Le TGI de Toulon, siégeant en référé, a ordonné lundi 31 juillet l’expulsion des forains dans les douze heures, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour et par manège. « Satisfait » de cette décision, Ferdinand Bernhard a estimé « regrettable que toutes les décisions doivent être confirmées par voie de justice. Une nouvelle fois, cette décision confirme que mes arrêtés sont conformes aux lois de la République. »
Les forains ont promis de démonter leurs manèges dans la nuit de lundi à mardi, après les avoir fait symboliquement tourner jusqu’à minuit. « Comme nous l’avions promis, nous ne ferons pas de résistance », a indiqué à la presse un de leurs porte-parole, Hubert Raldo. « C’est une injustice. Nous ne demandons ni aide, ni subvention, mais un espace public pour travailler, comme au temps des rois », a-t-il ajouté, avant de conclure : « Nous reviendrons l’an prochain à Sanary, à moins que le gouvernement ne compense notre manque à gagner ». Sur ce problème, lire l’article les forains, une espèce en voie de disparition ?.
[Première mise en ligne : vendredi 28 juillet 2006,
mise à jour, mardi 1er août]
Quarante-huit heures après l’arrivée musclée des forains, les manèges tournaient à Sanary. Alimentée par des groupes électrogènes, la fête a pu commencer vendredi soir malgré l’arrêté municipal d’interdiction pris la veille « pour des raisons de sécurité ». Le maire avait fait couper les alimentations en eau et électricité « pour des raisons de sécurité ». Vendredi, une commission de sécurité, sollicitée par les forains, a contrôlé l’installation et remis son rapport au préfet et à la mairie de Sanary.
Une demi-compagnie de CRS était toujours sur place vendredi, leurs fourgons bloquant les accès aux parkings du centre ville. « On prive les Sanariens de 100 places de parking », a commenté le maire, pour qui la fête est illégale en vertu d’un jugement du tribunal administratif de l’année dernière.
Les forains sont entrés de force dans le centre ville au cours de la nuit de mercredi 26 juillet. La ville de Sanary avait pris il y a quelques jours, comme en 2005, un arrêté municipal interdisant la fête foraine sur les parkings du centre ville - « parce que nous n’avons pas d’emplacements de substitution » a tenu à préciser le maire.
« Vers trois heures du matin, des dizaines, peut-être cent à deux cents personnes, cagoulées et armées de barre de fer, ont brisé les plots en béton qui fermaient l’accès aux parkings » avait précisé Ferdinand Bernhard. Deux voitures de la police nationale ont été endommagées ; d’après le maire, l’une d’elles « a été littéralement soulevée et déplacée avec les trois fonctionnaires à l’intérieur ». Aucun blessé n’est à déplorer
Pierre Dartout, préfet du Var, a déclaré qu’il s’agit « d’évènements inadmissibles », mais il avait écarté jeudi l’hypothèse d’une expulsion des forains, car « pour cela il faut une décision de justice ».
Les forains se sont installés jeudi, sur le parking de l’Esplanade à Sanary malgré l’interdiction du maire. Leur première soirée vendredi a tant bien que mal fait recette. Mais après ?
Le public était à la fête, vendredi soir. Les forains l’étaient un peu moins. Le maire de Sanary, sans doute pas du tout.
Ses arrêtés municipaux interdisant la fête foraine, puis l’accès aux manèges n’ont pas empêché les promeneurs d’affluer en direction de la foire.« Ca va plutôt bien », confirme sur place Richard Kerwich devant son manège. « Pour ce soir, en tous cas », lâche-t-il ensuite. Car le problème n’est pas résolu pour autant. Plus qu’une éventuelle décision d’expulsion du parking de l’Esplanade par le tribunal administratif,
le forain craint un effet boule de neige du cas « Sanary » « Si on perd ici, on peut perdrepartout », s’inquiètet-il. Avant de souligner « Nous avonsfait appel, pour assurer notre défense (au très médiatique) Maître Gilbert Collard ». « C’est notre avocat depuis une quinzaine de jours », annonce Richard Kerwich.Oui, les forains sont à cran. Et c’est la profession tout entière qui se mobilise.
