censure partielle de la loi sur la réforme de la psychiatrie


article de la rubrique Big Brother > psychiatrie
date de publication : mardi 24 avril 2012
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Répondant à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par une association de défense des droits des patients en psychiatrie, le Conseil constitutionnel a censuré, vendredi 20 avril, deux dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement – cette loi avait été initiée fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d’un étudiant à Grenoble par un malade mental qui s’était enfui de l’hôpital.

La décision du Conseil ne concerne que les personnes jugées irresponsables par un juge et dont l’hospitalisation sans consentement a été décidée par un préfet, ainsi que celles qui ont été placées en unité des malades difficiles (UMD). Le Conseil constitutionnel ne conteste pas le fait d’"assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l’objet", mais il estime nécessaire d’adopter "des garanties contre le risque d’arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier".

Cependant, jugeant que "l’abrogation immédiate de ces dispositions aurait eu des conséquences manifestement excessives", le Conseil constitutionnel a reporté au 1er octobre 2013 la date de l’abrogation des dispositions en cause. Voir le communiqué de presse.

Coïncidence ?... à peu près simultanément, le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) publiait un rapport sur la France où il conteste le recours quasi-systématique à l’ "isolement, souvent sous contention, au cours de périodes prolongées dans des services de psychiatrie générale."


Contes de la folie ordinaire

par Paul Machto, le 22 avril 2012 [1]


In extremis avant le premier tour de la présidentielle, le Conseil Constitutionnel vient de rendre une décision à la suite d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité à propos de plusieurs articles de la loi du 5 juillet 2011.
Le gouvernement actuel avait réussi à imposer des conditions de soins sans consentement en psychiatrie malgré l’opposition et la mobilisation de la quasi totalité des professionnels en psychiatrie, de nombreuses associations de patients et de parents.

Cette majorité s’était appuyé sur une décision du Conseil Constitutionnel pour faire passer cette loi dans la précipitation, réduisant les débats pourtant complexes sur l’intervention du juge des libertés. Le résultat en est catastrophique dans la pratique : diversité de l’application de la loi et notamment de l’intervention du juge des libertés, (il faut prendre conscience de la panique de nombreux patients hopsitalisés sous contrainte à qui on remet une lettre du tribunal, les convoquant pour une audition par le juge des libertés) ; utilisation de l’internement pour réduire un écologiste contestataire dans l’Hérault ; bureaucratie galopante avec la multiplication de certificats, etc. etc.

Cette fois-ci le délai de révision de la loi imposé par cette QPC est beaucoup plus grand puisqu’il porte jusqu’en octobre 2013. Le Collectif des 39 espère qu’ainsi la nouvelle majorité se saisira de cette question pour qu’un plus vaste débat puisse s’engager après l’indispensable abrogation de cette loi indigne et anti-thérapeutique. Le Collectif sera particulièrement actif pour qu’un grand débat s’organise sur les pratiques en psychiatrie autour de l’hospitalité pour la folie.

Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire a rendu public le 21 avril 2012 le communiqué suivant.

Paul Machto


Communiqué du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

Une nouvelle loi en psychiatrie pour la prochaine majorité

Le 21 avril 2012

Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision concernant une Question Prioritaire de Constitutionnalité (Q.P.C.) portée par le Cercle de Réflexion et de Proposition sur la Psychiatrie (C.R.P.A.), elle concernait plusieurs articles de la loi du 5 juillet 2011 réformant les soins psychiatriques sans consentement.

Un article de cette loi a été déclaré inconstitutionnel, il porte sur le sort réservé à la catégorie des patients supposés « dangereux » (article L3213.8) qui se trouvent enfermés sans garantie légale contre l’arbitraire de leur « traitement ».

De surcroît, nous considérons comme une grande victoire que les soins sans consentement en ambulatoire ne puissent être « contraints », même s’ils peuvent se révéler « obligatoires » (sic). Cela annule de facto leur possibilité d’application. Il s’agit d’une énorme avancée. Le collectif des 39 se félicitent de cet augure. Ces pseudo-soins de contrôle psychiatrique ne sont pas envisageables dans notre cadre constitutionnel. La prochaine majorité devra réécrire une loi : notre vigilance s’en trouve accrue. Il en est de la responsabilité des acteurs de la psychiatrie et des citoyens de ce pays de veiller à ce que la rédaction de la future loi soit guidée par l’éthique des soins.

