création à Toulon d’un Observatoire des violences policières illégitimes


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date de publication : vendredi 26 novembre 2010
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La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme, avec le concours d’ATTAC-Var a décidé la création à Toulon d’un Observatoire des violences policières illégitimes, à l’image de l’OVPI des Bouches-du-Rhône.

La présentation de l’OVPI a été l’objet d’une conférence de presse organisée le 25 novembre 2010. A la suite de l’article de La Marseillaise qui rend compte de cet événement, nous reprenons des éléments qui ont été développés à cette occasion. Cela a permis de rappeler une nouvelle fois l’affaire Louis Mendy dont la famille attend, depuis trois ans, que la justice dise la vérité.


Pour contacter l’OVPI : 06 21 63 40 88


Membres de la LDH et d’Attac lors de la création de l’OVPI (parue dans Var-Matin le 30 nov. 2010)

Les violences policières gardées à vue

par Thierry Turpin, La Marseillaise, 26 novembre 2010


La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme annonçait hier matin la création d’un Observatoire des violences policières illégitimes (OVPI).

Pardonnez la redondance mais c’est encore de vigilance citoyenne dont il est question ici. Mais on ne sait que trop bien qu’en faire l’économie conduit inévitablement à des dérives et des abus de pouvoir qui court-circuitent la bonne marche de la vie démocratique.

Même si, par nature, l’investigation est ici plus difficile, le droit de regard et d’inventaire doit également s’appliquer aux pratiques policières ne serait-ce que pour la crédibilité de l’institution elle-même. Étant bien entendu que pas plus les geôles des commissariats que les quartiers dits sensibles ne doivent devenir des zones de non-droit.

Pointer, répertorier donner l’alerte pour éviter, autant que faire se peut, que toutes les exactions commises par des représentants de l’ordre public dans l’exercice de leur mission restent impunies – la hiérarchie policière, couverte par un Parquet s’empressant de classer ces affaires dérangeantes, se prêtant un peu trop souvent dans ces cas-là à la loi de l’omerta – font partie des missions que s’assignent l’Observatoire des violences policières illégitimes (OVPI) qui vient de voir le jour dans notre département. Un OVPI créé par la section toulonnaise de la Ligue des Droits de l’Homme avec le soutien d’ATTAC Var.

Flash ball, Taser et tonfa

Il est à signaler que pareil outil indépendant, chargé autant de porter assistance aux victimes que de donner l’alerte, existe déjà depuis quelques années dans les Bouches-du-Rhône et a fait ses preuves.

C’est d’ailleurs forte de cette expérience que la LDH Toulon s’engage dans ce projet. En s’appuyant sur la somme considérable de données et témoignages déjà récoltés dans le département voisin.

« Nous déplorons que les différentes infractions (homicides, usage abusif de la force, injures racistes, etc., ndlr) commises par les forces de l’ordre ne soient pas toujours suivies d’enquêtes effectives et que les responsables soient rarement traduits en justice », commence Annick Maurieras au cours de la conférence de presse qui se déroulait hier matin au Foyer de la Jeunesse à Toulon.

Avant de se référer à la notion de sûreté, définie par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, comme la garantie de la liberté individuelle, garantie contre les arrestations et les détentions arbitraires. Notion de sûreté, garante de paix civile, qu’il convient de préférer à celle de sécurité, terreau sur lequel éclot la tentation sécuritaire et la frénésie qui s’en suit. Et que l’on connaît.

Et de citer le rapport d’activité de l’OVPI de Marseille qui référence, entre autres, dans son sommaire : des contrôles au faciès – qui sont légion –, l’explosion du nombre de gardes à vue et les conditions dans lesquelles elles s’effectuent, les menaces, humiliations mais aussi l’utilisation injustifiée de Tazer, Flash ball, tonfa et autres joyeusetés dont sont équipés les policiers. Les témoignages fournis en annexe sont d’ailleurs plus qu’édifiants.

Usage de la force démesuré

Concernant les affaires varoises ayant endeuillé notre département, Jean-Marie Astier rappelle, entre autres, les décès de Mohamed Saoud le 20 novembre 1998 et de Louis Mendy le 3 mai 2007. Tous deux imputables à un usage de la force démesuré. C’est le moins qu’on puisse dire.

Pour mémoire, le premier, un handicapé souffrant au moment de l’interpellation d’une crise de démence sur son balcon, va être frappé à coups de poings et de pieds, plaqué au sol et menotté. Avant que les policiers ne pèsent sur ses membres, ses reins et ses épaules pendant 35 minutes. Résultat : il mourra d’un arrêt cardio-vasculaire. L’IGN déclarant à ce moment-là, tout naturellement, que les policiers avaient agi en état de légitime défense. Ce n’est que 9 ans après que la Cour européenne des Droits de l’Homme condamne la France à verser 20 000 euros à la famille du défunt.

