à La Garde, il est déconseillé de parler aux journalistes


article de la rubrique Toulon, le Var > villes du Var
date de publication : jeudi 18 mai 2006
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Après avoir été gérée par des maires communistes pendant 43 ans, la municipalité de La Garde est gouvernée depuis 2001 par Jean-Louis Masson.

Le comportement de cet ancien colonel de gendarmerie semble toujours marqué par un anticommunisme "primaire". Mais, depuis un an, l’atmosphère à la mairie devient de plus en plus lourde, et les incidents se multiplient. Beaucoup déplorent une « personnalisation trop forte du pouvoir ».
Les quelques échos que vous pourrez lire ci-dessous illustrent cette dégradation [1].


Nous commencerons par le conseil municipal du 19 septembre 2005.

Ce jour-là, Denise Chanvert, conseillère municipale de la majorité, demande le retrait de deux délibérations autorisant la commune à acquérir des parcelles de forêts pour l’euro symbolique, en échange du reclassement des terrains restant propriétés des vendeurs. Ce reclassement interviendrait à l’occasion de la prochaine révision du PLU. « C’est mettre la charrue avant les boeufs » remarque l’élue, « l’enquête publique sur le PLU n’est même pas terminée. »

La réponse du rapporteur, Jacques Vankerrebrouck, est restée dans la mémoire des Gardéens : « en ce qui vous concerne, je me suis toujours demandé s’il n’y avait pas eu une erreur de casting. »

Denise Chanvert n’a pas tardé à prendre sa décision : fin octobre, elle démissionne du conseil municipal.

Le 25 septembre 2005, le conseiller municipal Alain Revelli annonce dans Var-Matin sa démission de la présidence des Amis de Jean-Louis Masson. Le fidèle compagnon des batailles pour les élections municipales de 2001, le directeur de la « difficile campagne » pour les cantonales de 2004 avoue « ne plus se sentir en osmose depuis des mois avec le maire ». Sa décision est dictée par son « profond désaccord vis-à-vis des engagements non respectés par le maire envers tous ceux qui le soutiennent. »

« Ma déception est grande, poursuit Alain Revelli, elle est à la hauteur des attentes et des ambitions que nous avions clairement formulées en créant cette association de soutien à celui qui se devait d’être le plus apte à impulser une politique juste, ambitieuse et humaniste. Cette politique se voulait respectueuse des attentes de la population, des engagements de ses militants, et surtout, de l’éthique que tous ses colistiers s’étaient imposés. »

Dès le lendemain, navré et « déçu » par le procédé utilisé
par Alain Revelli qui « a préféré s’exprimer dans la presse plutôt que de venir s’expliquer avec [lui] », le maire suspend toutes les délégations de fonction et de signature de l’effronté : « La position d’Alain Revelli n’est malheureusement pas défendable. On le déplore tous, on le regrette au vu des combats politiques menés ensemble. Mais son attitude a été unanimement condamnée. Personne ne s’est donc opposé à sa suspension »

Après Alain Revelli, c’est au tour de Gérard Lecanu, ancien chauffeur du maire, de se confier à Var-Matin. Avant-bras à la Popeye, cheveux ras, Gérard Lecanu ne dédaigne pas la castagne. « C’est pour ça qu’on m’a pris » assure-t-il. Et de rappeler un épisode des municipales 2001 : « le soir même des élections municipales, avec trois cervicales en l’air après une bagarre avec le camp adverse, j’ai quand même été dormir chez le maire pour assurer sa sécurité. »

Tombé en disgrâce, le voila muté. « De toute façon, déclare-t-il à Var-Matin, j’avais demandé à ne plus l’être [chauffeur]. J’en avais marre des sautes d’humeur du maire. » Mais il ne digère pas sa mutation : « C’est une sanction. Je suis écoeuré. »

Ces déclarations lui valent de comparaître devant un conseil de discipline.

Une mise à pied de trois mois, sans rémunération, pour « avoir fait état dans les colonnes du journal Var-matin du 11 octobre 2005 (...) de sa rancoeur à l’encontre » du maire de La Garde et d’avoir « manqué à son obligation de réserve dans des conditions de nature à nuire à l’image et à porter préjudice au premier magistrat de la ville » (décision en date du 2 mars 2006).