Une cause nationale
« Nous nous sommes déjà rassemblés à Paris au mois de mai. Nous étions tous à cette manifestation », raconte Richard Kerwich pour mettre l’accent sur la solidarité exceptionnelle dans le métier. Il exhibe ensuite un communiqué de soutien de Marcel Campion, le représentant des forains au niveau national. Celui-ci atteste que « tous les artisans de la fête de la France entière soutiennent l’action des forains ». Rappelant au passage, qu’en France, il n’y a pas moins de « 35.000 entreprises foraines qui génèrent 200.000 emplois ». Marcel Campion écrit aussi que « certains aménagements de bruits et d’horaires peuvent être décidés en concertation avec les élus. Mais certainement pas la fin de nos foires et fêtes traditionnelles ».
Nous sommes des commerçants comme les autres
« Nous faisons partie du patrimoine culturel. Nous pensons vraiment que notre présence est légitime », renchérit Richard Kerwich. Et d’ajouter : « Onn’est pas des bandits, on n’est pas des voyous ». Un autre forain intervient : « Nous sommes des commerçants comme les autres. Nous sommes inscrits au registre du commerce, nous payons de charges, nous ne demandons aucune aide et nous avons nos cartes d’électeurs » !
Pour un troisième « artisan de la fête », les priver de s’installer dans une ville revient tout bonnement à « accorder aux gens le droit de manger ou non ».
In fine, les forains à Sanary pensent qu’il est tout à fait envisageable de trouver un compromis entre parking et foire, durant les cinq jours de La fête de la Saint-Nazaire. Ils considèrent que « les raisons de sécurités » invoquées dans l’arrête municipal interdisant l’accès au site ne sont pas justifiées. Ils affirment que les installations sont aux normes et que le passage de sécurité des véhicules de secours n’est pas entravé de leur fait.
Aucune tension n’était perceptible vendredi, du côté du bataillon de CR S qui surveillent l’entrée de la ville et de la fête.
Manifestement, il ne leur appartenait pas, avant-hier soir d’intervenir auprès du public.
Laurence Artaud, La Marseillaise, dimanche 30 juillet 2006
« Provocation » selon l’UNSA Police
« Saisir le ministre de l’intérieur afin de déclencher une enquête en recherche de responsabilité avec, éventuellement, une demande de sanctions, est une véritable provocation », estime l’Union nationale des syndicats autonomes Police, qui « déplore une fois de plus le comportement » de Ferdinand Bernhard. Selon l’UNSA, « en effectuant une telle démarche, le maire de Sanary désigne nommément la police nationale comme responsable de la dégradation de cette situation. [...] Nous lui rappelons simplement que, s’il est fâché avec les forains, il s’est aussi fâché avec le préfet et, manifestement, aujourd’hui, il semble aussi vouloir se fâcher avec les représentants de la police nationale ».
Nous sommes allés avec des amis à la fête foraine hier [vendredi] au soir vers minuit.Il y avait peu de monde, mais des jeunes gens et des familles qui participaient aux jeux trés tranquillement.Le maire de Sanary avait déclaré dans la presse que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Le soir même six cars de police stationnaient à l’entrée de Sanary cherchant désespérément le fauteur de trouble à l’ordre public.La démonstration est faite, un Maire qui s’attaque à l’outil de travail des forains et qui veut les discréditer auprés d’un public populaire qui est fidèle aux fêtes foraines depuis tant d’années...
Annick Maurieras - Six-Fours
Monsieur le Maire,
Je me permets de vous écrire car je crois, si je m’en réfère à vos propos récents concernant votre ville, que vous êtes un humaniste et un homme de culture.
Je ne vous apprendrai rien, par conséquent, si je vous rappelle que les forains existaient au Moyen-Âge. Vous savez certainement qu’au XVIIème siècle les nombreuses foires qui se déroulaient dans de nombreuses villes et villages de France accueillaient des forains. Ils étaient les acteurs de la Fête. Ils en étaient parfois les modestes héros. Partout, ils étaient accueillis avec bonheur.
Dois-je vous rappeler que les forains sont des gens du voyage, des artistes de cirque, des bonimenteurs, des acrobates, des clowns, des dompteurs. Ils sont aussi les seuls commerçants qui font rêver quand on achète dans leurs baraques foraines.
Vous vous souvenez, je n’en doute pas, que Molière, à ses débuts, fut un forain, que Marivaux écrivit pour le théâtre de foire, et que certaines de ses pièces furent jouées au milieu des forains.
