Pierre-Alain Mannoni a besoin de votre aide...


article de la rubrique les étrangers > les étrangers sont des hommes
date de publication : vendredi 6 octobre 2017
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Le verdict est tombé : Pierre-Alain ira en cassation, il a encore besoin de votre aide... [1] - Pour en savoir plus : A quelques jours du verdict, le 11 septembre à Aix, Pierre-Alain Mannoni revenait sur son procès et sur la situation en France (06/09/2017 [2]



Pierre-Alain : "Ce que m’apporte votre soutien est un cadeau que je n’aurais jamais imaginé.
Je reste convaincu d’avoir fait ce qu’il fallait humainement faire et en plus, d’avoir agi selon les principes que la France et sa loi défendent. Mais finalement lors de l’audience en appel le 26 juin à Aix en Provence, la cour a très peu considéré les faits et s’est surtout attaché à me faire dire que j’étais militant. (...) [3]

Mon geste n’est ni politique, ni militant, il est simplement humain (...) pour que l’histoire ne se répète plus, nous devons valoriser la solidarité et éduquer nos enfants par l’exemple". (Pierre-Alain Mannoni)

Il a encore besoin de votre aide [4]

POUR MEMOIRE :

Pierre-Alain Mannoni, enseignant-chercheur à la faculté de Nice Sophia Antipolis, avait été interpellé en octobre 2016 à la Turbie avec dans sa voiture trois Erythréennes dont une mineure. 3 mois de prison avec sursis ont été requis par l’avocat général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence contre lui.

Il a comparu devant le tribunal correctionnel de Nice le 23 novembre 2016 pour aide au séjour et aide à la circulation d’immigrés clandestins. Il encourrait jusqu’à 5 ans de réclusion et 30.000 euros d’amende mais il a été relaxé contre l’avis du procureur, qui avait requis 6 mois de prison avec sursis. Le parquet avait fait appel.

Pierre-Alain Mannoni s’est exprimé à plusieurs reprises sur le geste d’humanité qui l’amène au tribunal :

"J’ai 45 ans et 2 enfants. Je suis fonctionnaire de l’Education Nationale, Ingénieur d’Etude dans un laboratoire de recherche du CNRS / Université Nice Sophia Antipolis et enseignant à la Faculté des Sciences. Je n’étais pas jusqu’à présent militant politique ou associatif.

Dans ma famille on est Corse. J’ai passé toutes mes vacances au village de Pero-Casevecchie dans la maison de mon grand-père, le médecin du canton qui faisait ses visites à cheval. Au village, presque 50 ans après sa mort, les gens en parlent encore car que ce soit en pleine nuit à l’autre bout du canton, que ce soit un bandit blessé ou un paysan qui n’ait pas de quoi payer, il soignait. Dans les récits que me racontait mon père et dans les expériences que j’ai vécu là-bas, j’ai appris et compris qu’on ne laisse pas quelqu’un en danger sur le bord de la route, d’abord parce que c’est la montagne mais aussi parce que c’est une question de dignité. Ou d’honneur comme on dit.
(...)
Le Dimanche 16 octobre en rentrant en voiture de la fête de la brebis à la Brigue avec ma fille de 12 ans, nous avons secourus 4 jeunes du Darfour. La Brigue est un village français dans la vallée de la Roya qui est frontalière de Vintimille en Italie. C’est dans cette vallée que sont régulièrement secourus hommes mais surtout femmes et enfants qui se trouvent sur ces routes de montagnes et qu’on appelle migrants. Ces 4 jeunes étaient complètement perdus et se dirigeaient à pied, certains en bermuda, vers les montagnes enneigées. Alors que nous rendions à la fête, nous nous sommes arrétés et leur avons proposé de nous attendre sur le bas coté de la route. Au retour de la fête, nous les avons ramené à Nice, ils ont mangés et dormi avec nous dans mon appartement de 40m2. Le lendemain comme tous les jours d’école nous nous sommes levés à 6h15. Ils sont venus avec moi déposer ma fille à l’école puis je les ai déposé dans une petite gare peu surveillée par la police et je leur ai payé un billet de train pour la première partie du trajet. Ils devaient retrouver leur famille à Marseille.

