On connaît l’utilisation électoraliste de la thématique de l’immigration à laquelle s’est livré Nicolas Sarkozy afin de s’approprier l’électorat d’extrême droite. On connaît moins les drames humains que cette politique démagogique provoque.
Sur le terrain, les associations essaient de faire face. Il faut saluer la qualité de leur travail qui permet, dans une certaine mesure, d’atténuer les souffrances humaines.
D’après ses déclarations, le préfet du Var applique la loi sans « états d’âme », en particulier quand il gère les « retours humanitaires » de Roms en Roumanie — ce qui lui permet d’augmenter son « chiffre » de reconduites à la frontière. Quant au côté « humanitaire » de ces retours, si l’on en croit la presse, il semble être laissé au Sichem.
A l’occasion du Nouvel An, le nouveau préfet du Var est revenu sur ses cinq premiers mois d’exercice dans le département.
Voici ce qu’on pouvait lire dans l’édition du 25 janvier suivant du même journal.
17 Roumains squatters interpellés à Toulon
J.-M. C., Var-Matin, le 25 janvier 2008A l’occasion d’une opération effectuée par la brigade des étrangers (sûreté
départementale), dix-sept Roumains dont deux enfants ont été interpellés mercredi
soir, rue Daumas.Depuis plusieurs semaines, ces familles squattaient le 1er étage d’un immeuble inoccupé. Surtout, ainsi qu’ont pu le constater les policiers, les occupants se fournissaient en électricité dans des conditions frauduleuses et extrêmement risquées puisqu’ils avaient dénudé un câble d’éclairage public pour alimenter leurs propres équipements. Un bricolage propice au déclenchement des incendies, du genre des deux sinistres qui ont eu lieu ces derniers mois dans le même secteur... Entendus pendant une bonne partie de la nuit, avec l’assistance d’un interprète, les squatters - tous sont en situation régulière (*) - ont été laissés en liberté mais devront venir devant le tribunal correctionnel - le 23 juillet prochain, pour y répondre de « vol en réunion », pour le courant électrique, et de « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ».
Dans la journée d’hier, l’immeuble (relevant d’un syndic immobilier d’Aix-en-Provence) a été muré.J.- M. C.(*) Parmi eux pourraient se trouver des hommes qui avaient accepté de rentrer en Roumanie, l’année dernière, en échange d’un pécule attribué par l’Etat...
Et quelques jours plus tard, les 17 sont devenus 24...
Prime au départ pour vingt-quatre Roms
M. V., Var-Matin, le 30 janvier 2008Les Roms squatters recueillis dans les paroisses : les associations caritatives ont hébergé le groupe dans des églises avant que vingt-quatre ressortissants repartent en Roumanie.
Des enfants qui courent entre les matelas, les couvertures et les sacs, volumineux. Des hommes, jeunes pour la plupart, trois femmes, dont deux enceintes. Le groupe de dix-neuf Roms, interpellés mercredi dernier dans un squatt du centre-ville, a trouvé refuge in extremis ce week-end dans des salles paroissiales de Toulon, Saint-Vincent de Paul à Montéty et Saint-Cyprien à Saint-Jean du Var.
Avant d’être reconduits à la frontière dans la nuit de lundi à mardi, jusqu’à Craiova, leur ville d’origine en Roumanie méridionale, en car, en train et en avion spécialement affrété via Paris et Bucarest.
Prime au départ
Le retour a été accepté au total par vingt-quatre personnes, qui toucheront une prime de 300 euros de l’ANAEM, Agence nationale d’accueil des étrangers et migrants. Prime qui n’est versée qu’une fois, précise la Préfecture.
Dans leur pays, ces représentants de la plus importante minorité ethnique d’Europe retrouveront la pauvreté et l’exclusion sociale qu’ils avaient fuies.
Pour les Roms, ethnie historiquement rejetée malgré sa riche culture, trouver un toit commun est la première des demandes. Vivant dans des groupes protecteurs, ils ne sont pas aisément intégrables dans des structures d’hébergement. Le groupe des Roms renvoyé hier a vécu dehors durant plus de six mois dans un jardin du parc des
Lices, avec des enfants de 5 et 7 ans. Un autre groupe vit à Lagoubran. Beaucoup de Roms installés dans le Sud ont fui l’Italie.« Pour mes fils »
Oana, 26 ans, mère des deux garçons, était venue à Toulon « pour travailler ». Elle a fait la manche, nettoyé des pare-brises, souffert du froid. La jeune femme a bénéficié de nuits d’hôtel tant qu’elle était enceinte, puis plus rien. Elle va retrouver son mari, malade, rentré en Roumanie en décembre. Elle a pris le risque de partir de chez elle « pour donner un avenir à ses fils ».
Elle espère revenir en France. Oana est la seule à parler français : « Je remercie l’Eglise catholique de nous avoir accueillis et nourris ces jours-ci », dit-elle avec un grand sourire.
A la demande de la DDASS, cet accueil effectué en urgence par plusieurs associations caritatives, l’Union diaconale du Var, le Secours Catholique, Promosoins, les Amis de Jéricho, s’est bien déroulé mais n’a pas été simple.
Lundi, c’est à une trentaine de Roms au total que le Père Jean-Marc Laîné offrait le gîte et le couvert à la « table ouverte » de sa paroisse à Montéty, avec l’aide de bénévoles du Samu social.
Pour un adieu digne et festif.
M. V.
Les Roms roumains ou bulgares subissent en France les conséquences de l’objectif chiffré de reconduites à la frontière (25 000 personnes en 2008, comme en 2007). Mais, depuis qu’ils sont devenus ressortissants européens le 1er janvier 2007, les Roumains et les Bulgares sont moins facilement expulsables que par le passé. Une nouvelle pratique a donc été mise en place à l’intention des Roms originaires de ces pays : le « retour humanitaire », justifié par un « état de dénuement » ou « une situation irrégulière », selon la circulaire du 7 décembre 2006 (voir l’article d’Anne Rodier consacré aux “retours humanitaires” forcés des Roms). L’Etat y met le prix, avec une prime à la reconduite de 300 euros par personne. En 2007, le nombre de ces retours rémunérés se serait élevé à 4 600 [1], mais cela n’a pourtant pas permis à Brice Hortefeux d’atteindre le chiffre qui lui avait été assigné...
Le SICHEM
En 2001, le Secours Catholique du Var et l’UDV (Union Diaconale du Var), souhaitant mutualiser leurs efforts, leurs savoir-faire et leurs réseaux afin d’être plus efficaces dans l’accueil des personnes arrivant en France, créent le réseau SICHEM (Service Inter associatifs de Coopération Humanitaire pour les Etrangers et les Migrants). Le 5 juillet 2005, le Sichem devient une association de la loi 1901, avec des membres de droit (le Secours Catholique, l’UDV, les Amis de Jéricho, le Samu-Social, Promo-Soins, le CAAA, la Cimade, la Pastorale des migrants). [2]
Récemment l’association Sichem a reçu un mandat des services de l’Etat pour s’occuper plus spécifiquement de la population Rom. Cette nouvelle mission « doit aboutir à la réalisation d’un état des lieux sur la population Rom et les structures impliquées dans sa prise en charge. Sichem est appelé à devenir une plateforme pour harmoniser les énergies et accompagner les personnes de manière plus cohérente, plus humaine et plus efficace. Dans cet objectif, une importante mission de médiation est en cours de construction sur les sites de Fréjus et de Toulon, en partenariat avec les acteurs déjà bien implantés localement (particulièrement le Secours catholique et plusieurs associations membres de l’UDV) et en développant de nouveaux partenariats associatifs ou institutionnels. » [3]
« Sichem, en partenariat avec Caritas Roumanie, la Fondation abbé Pierre, le CCFD et le Collectif Romeurope, se donne pour objectif d’établir le plus de contacts possibles avec la Roumanie pour, petit à petit, transformer le rapatriement de population en véritable accompagnement des personnes et des familles jusqu’à leur reconstruction et leur réintégration sur place. Quant à ceux qui ne souhaitent pas retourner en Roumanie, c’est alors un autre travail d’accompagnement qui leur sera proposé pour trouver avec chacun les bonnes solutions d’insertion. » [4]
[1] D’après le Canard enchaîné du 23 janvier.
[2] Référence : http://www.aviso-solidarite.net/avi....
[3] Référence : http://udv.free.fr/iota/voir.php?ed....
[4] Id.