Mounir Antar réaffirme, pour sa part, l’attachement de l’OVPI à une police au service du citoyen et respectueuse des Droits de l’Homme. Avant de préciser la mission de l’Observatoire. Qui est, outre de recenser et analyser les différentes affaires pour lesquelles il est sollicité et de suivre leur bon traitement par l’institution judiciaire, celle également de soutenir les victimes, souvent réfugiées dans un silence causé par un très fort sentiment d’impuissance. Mais aussi d’informer le citoyen et d’interpeller les pouvoirs publics.

Un rapport d’activités rédigé tous les deux ans devrait permettre de brosser un état des lieux et d’analyser les logiques inhérentes à ces violences policières illégitimes.

A suivre, donc.

Pour contacter l’OVPI : 06 21 63 40 88


Création de l’OVPI de Toulon, le 25 novembre 2010

L’objet de cette conférence de presse est d’informer sur les raisons de créer un O.V.P.I. à Toulon (observatoire des violences policières illégitimes). Cet observatoire est composé de la L.D.H (ligue des droits de l’homme) à laquelle s’est jointe l’association A.T.T.A.C.

Nous déplorons que les différentes infractions (homicides, usage abusif de la force, injures racistes etc...) commises par les forces de l’ordre ne soient pas toujours suivies d’enquêtes effectives et que les responsables soient rarement traduits en justice. Les personnes qui tentent d’intervenir comme témoins de mauvais traitements infligés par les policiers sont elles-mêmes accusées d’outrage envers une personne de l’autorité publique. Nous voulons être un premier recours, recueillir les plaintes pour les victimes qui souvent traumatisées, humiliées, se réfugient dans le silence.

Si nous sommes contre les violences policières illégitimes, nous sommes également attachés à une police républicaine au service du citoyen et respectueuse des droits de l’homme. La société issue de la République doit notamment pouvoir s’appuyer sur une police à l’éthique républicaine qui garantit la sureté de la personne.

La sécurité et la sûreté

La sûreté est citée dans l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Dans cette déclaration la sûreté n’est pas la sécurité assenée comme argument de campagne électorale : elle se réfère à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La sûreté est la garantie de la liberté individuelle contre les arrestations et les détentions arbitraires.

Robert Badinter : « Dans le discours politique actuel le terme de sécurité est magnifié. On proclame que c’est la première liberté, on entretient ainsi la confusion car ce qui est consacré dans la Déclaration des Droits de l’Homme c’est la sûreté, c’est-à-dire l’assurance pour le citoyen que le pouvoir d’état délégué à la police ne s’exercera pas de façon arbitraire et excessive. [1] »

Le fait et le droit

L’OVPI de Marseille dans son rapport d’activité publie un répertoire dans son sommaire des violences policières illégitimes.

  1. Dans les interpellations : les contrôles au faciès, les sans-papiers possibles, les roms
  2. Les autres populations ciblées : les manifestants, les militants, les jeunes
  3. Les perquisitions :
    • Les témoins interpellés
    • Les infractions routières
  4. La garde à vue :
    • explosion de leur nombre
    • conditions de garde à vue
    • les cellules de dégrisement
  5. Les outils policiers :
    • les moyens de pression : menaces, humiliations etc. qui sont psychologiques
    • les moyens de pression physiques : l’armement (Taser et Flash Ball et tonfa)
  6. Les homicides :
    • Hakim Ajimi, le 9 mai 2008, à Grasse
    • Louis Mendy, le 3 mai 2007, à Toulon
    • Mohamed Ali Saoud , le 20 novembre 1998, à Toulon. Ce décès a valu à la France, une condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le 9 octobre 2007 (la France a été condamnée à verser 20.000 € à la famille).

Nous ne pouvons faire l’inventaire de tout ce qui a été relaté par la presse locale, la presse nationale et l’OVPI de Marseille et des Bouches du Rhône. Quelques remarques :

L’explosion de la garde à vue :

  • Le 4 novembre 2010 la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme, fondée en 1959) condamnait la France pour des violences policières commises en juillet 2001 sur Yacine Darraj, mineur de 16 ans, lors d’un contrôle d’identité musclé dans un commissariat d’Asnières. Des policiers ayant remarqué le requérant et son ami descendre d’un véhicule immobilisé en pleine voie leur demandent leurs papiers d’identité qu’ils n’avaient pas. Moins de 2 heures plus tard Yacine Darraj était transféré à l’hôpital (contusions sur le visage et le dos plus hématomes, fracture du testicule droit) : aucune pénalité juridique pour les policiers – voir cette page.
  • Dans son rapport d’activité 2008/2009 l’OVPI de Marseille cite « la commission nationale citoyens, justice, police ». Celle-ci dénonce à nouveau l’utilisation systématique des contrôles d’identité originellement prévus par la loi pour élucider les infractions pénales, qui sont détournées de leur objet et utilisées à titre préventif pour contrôler certaines catégories de population comme les sans-papiers, les roms, les gens du voyage .
  • De 2001 à 2008 l’augmentation du nombre de gardes à vue est pour le moins spectaculaire selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur. Elle est passée de 336.000 g.a.v en 2001 à 560.000 en 2007 et à 600.000 en 2008. Le magistrat de Paris Serge Portelli dans son livre Le Sarkozysme sans Sarkozy chiffre 900.000 gardes à vue en 2009 soit une augmentation de 71 % . Par ailleurs entre 2001 et 2007 64 % de gardés à vue n’ont pas été l’objet de poursuites judiciaires. La garde à vue abusive fait partie des violences les plus fréquentes et c’est ce qu’il faudrait réformer en urgence (cf. et témoignages de l’OVPI de Marseille pp. 8, 15, 17 et 31).