C’était ma première action de secours envers ces “migrants”. Pourquoi je l’ai fait ce jour là ? Jusqu’à présent avec mes enfants j’avais déposé des vêtements à la croix rouge à Vintimille, des chaussures, un sac à dos, pour aider mais aussi pour leur montrer qu’il y a des injustices dans le monde et que chacun de nous peut faire quelque chose... Là c’était la deuxième fois que je voyais un groupe sur le bord de la route. La première fois j’avais hésité, je n’avais pas eu le courage, mais cette fois-ci il y avait ma fille et j’ai pu lui montrer l’exemple.

Le lendemain lundi 17 octobre, après une soirée chez des amis dans cette même vallée, sur le retour vers Nice, je décide de m’arrêter dans ce camp pour migrant à St Dalmas de Tende, un bâtiment désaffecté pour colonies de vacances de la SNCF qui a été ouvert en urgence quelques heures auparavant, sans autorisation, par un collectif d’associations dont la Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty International et un tas d’associations nationales et locales. L’ouverture de ce lieu à fait l’objet d’un communiqué de ces associations dans les médias. Je sais bien que mon retour vers Nice est une opportunité d’en sortir quelques-un de ce lieu sans eau ni électricité et ou la température en pleine nuit ne doit pas dépasser 10 degrés. Je décide d’en ramener chez moi et de les déposer à la gare le lendemain.

Ce sont 3 filles qu’on vient d’aller chercher à l’étage. Elles sont contentes de ma proposition me dit on car elles sont attendues par une association à Marseille pour être soignées. Quand je les vois mon coeur se déchire. Elles ont peur, elles ont froid, elles sont épuisées, elles ont des pansements aux mains, aux jambes, l’une boite en faisant des grimaces de douleurs et l’autres ne peut pas porter son sac avec sa main blessée. J’apprendrais plus tard que l’une d’elles est la cousine de la jeune fille tuée sur l’autoroute vers Menton quelques semaines avant. (...) Il ne faut pas être un génie pour comprendre qu’au long des 6000 km qu’elles ont fait pour arriver jusqu’ici, elles ont fréquenté la mort et le cortège d’horreurs qu’on n’ose imaginer. Je démarre avec à mon bord ces filles dont je dois prendre soin et que je dois amener à bon port. J’éteins la radio, la situation est suffisamment incroyable.

Nous n’arriverons pas à Nice. Au péage de la Turbie les gendarmes nous arrêtent et nous conduisent à la Police de l’Air et des Frontières. Ils m’ont séparé des Érythréennes. Ce n’est pas clair ce qu’ils ont fait d’elles mais je ne crois pas qu’elles aient été soignées. Elles auraient été renvoyées au sud de l’Italie comme ça se fait souvent. Les policiers m’ont dit qu’au moins l’une d’elle était mineure. Je n’ai pas réussi à les protéger.

Après 36h de garde à vue, j’ai été libéré sous contrôle judiciaire. (...)

Le lendemain de ma libération, alors que, coup du sort, je me retrouvais à secourir un accidenté de la route qui se vidait de son sang en bas de chez moi, un “jeune migrant” est mort percuté par une voiture sur l’autoroute à Menton, il a été projeté par dessus le parapet du viaduc et a fait une chute de plusieurs dizaines de mètres. Venu du bout du monde, perdu sur l’autoroute et mort à 20 km de chez moi.

Mon geste n’est ni politique, ni militant, il est simplement humain (...) pour que l’histoire ne se répète plus, nous devons valoriser la solidarité et éduquer nos enfants par l’exemple".

Pierre-Alain Mannoni [5]


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