Lors de sa réunion mensuelle du 6 mars 2006, le bureau de la section de Toulon de la LDH a adopté la déclaration suivante.
Depuis de nombreuses années la section LDH de Toulon tente, comme d’autres associations, de contribuer au rapprochement des populations des deux rives de la Méditerranée qui vivent dans notre agglomération. Cette situation est l’héritage d’une longue histoire, et notamment de la place importante qu’a tenue Toulon dans l’histoire coloniale depuis la première moitié du XIXe siècle.
Il nous est apparu peu à peu que la mémoire et l’histoire de cette colonisation étaient au coeur des difficultés pour établir un dialogue.
A partir de là, notre souci a été d’aborder la question de deux façons complémentaires :
Afin de parvenir à faire entendre la parole de l’histoire, il fallait s’occuper de toutes ces mémoires en deuil. Il le faut encore aujourd’hui. Il faut écouter, comprendre. C’est le chemin à suivre pour réparer les injustices et apaiser les malentendus. Toutes les mémoires sont légitimes, car ces mémoires sont d’abord des vies et l’on ne peut nier la vie sans commettre le pire des crimes.
Ce travail est long. Réconcilier la mémoire et l’histoire est une œuvre de longue haleine. Il a fallu cinquante ans pour y parvenir au sujet de l’occupation et de la collaboration. C’est au président de la République qu’il appartint de le dire, en 1995. La société était prête.
Aujourd’hui, sur la question coloniale, la société en France n’est sans doute pas aussi prête. Mais ces temps approchent. Et c’est sans doute par crainte de cela que des minorités d’activistes ont réussi à convaincre des parlementaires de faire adopter la désormais fameuse loi du 23 Février 2005 dont l’objectif est d’empêcher la poursuite du travail de mémoire sur la période coloniale. Ils ont choisi le terrain de la malhonnêteté intellectuelle et de la démagogie en introduisant dans l’histoire ce qui la corrompt par-dessus tout : les jugements de valeurs. En instituant une colonisation positive, ils ont contribué à rouvrir des plaies, radicalisé des attitudes politiques, brouillé le dialogue qui commençait à se développer entre les différents acteurs concernés par la colonisation. En cela, ils ont porté atteinte à l’une des valeurs fondamentales de la démocratie.
Mais en voulant créer une histoire officielle indigne ils ont également suscité un débat auquel nous avons activement participé depuis un an. Ce débat est devenu un enjeu national, parce qu’il touche chacun d’entre nous dans sa vision du monde et des autres. Depuis, l’article le plus controversé de cette loi du 23 février 2005 a été supprimé par volonté du chef de l’Etat, sous la pression de l’opinion publique et d’une partie de la classe politique. Mais le reste de la loi demeure, notamment le projet d’une fondation qui recueillera les sources de la période coloniale et pourra ainsi dire une histoire officielle. Il faut également regretter le zèle de certains éditeurs et auteurs de manuels d’histoire de collège qui ont déjà modifié leur chapitre sur la colonisation pour en montrer les aspects positifs.
Nous devons pourtant sortir d’une impasse qui fait des Français des malades de leur passé colonial. Il n’y aura pas d’autre issue que d’assumer ce passé. Ne retardons pas cette échéance par ignorance, par électoralisme, ou nostalgie. Quarante ans après il ne devrait plus être impossible d’affirmer que
C’est ce travail sur nos mémoires qui nous permettra de remettre à l’endroit le sens profond de nos valeurs républicaines et d’appliquer l’égalité des droits.
Toulon, le 6 mars 2006 (corrigé le 10 mars)