Nous n’ignorons pas les conditions de travail difficiles des policiers. Elles ont été dénoncées par les syndicats de la police comme Unité Police. (La diminution des postes de fonctionnaires de police, la formation hâtive des jeunes policiers, la suppression de la police de proximité qui pouvait baliser le terrain dans les quartiers difficiles, la culture du résultat et la pression du ministère de l’intérieur) (cf. Omertà dans la police, Sihem Souid).

La garde à vue, zone de non-droit

Elle est souvent effectuée sous le contrôle du Procureur de la République et sans avocat. Lorsque celui-ci est présent il n’a pas accès au dossier, situation qui a provoqué la réunion des
membres du Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010. Il présente des points positifs ayant
(1,
abrogé les dispositions relatives à la garde à vue du droit commun. Il consacre heureusement la
nécessité de notifier le droit au silence, notification supprimée par la loi Sarkosy du 18 mars 2003. La place de l’avocat durant la garde à vue devra être renforcée par rapport à la situation actuelle. Le syndicat de la magistrature estime que c’est encore insuffisant, il demande à ce que l’assistance de l’avocat soit obligatoire dès les premières heures de l’interrogatoire avec accès au dossier . Il demande à ce que les fondamentaux dégagés par la Commission Européenne des Droits de l’Homme soit respectée .

Il demande que le placement en garde à vue ne soit autorisé que si la personne est suspectée d’avoir commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement de 2 ans au moins. Le Conseil constitutionnel n’a pas abordé la question de l’indépendance de l’autorité chargée de contrôler le placement en garde à vue. La C.E.D.H a jugé que le contrôle devait être effectué par un magistrat du Siège et non du Parquet et les réformes annoncées par le Conseil Constitutionnel n’entreront en application que dans un an.

LDH-Toulon & ATTAC-Var


Pour contacter l’OVPI : 06 21 63 40 88


« La garantie des droits de l’Homme et du citoyen nécessite une force publique ;
cette force est donc instituée pour l’avantage de tous,
et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée »

(Article 12 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789)


L’O.V.P.I. affirme son attachement à une police au service du citoyen et respectueuse des droits de l’homme. La société issue d’un état de droit et d’institutions doit notamment pouvoir s’appuyer sur une police à l’éthique républicaine.

L’O.V.P.I. aura pour mission de :

  • Recenser et analyser les différentes affaires pour lesquelles les membres de l’observatoire ont été sollicités
  • Suivre leur traitement par l’institution judiciaire
  • Soutenir les personnes victimes de violences policières illégitimes (écoute, conseil, communiqués, conférences de presse)
  • Informer les citoyens et interpeller les pouvoirs publics.

L’observatoire rédigera un rapport d’activité tous les 2 ans dans lequel il dressera un état des lieux des situations pour lesquelles il aura été saisi, et en analysera les logiques inhérentes ainsi que les causes de ces violences policières illégitimes.

L’affaire Louis Mendy

Le 3 mai 2007 dans le local du club de foot du quartier du Pont du Las (à Toulon), suite à une altercation avec un dirigeant du club, le jeune entraîneur Louis Mendy (34 ans) menace ce dernier avec un couteau. Alertée, la police intervient très rapidement, mais, au lieu de parlementer, un policier passe son arme par la fenêtre, ce qui affole Louis Mendy. Des coups de feu partent. Louis Mendy meurt d’une balle tirée de très près.

Une enquête, dont la famille est tenue à l’écart, est très rapidement bouclée. Une ordonnance de non-lieu est prononcée le 12 décembre 2009, le juge d’instruction ayant retenu « la légitime défense pour autrui ». La famille fait appel de cette décision. Le 17 février 2010, estimant que « la légitime défense pour autrui », invoquée par le fonctionnaire de police auteur du coup de feu mortel, ne répondait pas à la définition légale, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix en Provence, demande sa mise en examen.

Le policier est mis en examen pour homicide volontaire.
La famille Mendy attend toujours que la vérité soit faite sur la mort de Louis.

Pour contacter l’OVPI : 06 21 63 40 88


Notes

[1Le Monde du 28 janvier 2004.


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