chronique des années sous-marines (numéro 1)


article de la rubrique extrême droite > FN : le cru 2014
date de publication : samedi 11 octobre 2014
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Le réseau syndical antifasciste VISA — Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes — qui regroupe des militants syndicalistes, réalise argumentaires de réponse, brochures pédagogiques et formations, sur le Front national et l’extrême droite : http://www.visa-isa.org.

Il publie notamment une chronique trimestrielle Lumière sur les mairies brunes :

  • le numéro 1 — avril, mai, juin 2014 — est repris ci-dessous [1]

Vous y trouverez rappelés des événements, petits mais significatifs, qui ont fait l’actualité à Béziers, Marseille (7e secteur), Fréjus, Cogolin, Hayange, Hénin-Baumont, Le Pontet, Beaucaire, Villers-Cotterêts ...


Lumière sur mairies brunes

La chronique trimestrielle de VISA, numéro 1 (juin 2014)

Après les élections municipales de 2014, VISA continue plus que jamais son travail de recensement, d’analyse et de décryptage des incursions de l’extrême droite, et du Front national en particulier, sur le terrain social.

A la tête d’une quinzaine de mairies, l’extrême droite a déjà montré son vrai visage et ainsi prouvé que sa dédiabolisation n’est qu’un écran de fumée.

Pour que les militant-es antifascistes aient tous les éléments nécessaires à leur lutte, VISA lance le numéro 1 de sa chronique « Lumière sur mairies brunes ».

Vous y retrouverez chaque trimestre les faits et méfaits des municipalités brunes, une sorte de « chronique sous marine » pour ne rien oublier et le faire savoir !

Aujourd’hui, environ 453.000 personnes vivent en France dans une municipalité d’extrême droite. 11 mairies sont gérées par le FN, ou par un maire élu avec le soutien du FN (Robert Ménard à Béziers). Ces onze villes comptent 400.074 habitant-e-s. Quatre autres communes sont dirigées par la « Ligue du Sud », petit parti d’extrême droite présidé par l’ex-FN Jacques Bompard : Orange, Bollène, Camaret-sur-Aigues et Piolenc.

Entre « normalité » et symbolique

Le mandat des maires d’extrême droite, élus lors des élections municipales des 23 et 30 mars 2014, a commencé par quelques actes symboliques forts, même si ces nouveaux élus marchent encore sur des œufs pour éviter les controverses et les polémiques en début de mandat. Sachant que les budgets municipaux 2014 ont été élaborés par les anciennes équipes, les choix budgétaires des nouvelles majorités n’interviendront qu’à partir de l’année prochaine et là, à beaucoup d’égards, on peut penser que le pire est à venir.

Pour le moment, l’important réside donc dans le symbolique, s’agissant de manifestations de l’idéologie de l’extrême droite. Ainsi, dans les 13e et 14e arrondissement de Marseille, dont la mairie (celle du septième secteur du Marseille) est désormais dirigée par le maire FN Stéphane Ravier, le principal symbole est la création d’une délégation « aux affaires culturelles et à l’identité », dont il faudra surveiller les choix de près.

A Fréjus, le premier symbole fort consista à enlever avril 2014 les deux drapeaux de l’Union européenne qui ornaient, jusque-là, le balcon de la mairie et le bureau du maire.

Des premières mesures hautement symboliques

Le 4 avril 2014, Marine Le Pen a défrayé la chronique en annonçant que les mairies FN supprimeraient systématiquement les « repas de substitution » dans les cantines scolaires. Ces repas alternatifs, au cas où du porc serait prévu comme plat principal, sont servis aux élèves musulmans, juifs ou à ceux qui ne mangent pas de cochon pour un autre motif.

Tout en s’abritant formellement derrière la laïcité (« aucune exigence religieuse » ne devant être admise dans l’école publique, selon Marine Le Pen), il s’agit bien d’une mesure d’exclusion de fait qui cible certains groupes déterminés.

Dans le même temps, le vice-président du FN, Florian Philippot, déclarait devant les caméras que « les élèves auront toujours le choix » (alimentaire). Selon lui, il s’agirait uniquement d’« interdire les interdictions religieuses », autrement dit, de ne pas imposer des commandements religieux aux élèves. Ce qui, de toute façon, n’est pas le cas et serait illégal : il ne s’est jamais agi par exemple d’interdire la consommation de viande de porc aux élèves souhaitant en consommer, mais uniquement de laisser, à tous, le choix.

