Après avoir trouvé un terrain pour les forains à La Seyne, le préfet du Var a décidé de saisir le tribunal administratif sur la légalité de l’arrêté pris par Ferdinand Bernhard interdisant les fêtes foraines dans sa commune. Huit mois plus tard, le tribunal administratif devait donner raison au maire.
Dernier développement : le 29 juillet 2006, à Sanary, après la fête, les forains s’en vont.
[Première publication, le 30 juillet 2005,
mise à jour, le 29 juillet 2006.]
La fête foraine interdite à Sanary débutera finalement ce soir [30 juillet 2005] à La Seyne. A la demande du préfet du Var, la majorité des forains a en effet accepté de s’installer aux Sablettes, sur un terrain appartenant à l’État, en bord de mer.
Les CRS ont donc quitté Sanary, où ils étaient mobilisés depuis mercredi en raison des "risques de trouble à l’ordre public" [1].
"Une méthode curieuse"
"Je trouve la méthode de ce maire un peu curieuse, voire extravagante", a déclaré hier le préfet Pierre Dartout, qui a annoncé son intention de déférer au tribunal administratif l’arrêté municipal pris en
mai dernier interdisant les fêtes foraines à Sanary. Il s’interroge en effet sur la légalité de cet arrêté, l’interdiction d’une fête traditionnelle lui paraissant "disproportionnée" par rapport aux motifs invoqués (les problèmes de stationnement).
Pierre Dartout considère être "sorti de cette crise la tête haute", mais regrette d’avoir "perdu beaucoup de temps", notamment en "heures de policiers, utilisés à Sanary alors qu’ils auraient été beaucoup plus utiles ailleurs dans le département, pour lutter contre la délinquance". [...]
L’"effort" des forains
Même si le terrain des Sablettes n’est « pas approprié », selon les forains, une majorité d’entre eux a toutefois accepté de s’y installer. "La préfecture a fait un effort, donc nous faisons aussi un effort", explique Raldo Hubert, qui a participé à la négociation. "On va essayer de gagner un peu notre vie ce week-end, mais en général les fêtes désaxées ne marchent pas. D’autant plus qu’il n’y a eu aucune publicité et qu’il n’y a plus de fête ici depuis dix ans".
La crise sanaryenne est-elle vraiment terminée ?
"Je le voudrais bien, répond Ferdinand Bernhard, mais je n’en suis pas sûr, notamment parce que tous les forains n’ont pas trouvé leur place aux Sablettes." Le premier magistrat a donc décidé de
maintenir le dispositif de protection de l’Esplanade en place depuis la semaine dernière (barricades de béton ...) et il poursuit ses occupations nocturnes du site de l’Esplanade.
Certains forains annoncent d’ailleurs qu’ils n’ont pas encore renoncé à la fête de Sanary. "Le
maire a gagné le week-end, mais pas la bataille. On a toute la saison estivale pour venir gagner notre vie à Sanary..."
[d’après Anne TEZIER - Nice-Matin, 30 juillet 2005]
Quelles que soient les motivations de Ferdinand Bernhard, il n’en demeure pas moins que, de plus en plus souvent, les forains sont confrontés au refus des municipalités de les accueillir ou à leur volonté de les éloigner des centres villes.
De plus en plus souvent malvenus
À Antibes à l’automne dernier, les forains avaient refusé de se déplacer vers un endroit jugé « commercialement inexploitable ». La ville mettait en avant les problèmes de circulation pour déplacer le lieu de la fête.
Plus récemment, à Toulon début avril, les forains ont investi le parking des plages du Mourillon malgré l’interdiction de la ville. Condamnés à verser une astreinte, ils ont abandonné la partie en annonçant la mort de la fête foraine à Toulon. La ville proposait de les déplacer à Sainte-Musse, un site, une fois de plus, jugé inexploitable.
À Carpentras, puis à Allauch dernièrement, les forains ont été malvenus. Dans cette dernière ville, des incidents ont même eu lieu.
"Ce n’est plus possible, s’indigne MarieLise Truqui. On ne peut pas priver les gens de travail. C’est partout pareil et les pouvoirs publics se renvoient la balle. Le problème, c’est que nous n’avons pas de ministre de tutelle, pas de loi ou de texte qui protègent notre activité."
Caroline Martinat [Nice-Matin, 1er juillet 2005]
Le 25 mars 2006, on pouvait lire dans Var-Matin :
FORAINS À SANARY : Le tribunal approuve le maire
Huit mois après le bras de fer qui avait opposé le maire de Sanary Ferdinand Bernhard aux forains, le tribunal administratif vient de rejeter le déféré du préfet du Var. Au lendemain de la crise qui avait nécessité l’été dernier l’envoi d’une compagnie de CRS dans le petit port ouest-varois, Pierre Dartout avait demandé l’annulation de l’arrêté municipal du 11 mai 2005 interdisant les festivités de la SaintPierre et de la Saint-Nazaire. Le préfet s’interrogeait en effet sur la légalité de cet arrêté, l’interdiction d’une fête traditionnelle lui, paraissant « disproportionnée » par rapport aux motifs invoqués, c’est-à-dire les problèmes de circulation et de stationnement dans la commune en période estivale. Or le tribunal a considéré que « ces motifs, tirés de l’ordre public et de la meilleure utilisation du domaine public, étaient de nature à justifier légalement l’interdiction municipale ». De surcroît, l’arrêté ne portant que sur deux fêtes foraines d’une durée de quatre et cinq jours, « il ne saurait être regardé comme présentant le caractère d’une interdiction générale et absolue portant gravement atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie ».
Maître Rivolet, qui défendait la commune, s’est félicité de constater que « tous les moyens soulevés par le préfet ont été balayés de façon sévère par le tribunal administratif ». Selon lui, ce jugement prouve que « le maire de Sanary prend des arrêtés en conscience des règles de droit, non pas sur un coup de tête mais dans l’intérêt de la commune ».
Pierre Dartout, à qui il n’appartient pas de commenter une décision de justice, a fait savoir que « les services de la préfecture examinent actuellement la possibilité de faire appel » [2].
A. T.
[1] Le syndicat UNSA-Police a dénoncé "l’utilisation outrancière de la police nationale" dans le litige qui a opposé la municipalité de Sanary aux forains. "Rien ne justifiait la présence d’une compagnie de CRS, de différents effectifs de Toulon dont la section d’intervention, la FMU, et bien sûr les effectifs du commissariat de Sanary". "Cela a eu pour conséquence qu’à Toulon, un certain nombre de missions n’ont pu être assurées.[ ...] On peut s’étonner également de la facilité déconcertante à obtenir un tel renfort d’effectifs. [...] Il s’agit là d’une véritable prouesse de la mairie qu’il convient de souligner. [...] C’est parce que nous souhaitons que la Police nationale reste un service public et qu’elle ne devienne pas une garde prétorienne que nous sommes attentifs à ce genre de situation."
[2] Aux dernière nouvelles, la préfecture aurait fait appel.
[3] Edith Piaf - Paroles : Jean Dréjac. Musique : H.Sauguet 1955.