Face à plusieurs milliers de personnes réunies le 3 mai 2012 au Zénith de Toulon pour son dernier meeting de campagne, Nicolas Sarkozy a prononcé un long discours. Il a pilonné la gauche, qui « abîme » la République par son « laxisme » face au communautarisme, à la délinquance, à l’immigration légale, par sa « dévalorisation du travail » et son refus de l’autorité.
C’est à dessein que le président-candidat avait choisi cette ville pour développer ces thèmes chers à la frange la plus conservatrice de l’électorat : les Toulonnais l’ont à nouveau placé en tête le 22 avril 2012, avec 32,2 % des suffrages, un recul de près de 6 points par rapport à son score du premier tour de la présidentielle de 2007, alors que Marine Le Pen, candidate du FN, avec 23,4 %, en gagnait 10 sur le score de son père lors de ce même scrutin.
Ci-dessous : quelques échos du meeting de Toulon, suivis d’un enregistrement vidéo du discours de Nicolas Sarkozy, et d’un point sur une dérive qui a tendance à se multiplier : l’agression de journalistes par des militants UMP.
Des journalistes de BFM TV pris à partie à la fin du meeting
La journaliste Ruth Elkrief et son collègue Thierry Arnaud, qui couvrent pour BFM TV la campagne de Nicolas Sarkozy, ont été pris à partie par des militants UMP à la fin du meeting de Toulon du président sortant, obligeant la chaîne à interrompre le direct pendant quelques minutes.
"On nous a traités de vendus, de collabos, il y a eu des crachats, quelqu’un disait ’On est de droite et fiers de l’être’", a raconté la journaliste, précisant n’avoir "pas répondu et pas bougé de (son) siège".
"Je n’ai aucun doute sur le fait que ce comportement n’est pas le reflet de la campagne, mais je regrette quand même que les dénonciations à répétition de la presse aux meetings [de l’UMP] puisse produire ces effets", a-t-elle ajouté, précisant que M. Arnaud était régulièrement "molesté, un peu à chaque meeting". Selon la journaliste, l’incident a duré seulement quelques minutes, avant l’intervention du service de sécurité de l’UMP.
A trois jours du second tour, Nicolas Sarkozy a jeté, jeudi 3 mai, à Toulon, ses dernières forces dans la bataille présidentielle en agitant une nouvelle fois la menace des "expériences folles" de la gauche, qu’il a accusée "d’abîmer" et de ne plus "aimer" la République.
Au lendemain d’un débat télévisé rugueux, mais qui ne lui a pas permis de déstabiliser son rival socialiste, toujours favori des sondages, le président sortant a choisi le Var, un fief de la droite et de l’extrême droite qu’il courtise, pour poursuivre son duel avec François Hollande.
Lancée sabre au clair pendant près d’une heure, sa charge fut musclée. Une sorte de bouquet final, un florilège de ses précédents discours de campagne, prononcé devant plusieurs milliers de partisans électrisés et déterminés à ne pas capituler avant le 6 mai.
Premier acte, le président protecteur. Dans la salle où il avait prononcé ses deux fameux discours de Toulon, le premier en 2008, en pleine tourmente financière, et le second en décembre dernier, après le pic de la crise de la zone euro, Nicolas Sarkozy a rappelé son action au service de la France.
"La France n’a pas été emportée comme tant d’autres pays comme un fétu de paille par la crise. Nous avons tenu !" a-t-il résumé. A l’inverse, le candidat de l’UMP a fustigé sous les hourras l’attitude de la gauche qui "s’est opposée à toutes les économies [...] toutes les réformes".
Dans la foulée, deuxième acte, Nicolas Sarkozy a dramatisé l’enjeu du scrutin de dimanche en agitant le chiffon rouge des "expériences folles" que la gauche pourrait, selon lui, mener. "Deux jours de mensonges, et des années pour régler la facture, voilà le projet socialiste !" a-t-il asséné.
Par le menu, le chef de l’Etat a détaillé les menaces qui pèsent à ses yeux sur la République. "Quand l’autorité de toutes les institutions est contestée, quand l’Etat est abaissé, quand les frontières sont effacées, ce n’est pas la République, c’est le système socialiste", a-t-il lancé.
"DIVISER LES FLUX MIGRATOIRES PAR DEUX"
Et de dénoncer la gauche qui "a abîmé la République avec sa démagogie à l’école [...], avec son laxisme face au communautarisme, à la délinquance, à l’immigration illégale". "La gauche, au fond, n’aime plus la République", a-t-il tranché. Avant de railler François Hollande qui "veut bien présider mais ne veut pas gouverner parce que c’est difficile et trop risqué".
Son adversaire mis à bas, Nicolas Sarkozy s’est alors adressé au cœur de son électorat et à celui de Marine Le Pen, qu’il courtise avec assiduité. "Quand on accueille chez soi plus de monde que celui qu’on peut accueillir, alors on les accueille mal et on les intègre mal. Voilà pourquoi je veux diviser les flux migratoires par deux", a-t-il répété.
