En 1989, le maire de Toulon voulait chasser les clochards.
Mai 2005, à Draguignan, trois "SDF" sont maltraités par six policiers municipaux.
Une information judiciaire a été ouverte mercredi à la suite de violences présumées de six policiers municipaux de Draguignan (Var) à l’encontre de trois SDF en juillet dernier, a-t-on appris mercredi de source judiciaire. Quatre des policiers ont été placés en examen, sous contrôle judiciaire. Les deux autres ont été remis en liberté mercredi matin, à l’issue de 48 h de garde à vue. Les chefs des poursuites retenus sont ceux de violences volontaires en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique, de violences avec armes ainsi que d’enlèvement ou séquestration suivie de remise en liberté volontaire avant le 7ème jour. Les policiers sont soupçonnés d’avoir maltraité trois marginaux, un Polonais, un Britannique et un Français, en juillet dernier. Les trois hommes auraient été chargés de force dans la fourgonnette des fonctionnaires et relâchés au sommet d’une colline dominant Draguignan, où ils auraient été sommés de "ne plus remettre les pieds". L’un des SDF aurait reçu un jet de gaz lacrymogène. Un second affirme avoir été menacé par une arme de poing, selon les éléments recueillis au cours de l’enquête. Ultérieurement, deux des SDF molestés ont quitté la région. Le troisième est revenu à Draguignan. L’affaire a été à l’origine de rumeurs à Draguignan, qui ont conduit la représentante de la Ligue des droits de l’Homme à déposer plainte en décembre dernier. L’enquête ouverte par le commissariat de police de Draguignan a permis l’audition de deux des victimes et de réunir un certain nombre de témoignages qui ont conduit à la confrontation lundi dernier des SDF maltraités et des policiers, dont certains « ont partiellement reconnu les faits », indique-t-on également de même source. Les fonctionnaires ont affirmé ne pas avoir reçu d’ordre formel de la municipalité à l’encontre des marginaux mais, selon certaines de leurs explications, ils auraient plutôt agi sous la pression de la population et en particulier des commerçants. [1]
En 1989, François Trucy voulait chasser les clochards
[ Le Monde, 22 juillet 1989]
Des clochards "sales, ivres, agressifs, exhibitionnistes".
Le maire de Toulon veut une ville propre" Les clochards donnent une image tout à fait lamentable d’une ville qui veut rénover son centre et son image, et s’assurer d’un avenir touristique. " Une fois de plus, M. François Trucy, sénateur et maire (UDF) de Toulon fait part de ses préoccupations concernant la présence, sur certaines places de la ville, de ces gens que à l’instar des Toulonnais qui l’interpellent sur le sujet, il estime " sales, ivres, agressifs, exhibitionnistes, pourvus de chiens eux aussi sales et agressifs ". Dans le dernier numéro de la revue municipale Vivre à Toulon, il dit son incapacité à résoudre ce problème dont la responsabilité relève " de l’État dont le représentant est le préfet " et en appelle à la collaboration de la population face à ceux qui sont " une offense à l’hygiène publique et salissent la ville ".
Exhortant ses administrés, le maire leur demande de " l’aider à convaincre les hautes autorités que le problème [...] est important pour les Toulonnais ". Pour y parvenir, il va mettre à leur disposition " dans les antennes de mairie et auprès des comités d’intérêt local des formulaires qui (leur) permettront d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Ces plaintes seront rassemblées par la mairie et adressées régulièrement à qui de droit ".
Opération commando
Une " opération-douche " obligatoire et répétitive, pour les clochards, imaginée durant quelques semaines en 1986 n’ayant pas été dissuasive, M. Guy Brunier, conseiller municipal, en charge de la police municipale, décida de mener une " opération commando ". Au début du mois de mai suivant, accompagné de six policiers municipaux, il effectua trois rafles nocturnes, à l’issue desquelles une quinzaine de " zonards " furent embarqués à bord d’une estafette banalisée. Ils furent relâchés hors du département, à plusieurs dizaines de kilomètres de Toulon, après avoir été dépouillés de leurs papiers d’identité et, pour certains d’entre eux, de leurs chaussures. L’affaire ayant fait scandale le conseiller municipal dut démissionner, les six policiers municipaux furent suspendus et le maire déclara que ces opérations avaient été montées à son insu... " Je condamne de telles pratiques, mais je ne peux passer sous silence les réalités toulonnaises, à savoir la présence de nombreux vagabonds étrangers à la commune ".
Plus récemment, au cours de la séance du conseil municipal du 26 mai 1989, M. Claude Ricard (FN) estimait " prudent de prendre toutes mesures pour les empêcher de s’installer sur les pelouses et dans les jardins, et pour cela il existe des moyens simples : arroser fréquemment, répandre des produits [...] rendre les lieux suffisamment inconfortables pour que personne n’ait envie de venir se rouler sous les buissons. " L’idée, qui semblait choquer les élus de la majorité municipale, a, pourtant, fait son chemin... Dans la nuit du lundi 17 au mardi 18 juillet, M. Philippe Goetz (RPR), conseiller municipal en charge de l’environnement, a fait copieusement arroser les terre-pleins des plages du Mourillon d’un mélange d’eau et de produit désinfectant pour en éloigner vagabonds et amoureux. Une " première " devant être régulièrement renouvelée.
Pour sa part, Mgr Madec, évêque de Toulon-Fréjus, a évoqué par parabole l’affaire, le 14 juillet, au cours d’une messe réunissant six cents pèlerins varois... dont une quinzaine de clochards. Sans citer l’article du sénateur-maire il y fit référence, commentant l’évangile sur le " lavement de pieds " en ces termes : " Dans notre société riche, il reste des personnes défavorisées qui n’ont plus de lieu où se laver, alors elles deviennent sales et salissent les rues de nos villes. La solution ne consiste pas à les chasser mais, tout simplement, à leur laver les pieds ; c’est-à-dire à leur rendre une dignité qu’ils semblaient avoir perdue ".
[1] La présidente de la section de Draguignan de la LDH a déclaré à La Marseillaise : « La cité est par excellence le lieu où doit fonctionner la démocratie, dans le respect des différences, sans racisme ni exclusion. [...] Les sans domicile fixe sont souvent, non des clochards, mais plutôt des personnes qui ont été désocialisées à un moment de leur vie, pour des raisons personnelles ou professionnelles. ».