convoqués pour manque de respect envers une affiche (maj)


article de la rubrique droits de l’Homme > Charlie-Hebdo
date de publication : jeudi 5 février 2015
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Deux collégiens de 12 ans et 13 ans et demi ont comparu devant la Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique (CCTP) convoquée par le député-maire de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), Bernard Reynès. Il leur est reproché d’avoir manqué de respect à une affiche "je suis Charlie" et de ne pas avoir marqué la minute de silence, tenant même des propos jugés inquiétants.

Pour Bernard Reynès, UMP tendance droite populaire, la loi de prévention de la délinquance n’est pas utilisée comme elle devrait l’être. Par le biais d’un amendement à la LOPPSI 2 – loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure –, il a introduit les CCTP. Il milite pour un accroissement des pouvoirs du maire, notamment en rendant obligatoire l’existence d’une telle cellule dans chaque ville de plus de 10 000 habitants.

Il en a créé une dans sa ville de Châteaurenard, et il tente de rallier d’autres communes à sa cause, en particulier dans le Sud-Est. La commune de La Crau dans le Var, est un exemple presque caricatural des excès auquel cette voie peut conduire.
Il ne faut pas transformer les maires en shérifs !

[Mis en ligne le 4 février 2015, revu le 5]



Bernard Reynès et la CCTP ont reçu les deux collégiens et leurs parents dans une procédure de "Rappel à l’ordre". Photo N.C.-B.

Châteaurenard : ils n’avaient pas respecté l’affiche "je suis Charlie"

par Nelly Combe-Bouchet, La Provence du 1er février 2015


Deux collégiens ont été convoqués devant la Cellule de citoyenneté et tranquillité publique

Vendredi après-midi s’est tenue, dans la salle d’honneur de l’hôtel de ville, une cérémonie au caractère très solennel : un rappel à l’ordre, organisé dans le cadre de la Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.

Deux collégiens, accompagnés de leurs parents, y étaient convoqués par le député-maire Bernard Reynès, qui les a reçus, entouré de l’adjoint chargé des affaires scolaires (Claude Labarde), de l’adjoint à la sécurité (Michel Lombardo), des chefs d’établissement des deux collèges de la ville, du chef de la police municipale (Max Chaumeil) et de la directrice du CCAS (Élisabeth Rousset).

Possible condamnation

Motif ? Ces deux jeunes, âgés de 12 et 13 ans et demi, n’ont pas respecté l’affiche "Je suis Charlie", apposée dans leurs deux collèges, après les tragiques événements de ce début de mois, et ils n’ont pas marqué la minute de silence, tenant même des propos jugés inquiétants.

Si ce rendez-vous s’est déroulé à huis clos, l’élu, qui a agi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, a expliqué, à l’issue, que cette procédure s’adressait autant aux enfants qu’à leurs familles. "Nous ne pouvons en effet pas considérer qu’un adolescent de cet âge-là est totalement responsable de ses propos et de ses agissements". L’objectif était donc aussi de sensibiliser leurs proches à leur responsabilité éducative.

Après le rappel des faits par les deux principaux et après avoir écouté les arguments des parents sur la conduite des deux adolescents, la responsable du CCAS leur a proposé un accompagnement éducatif.

"Nous avons voulu leur faire comprendre la gravité de leurs actes. Et leur donner l’occasion de se ressaisir. Cette procédure est un avertissement d’une grande fermeté mais c’est aussi une main tendue. Ce sont des faits que nous ne voulons absolument pas laisser passer", explique aussi le premier magistrat de la commune. Il a également insisté sur le fait que cette fois-ci il s’en est tenu à un rappel à l’ordre mais que la loi l’autorise, s’il le décidait, à leur demander réparation du préjudice subi par la Ville.

Et, en cas de réitération, il se verra "dans l’obligation d’en informer le Procureur de la République qui pourra décider d’une sanction, laquelle pourrait déboucher sur une condamnation par un tribunal." Ce qu’il n’a pas souhaité pour l’instant, afin d’éviter des conséquences dommageables sur leur avenir.

Des propos corroborés par Mounir Layouen, principal du collège Roquecoquille. "Après le rappel des faits, j’ai dit à l’élève, qui a offensé la mémoire des victimes, la gravité de ses gestes. Que c’était inadmissible, inacceptable et incompatible avec le message d’unité nationale, avec les valeurs de la République. Je lui ai aussi expliqué qu’il tombait sous le coup de la loi. Qu’ayant plus de 13 ans, il est passible de poursuites devant un tribunal. C’était un message de fermeté, qui se veut pédagogique et une main tendue à la famille". Mêmes propos aussi de Jean-Jacques Ayme, directeur du collège Saint-Joseph. "C’est un soutien à la parentalité", a conclu la directrice du CCAS.

Nelly Combe-Bouchet

P.-S.

Compléments

Les « cellules de citoyenneté et de tranquillité publique » (CCTP) ont été créées le 16 décembre 2010 : ce jour-là, le député-maire de Chateaurenard a fait adopter un amendement lors de l’examen du projet de la LOPPSI renforçant la loi de prévention de la délinquance. Par la suite le gouvernement Fillon a tenté de l’imposer aux communes de plus de 10 000 habitants. [1]

En mars 2014, lors d’une convention pour préparer les élections municipales, l’UMP invitait ses élus municipaux à « faire de la sécurité une priorité : développement de la vidéo-protection, des polices municipales qui pourront être armées, création de Cellules de citoyenneté et de tranquillité publique (CCTP) et de Conseils des droits et devoirs des familles pour mieux prévenir la délinquance et lutter sans faille contre tous les troubles à la tranquillité des Français ». [2]


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