Peut-être avez-vous lu « Les Misérables » de Victor Hugo ? Il y parle des forains.
Si vous êtes amateur de ballet, vous avez vu le ballet de Henri Sauguet, « Les Forains », chorégraphie de Roland Petit.
Sinon, vous avez entendu la chanson de Piaf, dont la musique est du même Henri Sauguet et dont je vous cite le premier couplet écrit par mon ami disparu, Jean Dréjac :
Ils ont troué la nuit
D’un éclair de paillettes d’argent.
Ils vont tuer l’ennui
Pour un soir dans la tête des gens.
A danser sur un fil, à marcher sur les mains,
Ils vont faire des tours à se briser les reins,
Les forains...En un mot je tenais à vous dire que je m’associais totalement à la démarche des forains qui veulent s’installer dans votre ville. En leur refusant ce droit ancestral vous leur refusez de gagner leur vie comme leurs anciens l’ont fait au cours des siècles grâce à la générosité des édiles et du public.
Je suis attristé, Monsieur le Maire, par votre décision. Je me réjouis de celle des forains. Je ne vais pas manquer de leur faire part de mon soutien.
Croyez, Monsieur le Maire, en mon absence, peut-être momentanée, de considération
Jacques Vigoureux - Paris
Dernière minute : à Sanary, les forains mettent fin à la fête
Après avoir bravé les barrières de béton, les arrêtés d’interdiction, les voitures de police sur leur chemin, les forains, arrivés mercredi en force et installés sans autorisation sur le parking de l’esplanade, à Sanary, ont finalement choisi de renoncer devant une ultime décision de justice.
« On s’incline » confiait l’un d’eux, Raldo Hubert,
tout en estimant avoir emporté « une victoire symbolique » avec ces quatre soirées de fête tenues contre la volonté du maire. Hier en fin d’après-midi, saisi en référé
par la commune, le tribunal de Toulon a en effet ordonné aux forains de quitter les lieux dans les douze heures [...]. Après maintes discussions animées, dans une ambiance confuse et résignée, les forains ont donc finalement décidé de quitter les lieux.
Pour autant, les lumières ne se sont pas éteintes tout de suite et les manèges ont poursuivi leur ronde folle pour une soirée encore. Les forains ont calculé qu’avec de la volonté et beaucoup de sueur, ils pouvaient s’offrir un dernier tour de piste. Ils devaient donc démonter leurs installations pendant la nuit et quitter le parking au petit matin pour éviter d’être pris en défaut, le jugement leur a été signifié par voie d’huissier à 20 heures précises : ils doivent donc être partis avant 8 heures ce matin.
Le maire de Sanary, Ferdinand Bernhard (UDF), conscient de l’avantage tiré de ce référé, savourait déjà sa victoire, quelques heures plus tôt, dans les couloirs du palais de justice :« C’est une grande satisfaction de voir que, chaque fois, les tribunaux nous confortent dons nos décisions ». L’arrêté interdisant la fête foraine, en son temps contesté, avait déjà été confirmé par le tribunal administratif.
Dès la décision rendue, le maire de Sanary s’en est ainsi pris au préfet, Pierre Dartout, fustigeant la « défaillance des services de l’État » et regrettant de devoir recourir à la justice pour « faire appliquer un arrêté qu’il appartient au préfet de faire respecter ».
La décision des forains évitera donc à la polémique de s’étendre encore. Surtout que dans la journée, le syndicat de police SGP-FO avait vivement dénoncé cette inextricable situation et regretté la mobilisation « des policiers du corps urbain » pour des « missions
de surveillance qui ne sont plus nécessaires », la fête étant lancée.
De leur côté, déçus mais toujours décidés à se faire entendre, les forains ont répété qu’ils voulaient « être traités comme les autres commerçants », confortés par le public venu nombreux faire un tour de manège sur l’esplanade. « Ça fait mal au coeur de devoir partir, mais on a le sentiment d’avoir la population avec nous » expliquait l’un d’eux. Même avant de penser à Sanary l’année prochaine, date qui pour certains représente une partie importante de leur chiffre d’affaires, les forains devront s’armer de ce soutien populaire. Car pas très loin d’ici, à La Ciotat, où certains doivent se rendre désormais, il se pourrait bien que la situation se répète et que le maire ne souhaite pas les accueillir
L. R. avec PH. C., Var-Matin, le 1er août 2006