Pour Jean-Louis Masson, « c’est un problème purement administratif. Je ne connais ça que de loin, si ce n’est que j’ai dû accepter de voir Gérard Lecanu affecté dans un autre service. »

Dans le journal municipal "La Garde Hebdo", n° 845, du 15 mai 2006.

Pour dénoncer cette sanction, sa compagne, Christine Zachiri, employée au service population de la mairie de La Garde, entame une grève de la faim à son poste de travail dans les locaux de la mairie [2].

S’abritant derrière la décision du conseil de discipline - « une instance paritaire à laquelle je ne siège pas et dont je n’ai fait que suivre l’avis » - Jean-Louis Masson reste serein : « Il est bien dommage d’en arriver là. Ça ne m’amuse pas, mais je suis désolé, chacun doit prendre ses responsabilités ».

Vendredi 12 mai 2006, le maire organise une conférence de presse. Mais il en interdit l’accès à une journaliste de La Marseillaise au motif que ce journal « n’est pas un journal d’information, mais un journal d’opinion » [3].

Jean-Louis Masson estime alors qu’il peut partir en vacances, l’esprit tranquille.

Mais, dès le samedi 13 mai, la mairie est le cadre d’une violente algarade.

Venus prendre des nouvelles de Christine Zachiri, deux élus gardéens, Joël Canapa (PC) et Alain Revelli, se voient refuser l’accès à la mairie (sur consigne de la direction générale des services, d’après Var-Matin). Informé de la situation, Jacques Julien, chef du service gardiennage dans lequel Gérard Lecanu a été muté, juge discutable d’interdire à des élus l’accès à la mairie - il le fait savoir à sa hiérarchie. Il est alors violemment pris à partie par trois "hauts fonctionnaires" municipaux [4]. Il faudra l’intervention de la police municipale pour séparer Richard Bill et Jacques Julien qui en sont venus aux mains.

Depuis lors, trois plaintes ont été déposées au commissariat de La Garde, deux par Richard Bill et Jacques Julien, chacun certifiant avoir été agressé le premier, et la troisième par des élus d’opposition, Joël Canapa et Mireille Chabot (PS), qui estiment avoir été « empêchés d’exercer leur mandat » [5]

Mardi 16 mai, une autre élue de la majorité, Catherine Serafim, conseillère municipale déléguée au commerce et à l’artisanat, se démarque du maire [6].

Contestant les relations que le maire et ses proches entretiennent avec l’opposition et une partie des fonctionnaires, elle se dit « attristée par la situation » et par le climat explosif qui règne en mairie. Elle estime « inadmissible d’interdire la mairie à des élus, qu’ils soient d’un bord ou l’autre ».

L’histoire n’est pas finie. Mais on peut d’ores et déjà observer que Jean-Louis Masson n’a pas apporté la sérénité promise lors de sa campagne de 2001. Quant aux droits de l’Homme qu’il invoque si souvent, ils sont très loin d’être respectés comme ils le devraient.

Notes

[1Les informations sont reprises de Var-Matin dans ses éditions des 20, 25 et 29 septembre 2005, 11 et 25 octobre 2005, puis les 12, 16 et 17 mai 2006.

[2Au bout de quelques jours, Christine Zachiri, victime d’un malaise, a dû être hospitalisée. Lundi 15 mai, elle décide de mettre un terme à l’action qu’elle avait entamée le 9 mai.

[3La section de Toulon de la LDH a publié un communiqué à cette occasion : breve 498.

[4Richard Bill, directeur de cabinet du maire, Olivier Margouet, directeur général des services, et son adjoint, Geoffroy Greff.

[5Le
lendemain, un autre élu de la majorité, Jacques Vankerrebrouck, s’est d’ailleurs lui aussi vu refuser l’entrée de la mairie.

[6Ses déclarations ayant été reprises dans la presse, on peut légitimement s’inquiéter pour son avenir politique au sein de la municipalité de La Garde.


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