La LDH alerte : "Prolonger indéfiniment l’état d’urgence, c’est renoncer au fonctionnement normal de nos institutions, justifier les atteintes aux droits, fragiliser la démocratie ... " Parallèlement, au lendemain de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, exprime de lourdes réserves sur un texte qui fait entrer l’état d’urgence dans le droit commun.
Le 17 juillet, la LDH a adressé une lettre aux Député-e-s :
"convaincue qu’il est nécessaire de s’appuyer sur la force de notre démocratie et de nos institutions, sans céder sur leurs principes ni sur l’équilibre des pouvoirs, la LDH considère que le droit existant, qui a déjà été fortement renforcé en la matière après les multiples modifications législatives intervenues ces dernières années, est largement opérationnel et a fait ses preuves, sous le contrôle du juge judiciaire, garant des libertés." [1]
La LDH appelle à sortir de l’état d’urgence [2]
"Alors que l’état d’urgence est reconduit encore et encore, alors que les dirigeants politiques de notre pays envisagent de faire entrer ses mesures d’exceptiondans le droit commun, il est urgent d’interroger son bilan et son efficacité, contre le terrorisme comme au regard de nos droits et de nos libertés.
L’état d’urgence s’est essoufflé :
Plusieurs responsables de la lutte contre le terrorisme admettent que l’état d’urgence n’a été nécessaire que durant quelques semaines après les attentats de novembre 2015. Après quoi, il s’est essoufflé. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les moyens mis en œuvre dans la lutte antiterroriste indique ainsi : « S’il a été réel, cet effet déstabilisateur lié à la surprise des opérations menées semble s’être rapidement amenuisé. »
"Le rapport d’information sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, publié le 6 décembre 2016, indique lui que l’effet de déstabilisation des mouvances susceptibles d’apporter leur soutien aux terroristes n’a été que « de l’ordre de quelques heures à plusieurs jours ». [3]
Le Défenseur des droits, Jacques Toubon alerte sur la la dérive qui consiste à proroger l’état d’urgence et à présenter un énième projet de loi antiterroriste :
"La question n’est pas de savoir si la prorogation est une bonne chose ou pas, la politique en décide. A partir du moment où l’on proroge, il faut décider soit de ne jamais en sortir, soit d’y mettre fin. C’est le piège dans lequel se trouve le gouvernement".
L’ancien garde des Sceaux ajoute : "En réalité, ce nouvel ’état permanent’ du droit n’offre pas plus de garanties mais ne pourra plus être justifié par le caractère exceptionnel et temporaire." "On ne parle plus d’’assignation à résidence’, mais de ’mesure individuelle de surveillance’, plus de ’perquisitions administratives’ mais de ’visites et saisies’. Comme s’il s’agissait d’un exploit d’huissier !"
Interrogé sur les "garanties des droits" que présenterait ce texte - selon le gouvernement - par rapport à l’état d’urgence, le Défenseur des droits évoque un "trompe-l’œil" : si la mise en œuvre du droit permanent français revient à viser dans 99% des cas des personnes qui ont toutes la même religion, on instille une sorte de dissolvant de la cohésion nationale, une pilule empoisonnée", tacle-t-il." [4]
Qu’en pensent-ils ? :
Le Syndicat de la Magistrature : "Nous, associations de défense des droits, avocats et universitaires, avions envoyé un courrier au Président de la République lui demandant d’avoir le courage de ne pas renouveler une fois encore l’état d’urgence (...) [5]
Le New York Times : Dans son article, intitulé "Les pouvoirs sans entraves d’Emmanuel Macron", le quotidien américain, rappelant les mesures envisagées, estime qu’elles ont "peu contribué à lutter contre le terrorisme, pas davantage que les lois déjà existantes, tout en menaçant réellement les droits des citoyens". [6]
La CNCDH : "Depuis l’instauration, au lendemain des attentats qui ont endeuillé la France, de l’état d’urgence par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 (1), la CNCDH s’est exprimée à plusieurs reprises (...). Ce faisant, elle s’est efforcée d’alerter les pouvoirs publics sur les dangers que faisait courir pour les droits de l’homme l’inscription dans la durée de ce régime d’exception (...) [7]
[1] lire Avis de la LDH :
[2] Appel de la LDH "L’état d’urgence,
ça se refuse !"
[3] Lire l’état d’urgence en questions :
[4] Lire l’article sur : http://actualites.nouvelobs.com/societe/20170623.OBS1106/projet-de-loi-antiterroriste-une-pilule-empoisonnee-pour-le-defenseur-des-droits.html
[6] Le "New York Times" étrille la future loi antiterroriste de Macron