Dans une région où ils sont nombreux, le président sortant a aussi rendu hommage aux harkis, aux rapatriés d’Algérie et aux Arméniens. "C’est parce qu’ils ont respecté la France que je veux que ceux que la France accueille aujourd’hui la respecte avec la même ferveur." A ses militants gonflés à bloc, Nicolas Sarkozy a lancé un dernier appel à la mobilisation avant le 6 mai.
Avant lui, Bernadette Chirac, accueillie sur scène par le sénateur et maire de Toulon, Hubert Falco, comme "Mme Jacques Chirac", a assuré que "la victoire est désormais possible, elle est à portée de nos mains". Comme à la veille du premier tour, le chef de l’Etat a repris l’image de "l’immense vague", celle qui "va submerger tous ceux qui ne connaissent rien au peuple de France" le 6 mai. "Il reste un jour, un jour pour convaincre, un jour pour la plus belle victoire qui soit, a-t-il conclu, celle que vous avez méritée, celle que nous serons allés chercher, celle qu’on n’aura refusé de nous donner, celle que nous aurons imposée."
SARKOZY TIRERA LES CONSÉQUENCES S’IL N’EST PAS RÉÉLU
Invité sur Canal +, Nicolas Sarkozy a indiqué qu’il tirerait "les conséquences" d’une défaite si le socialiste François Hollande était élu dimanche, car il ne pourrait pas "continuer comme si rien ne s’était passé". Le président sortant a dit souhaiter "être élu pour cinq ans président de la République". "Mais si tel n’était pas le cas, j’en tirerais les conséquences", a-t-il affirmé.
Selon lui, "c’est normal. Il faut quand même avoir une curieuse personnalité pour que les Français vous disent quelque chose et que vous considériez que vous pouvez continuer comme si rien ne s’était passé". "Moi, je ne suis pas comme ça, ce n’est pas ma vie, ce n’est pas ma conception des choses. La vie, c’est un tel miracle ! J’ai chaque jour la conviction que tout peut échapper, qu’on peut rencontrer un microbe, la maladie, l’accident. Je n’ai pas cette hantise du vide, j’aime trop la vie", a-t-il dit.
A chaque fois qu’il a été interrogé à ce sujet, Nicolas Sarkozy a dit qu’il arrêterait la politique en cas d’échec, tout en affirmant à chaque fois sa confiance en la victoire.
(Vidéo réalisée par l’équipe de Nicolas Sarkozy)
Que pense Nicolas Sarkozy de l’agression dont ont été victimes des journalistes de BFM TV en marge de son meeting à Toulon ? Le président candidat s’est exprimé sur ce point, vendredi 4 mai, sur Europe 1. Il déclare tout d’abord : "Si quelqu’un lui a fait une remarque, j’en suis désolé. C’est toujours mal, et je condamne toute personne qui s’en prendrait verbalement, physiquement n’en parlons pas, à un journaliste." Nicolas Sarkozy poursuit : "Je voudrais que chacun comprenne aussi l’attitude des gens qui sont exaspérés par une forme d’intolérance et de parti-pris." [...]
"Des militants nous agressent"
Ce n’est pas la seule fois que des journalistes ont été agressés par des militants UMP lors des réunions publiques de Nicolas Sarkozy. Le 1er mai, Marine Turchi, journaliste à Mediapart, portait plainte pour agression à la suite du meeting du président-candidat au Trocadéro. La journaliste relate avoir été prise à parti par deux groupes de sympathisants UMP différents et traitée de "sale gauchiste", alors que son badge l’identifiait comme une journaliste de Mediapart. Marine Turchi raconte également que le badge, attaché à un cordon passé autour de son cou, lui a été arraché par un homme puis jeté à terre, et qu’elle a été "secouée", sans être blessée, lorsqu’elle a traversé la foule pour tenter de quitter les lieux.
"Une agressivité inédite"
Depuis le soir du premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 22 avril, Nicolas Sarkozy s’attaque au "système médiatique absolument déchaîné" à son encontre. Le président-candidat multiplie les attaques contre les journalistes qui "n’ont hésité devant aucun coup, devant aucune manipulation" (lors de son meeting à Saint-Cyr-sur-Loire, le 23 avril) et dénonce le "terrorisme du système médiatique" (lors de sa réunion publique à Longjumeau, le 24 avril).
Sur son Blog, Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, estime qu’il existe aujourd’hui "une agressivité inédite à l’égard des journalistes des médias indépendants du pouvoir, une hystérie jamais vue qui libère des pulsions hier réservées à l’extrême droite".
Sur le site de Télérama, Emmanuelle Anizon, journaliste, fait part de son sentiment sur ces agressions : "Si ces militants UMP ont franchi la barrière que seuls franchissaient jusqu’ici ceux de l’extrême droite (et encore, il y a quelques années), c’est aussi parce qu’ils ont entendu cette drôle de petite musique que leur joue leur leader. Malsaine, anti-républicaine. Inexcusable."