Par ailleurs, le rapport du Comité Européen de Prévention de la Torture (CEPT) sur les conditions d’accueil et de soins dans les services de psychiatrie nous rappelle les dérives quotidiennes dans les pratiques, tant sécuritaires que gestionnaires et protocolaires, dérives qui ont conduit à l’internement de force d’un militant politique dans l’Héraut le mois dernier.

Faut-il rappeler que les soins psychiques s’appuient sur la confiance, non sur la défiance, nécessitent du temps afin que la relation soit au cœur du processus de soin ? Il sera donc urgent après les élections présidentielles et législatives de remettre les soins psychiques dans leur ensemble au cœur du débat public.

La loi devant être réformée avant le 1er octobre 2013, l’ensemble des citoyens (usagers, professionnels, familles, élus) mobilisés par l’hospitalité faite à la folie doit peser de tout son poids pour obtenir l’abrogation de la loi du 5 juillet 2011 et que soient établies des pratiques dignes d’une démocratie.

Nous appelons toutes celles et ceux qui se sont mobilisés à nos côtés à confirmer leur engagement pour soutenir et créer des pratiques accueillantes et émancipatrices.


Selon le Conseil de l’Europe, un usage abusif de l’isolement dans les hôpitaux psychiatriques français

par Laetitia Clavreul, Le Monde daté du 20 avril 2012


Bien, mais insuffisant. Dans son rapport publié jeudi 19 avril, le Comité de prévention de la torture (CPT), organe du Conseil de l’Europe, relève des dysfonctionnements dans les unités de psychiatrie qu’il a visitées : port systématique du pyjama, patients en hospitalisation libre accueillis en pavillon fermé et, souvent, recours abusifs à l’isolement et à la contention.

Sous contention complète pendant 48 heures

Le Comité a ainsi constaté que les détenus transférés à l’hôpital pour des soins étaient "presque systématiquement" mis en chambre d’isolement dans les services de psychiatrie générale, toute la durée de leur séjour, et le plus souvent sous contention complète (bras, jambes, abdomen immobilisés) pendant les premières quarante-huit heures, voire jusqu’à la fin. Une mesure dictée pour des raisons de sécurité, et non par leur état clinique, relève-t-il, appelant la France à adopter des mesures permettant l’accès aux soins pour toute personne incarcérée ne pouvant être accueillie en unité hospitalière spécialement aménagée.

Pour les autres patients aussi, de telles pratiques, adoptées pour prévenir une phase d’agressivité, posent problème au CPT. Déjà, il avait recommandé plus d’encadrement. Malgré la mise en place de protocoles, le recours à l’isolement varie fortement d’un hôpital à l’autre, ce qui entraîne des dysfonctionnements. A l’hôpital Paul-Guiraud (Val-de-Marne), en psychiatrie générale, la moitié des dossiers examinés par le CPT bénéficiaient d’une "autorisation générale" de mise en isolement donnée au préalable au personnel par les médecins. Le rapport note également une surveillance hétérogène des patients à l’isolement, avec parfois des rondes toutes les deux ou trois heures : "Il est peu étonnant qu’un certain nombre de patients se soient plaints d’avoir fait l’expérience de situations humiliantes", note le CPT, citant des difficultés d’alimentation et des incontinences urinaires et fécales.

Une anxiété accrue

Le rapport critique aussi la mise en isolement en attendant un placement en unité pour malades difficiles, pendant des périodes pouvant aller jusqu’à six mois, souvent sous contention complète. Une autre pratique est condamnée, cette fois dans l’unité de soins intensifs psychiatriques du centre Le Vinatier (Rhône) : la présence des instruments de contention dans les chambres d’isolement. Des patients ont affirmé que cela a accru leur anxiété.

Dans sa réponse, le gouvernement estime que des améliorations sont en cours, en matière d’accueil et de traçabilité. Il indique vouloir inviter la Haute Autorité de santé à redéfinir les règles d’isolement et de contention. Une façon, au moins, de reconnaître le problème.


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