Le 8 avril 2014, le nouveau maire FN d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois (élu dès le 1er tour), a annoncé le retrait d’un local jusqu’ici attribué à la Ligue des droits de l’homme/LDH. La mairie a classé l’association, très ancienne – la Ligue des droits de l’homme a été fondée en 1898, en réaction à l’Affaire Dreyfus -, comme adversaire en raison de ses prises de position contre les thèses du FN. Ainsi, désormais, les associations, parties structurantes de la vie démocratique, risquent d’être classées en « amies » et « ennemies » par le pouvoir local.
Le 9 avril 14, la majorité FN au Conseil municipal a radicalisé la démarche en déclarant qu’elle entendait « réclamer 36.000 euros de loyers impayés » à l’association. Le local municipal de 20 m2 était, jusqu’ici, gracieusement mis à la disposition de la section de la LDH. Un acte qui fait discuter dans les rangs de l’extrême droite.

Le même jour, le député FN Gilbert Collard (qui n’est pas membre du FN, mais élu avec l’étiquette « Bleu Marine ») a cependant pris ses distances. « Je n’aurais pas viré la LDH », a-t-il affirmé, « je lui aurais demandé de signer un bail et de payer ». Une solution qui n’aurait guère valu mieux ; mais qui aurait évité, selon les dires de l’avocat médiatique et député, « de donner du grain à moudre à ceux qui veulent nous réduire en poussière fascisante ».

En revanche, plus tard, pour « contrebalancer » le bruit né autour de ce retrait du local à la LDH, la mairie d’Hénin-Beaumont a créé encore plus de bruit autour du soutien continu de la municipalité aux Restos du Cœur.
Le soir du vendredi 9 mai 2014, une convention a été signée entre l’antenne locale des Restos du Cœur et la nouvelle mairie, dans les Salons d’honneur de la ville. Cette cérémonie, avec petits fours et forte présence des caméras, a « gravé dans le marbre [le] soutien aux Restos du cœur » (selon La Voix du Nord du 10 mai), mais surtout fourni une occasion à la mairie FN de se forger une image conforme à ses souhaits.

Des nominations parfois controversées

Les choix des nominations sont souvent des révélateurs importants, et parfois sujets à controverse. A Béziers, le nouveau maire Robert Ménard – officiellement sans étiquette mais élu sur une liste FN – tente de prouver qu’il n’est pas sous contrôle du parti, et de se distinguer. Il a ainsi recruté dans « sa » mairie des cadres non affiliés au FN, mais appartenant à une extrême droite au profil affiché « plus radical » (selon les propres mots de Louis Aliot, numéro deux du parti).
Son nouveau chef de cabinet, Christophe Pacotte, est un dirigeant du Bloc identitaire. Le nouveau directeur de cabinet, André-Yves Beck, vient quant à lui de la mairie d’Orange (dont le maire Jacques Bompard, proche du Bloc identitaire, dirige la « Ligue du Sud ») et aurait combattu comme mercenaire fasciste en Croatie, au début des années 1990.
En revanche, une nomination plus « présentable » aux yeux du grand public n’a finalement pas eu lieu à Béziers. Il était prévu de nommer Michel Cardoze, ancien « Monsieur Météo » sur TF1, comme conseiller culturel à la mairie tenue par Robert Ménard. Cardoze, qui avait été journaliste à L’Humanité et militant au Parti communiste pendant quelques années, était un ami de Robert Ménard. Il avait déclaré ne pas partager « toutes les idées politiques » du maire, mais vouloir développer « un beau projet culturel » pour la ville. Or, le 18 juin 2014, il a renoncé au poste pour lequel il était pressenti.

A Marseille, dans la mairie de secteur regroupant les 13e et 14e arrondissements de la ville, l’édile municipal Stéphane Ravier a choisi Marie-Dominique Desportes comme directrice générale des services. Une information qui a été révélée le 17 juin dans Médiapart. Desportes, aujourd’hui âgée de 43 ans, avait été la Directrice des affaires culturelles et des activités d’animation sous Daniel Simonpieri, élu maire FN de Marignane en 1995. C’est elle qui justifiait alors le grand ménage dans la bibliothèque municipale, au nom d’un « rééquilibrage », qui consistait notamment à censurer des livres et à interdire l’exposition de journaux jugés « trop à gauche » (dont Libération et La Marseillaise) pour les remplacer par des journaux d’extrême droite à caractère jusque-là confidentiel tels que Présent et Rivarol.

A Hénin-Beaumont, la mairie FN a effectué un choix moins polémique pour le poste de directeur général des services. Cette ville du Pas-de-Calais constitue la « vitrine » municipale la plus importante du parti d’extrême droite : Steeve Briois est le seul maire FN élu avec une majorité absolue dès le premier tour, et il est secrétaire général du Front national, poste qu’il compte abandonner au prochain congrès les 29 et 30 novembre 2014.

Ici, c’est une personnalité « technique », et non pas « politique », qui a été choisie pour occuper le poste de directeur général des services. Gérard Moisan, le nouveau titulaire du poste, assure dans Le Monde du 16 juin 14 : « Je ne suis pas encarté. Je veux sécuriser les procédures et les choix. On est hyper-surveillés et on ne veut pas faire la Une des journaux. »

Rapport à l’Histoire

Le 10 mai 2014, la date « symbolique » de l’abolition de l’esclavage (en 1848) a été commémorée à Villers-Cotterêts en l’absence du maire. Depuis plusieurs années, cette ville de Picardie où est enterré le général Thomas Alexandre Dumas – père de l’écrivain Alexandre Dumas et premier général noir de l’armée français né esclave à Saint-Domingue – célébrait officiellement cette date. Or, le nouveau maire Franck Briffaut (FN) considère qu’il n’y a pas lieu d’en faire tout un plat : « Ces commémorations entrent bien souvent dans la culpabilisation un peu à la mode, ces dernières années. » Trois cents personnes se sont finalement déplacées pour la commémoration à Villers-Cotterêts, sans et contre la municipalité.

Peu de temps avant, le nouveau maire de Villers-Cotterêts avait éprouvé moins d’hésitations devant les commémorations historiques, en célébrant la mémoire des soldats français de la guerre coloniale en Indochine (1946-1954), le 29 avril. Mais la vision de l’Histoire par les maires FN est souvent quelque peu bancale. Celui de Mantes-la-Ville, Cyril Nauth, avait quant à lui créé une polémique en interdisant aux élu-e-s de gauche de déposer une gerbe à la mémoire de la déportation, le 27 avril 14.

Augmentation des indemnités des élus

Sur un plan plus matériel, si le maire de Hayange, Fabien Engelmann, a baissé les indemnités des élus – sans toucher à la sienne– et si les indemnités auraient même baissé de 30 % à Béziers (selon Libération du 08.05.14), plusieurs édiles FN ont en revanche augmenté les leurs.

Ainsi, à Villiers-Cotterêts, le maire FN a fait porter sa rémunération à 3.791,76 euros... après avoir voté contre celle de son prédécesseur (3.304 euros) en 2008, en argumentant qu’elle était trop élevée. D’autres maires FN se sont aussi fait augmenter. Celui de Cogolin s’est adjugé une enveloppe de « frais de représentation » de 1.250 mensuels supplémentaires. Le maire FN de Le Luc (Var) a fait voter une augmentation de 15 % de son indemnité et de celle de ses adjoints, en expliquant que ces derniers toucheraient prétendument « moins qu’un étranger venant prendre sa retraite en France sans jamais y avoir travaillé ». Ce qui est, bien entendu, totalement faux : une personne qui n’a jamais cotisé en France ne touchera, bien évidemment, aucune retraite.

Au Pontet (près d’Avignon), le nouveau maire FN Joris Hébrard s’est même offert une augmentation de son indemnité de... 44 %. Cette mesure a fait l’objet d’une intense controverse lors du premier conseil municipal de la mandature, qui s’est tenu le 21 mai 2014. Le nouveau maire a alors déclaré : « Ce qui compte, ce sont les actes qui viendront dans les mois qui viennent. Baisser les indemnités des élus aurait été purement symbolique. » Un discours qui, à l’évidence, ne colle absolument pas avec celui tenu à longueur de journée par le FN, à propos des élus et des « politiciens corrompus ».

Premières mesures anti-sociales et premiers scandales

Le maire du Pontet a demandé un audit sur les finances de la ville, pointant une situation financière du CCAS (Centre communal d’action sociale) qui serait « catastrophique » selon ses dires.

Or, Claude Toutain, vice-président du CCAS de 2001 à 2013, déclare dans le journal La Provence (du 23 mai 14) : « C’est une infamie que de dire ça ! Les comptes du CCAS ont toujours été équilibrés ! » Ce à quoi le maire d’extrême droite répond : « Equilibre ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes... ». Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage, et on invente de prétendus problèmes lorsqu’on veut préparer une casse de l’action sociale...

La nouvelle mairie FN a aussi rompu avec une tradition qui voulait que tous les groupes politiques du conseil municipal soient représentés au Conseil d’administration du CCAS. Désormais, les 8 représentants de la ville seront exclusivement issus de la majorité FN.
Toujours au Pontet, le maire FN a demandé au conseil municipal (du 25 juin 2014) de voter la fin de la gratuité de la cantine scolaire pour les enfants des familles démunies. A ces dernières sera proposé au mieux un demi-tarif, sur justificatif, parce que « ceux qui sont démunis ont des allocations qui leur permettent de payer la cantine », dixit le maire. La gratuité de la cantine scolaire, dont bénéficiait jusqu’ici une centaine de familles au Pontet, existait depuis trente ans. Il s’agit, selon le maire, de « responsabiliser ces familles », et de réaliser des économies de 30.000 euros sur un budget municipal de près de 50 millions.

A Beaucaire, c’est le Centre socio-culturel Fernand Buisson – ouvert en décembre 2013 – qui est aujourd’hui gravement menacé dans son existence. Le nouveau maire FN, Julien Sanchez, a en effet annoncé le 22 mai 14 se retirer du partenariat qui liait jusqu’ici la ville au Centre socio-culturel, et ainsi le priver de subvention.

La municipalité de Béziers s’est, elle aussi, illustrée par des premières mesures antisociales, réservant ainsi la participation aux activités périscolaires aux seuls enfants dont il est prouvé que les deux parents travaillent (par une décision du 27 mai 2014). Les enfants dont au moins un parent est au chômage étant, de la sorte, exclus. Dans le même mouvement, la mairie a supprimé une « étude surveillée » de 7h35 à 8h30, pour la remplacer par un simple « accueil » des enfants du primaire sans activité pédagogique. L’étude avant le début des classes était fréquenté, jusque-là, par 320 élèves (sur un total d’environ 6.000).

Il est vrai que de telles mesures ont existé dans d’autres villes, y compris à mairie non FN, dans le passé. Mais elles ont été régulièrement annulées par les Tribunaux administratifs quand ces derniers ont été saisis sur des mesures d’exclusion sur critères sociaux. A Béziers, l’élu d’opposition Aimé Couquet (PCF) a saisi le sous-préfet Nicolas de Maistre, fin mai 2014, lui demandant par courrier d’intervenir contre des mesures qu’il estime illégales.
Toujours à Béziers, le maire a annoncé la diminution du budget du CCAS de 5 %. Pire, toute personne qui contreviendrait à l’un des arrêtés municipaux pris par Robert Ménard – ou l’un de ses prédécesseurs – sera convoquée pour une séance de « rappel à l’ordre ». Celle-ci se déroulera en présence du maire « entouré d’élus et de policiers » (selon un communiqué de la mairie du 12 juin 2014). Les personnes qui ne s’y rendraient pas seront, à l’avenir, privées de toutes les aides sociales de la ville, versées par le CCAS. Ce dernier alloue les aides sociales non obligatoires (donc hors RSA) et assure le suivi santé des allocataires du RSA.

A l’heure où la mairie de Béziers joue de façon démagogique la carte de la « proximité », annonçant que des habitant-e-s seront reçus tous les mercredis après-midi par le maire, voilà la réalité de sa politique : Une augmentation de l’arbitraire et de l’autoritarisme accompagne une diminution des droits sociaux. Dans le même temps, la mairie de Béziers a annoncé une baisse des taxes d’habitation et foncière sur les propriétés bâties et non bâties. Des mesures similaires ont aussi été annoncées à Beaucaire et à Villers-Cotterêts.

Pour l’instant, les premières mesures de « compression » du personnel municipal, que ce soit sous forme de licenciements ou encore (surtout) de non-renouvellement du personnel précaire, sont encore à venir. Elles semblent se profiler à Béziers, à Cogolin et à Hayange.
A Hayange, le FN avait annoncé dans son programme municipal de mars 2014 que « des économies seront opérées dans le budget de fonctionnement ». La nouvelle mairie FN cherchera à effectuer celles-ci surtout sur le dos du personnel municipal. Sa liste ayant déjà annoncé, lors des élections, que « le remplacement des départ en retraite se fera au cas par cas », uniquement. (Ce qui est conforme aux annonces de Marine Le Pen sur les ondes des Radio France Inter, du 20 mars 2014. Niant que son parti pourrait licencier du personnel municipal, elle avait en revanche annoncé que des suppressions de postes pourraient se faire par le non-renouvellement de futurs départs.)

Depuis, la mairie FN a annoncé vouloir terminer les contrats de travail des employé-e-s non titulaires de la fonction publique territoriale, afin de les remplacer par des CAE (Contrats d’accompagnements dans l’emploi), qui correspondent à un dispositif d’insertion de personnes sans emploi.

Propos racistes

A Beaucaire, la révélation de certains écrits (sur Internet) de la nouvelle chef de cabinet, Holly Harvey-Truchet, frôlant le délit d’incitation à la haine raciale, a donné lieu à une série d’articles de presse. Ces propos ont été rendus publics par Médiapart, le 22 mai 2014.

Ceci alors qu’à Hayange, la publication d’un livre autobiographique du nouveau maire FN, Fabien Engelmann, sous le titre Du gauchisme au patriotisme en date du 15 avril 14 a également suscité de fortes controverses. Ce livre, diffusé par la mouvance Riposte Laïque (animant un site Internet fanatiquement anti-musulman), regorge de propos relatifs à l’islam. La religion musulmane est ainsi traitée d’ « idéologie mahométane [...] sectaire et en totale contradiction avec notre constitution ». Le maire FN ajoutant : « L’islam me fait peur. »
Le 22 mai 2014, l’association SOS Racisme a annoncé le dépôt d’une plainte visant le Guide pratiquant qu’avait élaboré le FN, à l’attention de ses futurs élu-e-s. Ce document appelle à « l’application de la priorité nationale dans l’accès aux logements sociaux ». La plainte demande aux autorités judiciaires de poursuivre ses auteurs, pour « incitation à la discrimination » (délit sanctionné par l’article 24 alinéa 8 de la Loi sur la liberté de la presse) dans les mairies contrôlées par le FN.

Le 5 juin 2014, la mairie FN de Cogolin met en garde la population locale via son site Internet contre l’arrivée de Gens du voyage. Elle s’adresse à ses administré-e-s en ces termes : « Afin d’éviter tout risque de débordements, la municipalité a renforcé son dispositif de sécurité à l’occasion de l’arrivée importante de gens du voyage. La Mairie demande aux résidents et à leur voisinage de rester vigilants et de signaler à la Police municipale tout comportement suspect...  » Suivent le numéro de téléphone de la police locale et son adresse e-Mail. Cette façon de désigner à l’opinion publique un groupe social comme intrinsèquement dangereux ou source de problèmes, peut relever directement ou indirectement de l’incitation à la haine raciale.

Mariage homosexuel

Une partie de l’extrême droite est moins contente, cependant, de la célébration d’un premier mariage homosexuel à la mairie du 7e secteur de Marseille, gérée par le maire FN Stéphane Ravier. L’AGRIF (« Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française »), organisation catholique-traditionaliste dirigée par l’ex-FN Bernard Antony, a ainsi fait circuler un communiqué réprobateur en date du 14 avril 2014. Selon elle, la mairie aurait dû plutôt se placer dans l’illégalité, en refusant carrément de célébrer ce mariage...

A Hénin-Beaumont, l’adjointe aux affaires sociales de la mairie FN se targue quant à elle de célébrer un mariage homosexuel, (Libération du 8 mai 2014). Aurélia Beigneux déclare au quotidien, comme pour souligner son immense tolérance : « Cela ne me gêne absolument pas. 80 % de mes amis sont homosexuels. »

Or, si la composition du cercle d’amis de l’élue FN est difficile à vérifier et – surtout - relève de sa vie privée, il est vrai que l’homosexualité ne devrait en tout cas pas gêner « politiquement » le FN à Hénin-Beaumont. Depuis la parution d’un livre en décembre 2013, l’homosexualité du maire Steeve Briois est de notoriété publique. La même chose n’est pas nécessairement vraie ailleurs, et dans d’autres localités du pays le FN peut être marqué par des tendances nettement plus homophobes (comme l’illustre la participation de nombre de ses militants aux manifestations opposées au « mariage pour tous »).

Politiques sécuritaires

A Hénin-Beaumont, un arrêté anti-mendicité a été déposé en préfecture par la mairie FN le 26 mai 2014. La veille, dans un communiqué, le PCF local considère que cette mesure est « en réalité un arrêté anti-Roms ». Le maire lui-même qualifie cet arrêté de « premier étage de la fusée » (Le Monde du 16 juin 2014), annonçant qu’il sera notamment suivi de mesures en matière de vidéo-surveillance : « C’est notre priorité. » (La Voix du Nord du 22 mai 14)

A Béziers, le maire Robert Ménard est très actif lorsqu’il s’agit d’imposer le visage qu’il souhaite à sa « ville », et de tenter de façonner le comportement de ses habitant-e-s. Dès le 16 avril 2014, à peine installé dans le fauteuil de maire (le 4 avril), Ménard a annoncé lors du premier conseil municipal de son mandat qu’il entendait élaborer un arrêté décrétant un couvre-feu pour les mineurs.

Ce dernier, adopté fin avril 2014, interdit aux mineurs de 13 ans de circuler dans les rues de certains quartiers, dont le centre-ville, entre 23 et 6 heures. Il s’agit là d’une mesure essentiellement symbolique, mais suivie d’autres : Ainsi, par un arrêté du 19 mai, le maire élu avec le soutien du FN interdit aux habitant-e-s d’étendre le linge aux fenêtres, en journée. Le texte stipule qu’il a été « décidé d’interdire d’étendre du linge aux balcons, fenêtres et façades des immeubles visibles des voies publiques. Les immeubles participent pleinement à la perception et à la qualité environnementale du domaine public, les façades ont un impact important sur l’attractivité économique et touristique de la ville et notamment en matière d’ordre esthétique. » L’arrêté interdit également de « battre les tapis par les fenêtres après 19 heures ». Les contrevenant-e-s se voient menacés d’une amende.

Depuis lors, des lignes de linge (avec des vêtements suspendus dessus) ont été apportées lors de plusieurs manifestations dans l’espace public, à Béziers, afin de protester contre la politique grotesque du maire. En attendant, le 27 mai 2014, Robert Ménard a proposé d’« offrir des blouses grises » aux familles des écoliers... probablement pour rappeler le bon vieux temps, où l’ordre régnait. Les blouses porteront le blason de la ville, mais leur port n’est pas rendu obligatoire... encore heureux !

Le 3 juin 2014, Robert Ménard a aussi annoncé l’interdiction des manifestations anti-corridas à proximité des arènes de la ville : « On manifeste tant qu’on veut mais loin des arènes. [...] Tant que je serai maire de Béziers, ça sera comme ça dans notre ville. » Cette dernière phrase est tout un programme...

Mesures antisyndicales

Les mesures plus ou moins répressives peuvent aussi concerner les organisations syndicales... au moins si elles ne sont pas sur la ligne de la mairie, ou celle d’une étroite coopération avec elle.

A Hayange, un premier accrochage entre le syndicat CGT des employé-e-s de la ville et le nouveau maire FN (ayant été lui-même exclu de la CGT en mars 2011, pour cause de candidature FN) s’est déroulé le 9 avril 2014. Ce jour-là, peu après l’installation du nouveau conseil municipal, des agents ont distribué des tracts à leurs collègues, dans les couloirs de la mairie. Le maire est venu leur interdire la distribution du tract, parce que celui-ci « est politique », et s’est exprimé ainsi : « S’ils veulent diffuser un tract, ils le font à la sortie, une fois que les usagers sont partis ». A la suite, la mairie a envoyé une « Note d’information », datée du 17 avril 14, « aux organisations syndicales ». Celle-ci rappelle la réglementation Fonction Publique en vigueur, en matière de distribution de matériels syndicaux... sauf qu’elle ne tient aucunement compte des pratiques acquises par le fait syndical.
Fin avril, la mairie a refusé de mettre du matériel à la disposition des syndicats pour le 1er mai, contrairement à ce qui s’était passé les autres années à Hayange. Par ailleurs, un membre de la CGT a été accusé par la mairie, sans preuves, d’avoir collé des affichettes
portant l’inscription « Casse-toi pauv’ con » sur les affiches électorales du FN, pendant la campagne des municipales.

Plus grave encore, la nouvelle mairie FN a diffusé le 04 juin 2014 une note de service qui stipule : « Le devoir de réserve vous impose, même en dehors de votre service, de vous exprimer avec retenue. Et ce, y compris dans votre vie privée et en particulier sur Internet ou sur messagerie électronique. » Autrement, les employé-e-s municipaux sont menacés de « procédure disciplinaire ». Vue l’étendue des comportements visés, explicitement aussi dans le cadre de la vie personnelle des salarié-e-s, l’exigence posée va extrêmement loin. Et il semble bien que des tribunaux, s’ils étaient saisis, auraient du mal à lui reconnaître un caractère légal.

Tous les syndicats ne sont, cependant, pas sur une ligne critique vis-à-vis de la mairie FN. Ainsi, un représentant du Syndicat autonome des territoriaux d’Hayange (SATH) – affilié à l’UNSA – déclare dans Le Monde du 9 juin 2014 : « Pour l’instant, Monsieur Engelmann n’est pas mal. [...] C’est un homme posé, calme, à l’écoute. » De son côté, la CFDT locale, citée par le journal du soir, déclare qu’elle « attend de voir comment les choses évoluent ».

Ailleurs, des syndicats CGT semblent eux aussi divisés sur l’attitude à adopter vis-à-vis de mairies FN, par exemple à Hénin-Beaumont. La majorité de cette dernière municipalité déclare, de son côté, que « les relations avec FO, le syndicat majoritaire à la mairie, sont plutôt bonnes » (d’après Le Monde, 16.06.14). Alors qu’à Villers-Cotterêts, le maire FN a supprimé par ses premières mesures la subvention à l’Union locale de la CGT. Celle-ci, d’un montant de 300 euros, avait jusqu’ici aidé la CGT locale à constituer des dossiers juridiques pour des litiges aux prud’hommes.

La FCPE (Fédération des parents d’élèves) a aussi vu sa subvention supprimée, à Villers- Cotterêts. Alors qu’à Mantes-la-Ville, c’est la subvention versée à l’ensemble des associations, dont la LDH, qui a été amputée dans la même proportion – 20 % – pour l’ensemble des structures associatives.

Résistance !

De premières résistances se sont faites jour, de premiers noyaux d’opposition au FN sont nés. Qu’il s’agisse de la constitution d’un Comité de vigilance à Hénin-Beaumont (lancé notamment par la LDH locale). Qu’il s’agisse d’une manifestation de 200 personnes – dans le cadre d’une campagne antifasciste– le 31 mai 2014 à Hayange, de la constitution du « Comité de vigilance et d’action contre FN » à Mantes-la-Ville, ou encore de la création du « Collectif Marseille 13e/14e de veille et de lutte contre l’extrême droite ». A Beaucaire, des enseignant-e-s ont refusé, le 17 juin 2014, de serrer la main du nouveau maire FN et de siéger en sa présence au Conseil d’administration du lycée Paul-Langevin.

Certaines villes européennes, à l’instar de Farciennes et Arlon (Belgique) ou de Diekierch (au Luxembourg), ont par ailleurs rompu ou gelé leurs jumelages avec des municipalités françaises passées au FN. A Herne (Allemagne), le jumelage avec Hénin- Beaumont est également remis en cause et fait l’objet de discussions. Alors que le groupe du SPD (Parti social-démocrate, majoritaire) au conseil municipal a refusé de participer à la fête pour les soixante ans du partenariat.

A tous les niveaux, de toutes les façons, il faudra renforcer, rendre connues et populariser toutes les formes de résistance contre les nouveaux pouvoirs locaux de l’extrême droite.

Notes


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