Voila qui va renforcer l’arsenal des lois sécuritaires que nos élus peaufinent avec persévérance depuis la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007, la LOPSI 1, la LOPPSI 2, la loi sur la surveillance, etc ... Et voila un nouveau “droit”, le droit de communication, promis à un bel avenir : aujourd’hui les étrangers ... et demain, qui d’autre ?


L’Assemblée nationale a commencé, en commission, l’étude du projet de loi « Police et Sécurité : droit des étrangers » [2]

Des amendements ont été présentés ; l’un d’entre eux, le CL192, présenté par Erwann Binet rapporteur de la commission des lois, mérite d’être signalé : il a été adopté par la commission et intégré au projet de loi sous la forme suivante :

----------------------------

ARTICLE 25

« Le titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 611‑12 ainsi rédigé :

« Art. L. 611‑12. Sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical, les autorités et personnes privées mentionnées aux 1° à 8° du présent article transmettent à l’autorité administrative compétente, agissant dans le cadre de l’instruction d’une première demande de titre, d’une demande de renouvellement de titre ou dans le cadre des contrôles prévus à l’article L. 313‑5‑1, les documents et informations nécessaires au contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations souscrites ou au contrôle de l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution d’un droit au séjour ou de sa vérification.

« Ce droit de communication s’exerce sur demande de l’autorité administrative compétente, de manière ponctuelle et à titre gratuit, quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents, auprès :

- « 1° Des autorités dépositaires des actes d’état civil ;

- « 2° Des administrations chargées du travail et de l’emploi ;

- « 3° Des organismes de sécurité sociale et de l’institution visée à l’article L. 5312‑1 du code du travail ;

- « 4° Des établissements scolaires et des établissements d’enseignement supérieur ;

- « 5° Des fournisseurs d’énergie et des services de communications électroniques ;

- « 6° Des établissements de santé publics et privés ;

- « 7° Des établissements bancaires et des organismes financiers ;

- « 8° Des greffes des tribunaux de commerce. »

« La conservation des données personnelles, contenues dans les documents et informations transmis en application du présent article, ne peut excéder la durée cumulée du titre de séjour dont l’étranger est titulaire et, le cas échéant, de la procédure de renouvellement dudit titre.

« Sur la demande de l’étranger, les données à caractère personnel le concernant sont, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour ou effacées, si elles sont inexactes, incomplètes, périmées, ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation n’est pas compatible avec les finalités déterminées au premier alinéa du présent article.

« Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités d’application du présent article. Il définit notamment la nature des informations et des documents susceptibles d’être communiqués à l’autorité administrative compétente par chacune des autorités ou personnes privées mentionnées aux 1° à 8° du présent article. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement vise à encadrer, à plusieurs égards, le droit de communication reconnu à l’administration :

- il précise les situations dans lesquelles l’administration peut avoir recours au droit de communication. Celles-ci sont limitées à l’instruction d’une première demande de titre de séjour, à une demande de renouvellement de titre ou au contrôle du maintien du droit au séjour. Il exclut ainsi explicitement tout recours au droit de communication pour un motif autre que le droit au séjour de l’étranger concerné ;

- il affirme le caractère ponctuel de ce recours au droit de communication, excluant ainsi un usage massif non lié à une situation individuelle ;

- il limite les organismes susceptibles d’être interrogés au strict nécessaire pour l’obtention des informations pertinentes en vue de la vérification des critères d’attribution du droit au séjour ;

- il supprime la possibilité d’accéder directement aux informations détenues par les organismes listés ;

- il définit une durée de conservation des données personnelles, contenues dans les documents et informations transmis, cette durée ne pouvant excéder la durée cumulée du titre de séjour dont l’étranger est titulaire et, le cas échéant, de la procédure de renouvellement dudit titre ;

- il prévoit la possibilité, sur la demande de l’étranger, de rectifier, de compléter, de mettre à jour ou d’effacer les données à caractère personnel le concernant, si ces données sont inexactes, incomplètes, périmées, ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation n’est pas compatible avec les finalités assignées par le législateur au droit de communication ;

- il renvoie à un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés le soin de déterminer les modalités d’application du droit de communication et notamment de définir de manière différenciée, pour chaque administration, organisme, établissement ou entreprise concerné, la nature des informations et des documents susceptibles d’être communiqués à l’autorité administrative.

P.-S.

La même chose exposée d’une autre façon : http://rue89.nouvelobs.com/2015/07/....

Notes

[2Voir le dossier législatif de ce projet de loi http://www.assemblee-nationale.fr/1....


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP