“Ardoise”, nouveau fichier contesté


article de la rubrique Big Brother > les fichiers de police : Stic, Judex ...
date de publication : mercredi 16 avril 2008
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Baptisé Ardoise, pour “Application de Recueil de la Documentation Opérationnelle et d’Informations Statistiques sur les Enquêtes”, ce nouveau logiciel de renseignement policier, prévu pour remplacer un vieux logiciel de rédaction des procédures (LRP), permettra d’enregistrer des renseignements personnels sur toute personne en contact avec la police ou la gendarmerie à l’occasion d’une procédure.
En clair, un policier qui entend une personne, qu’elle soit victime, suspecte ou témoin, pourra préciser si elle est homosexuelle, transsexuelle, handicapée, sans domicile fixe, prostituée, syndicaliste, fervente d’une mosquée, etc.


Un logiciel policier contesté

Un nouveau logiciel testé par la police, baptisé Ardoise, suscite une polémique, des associations redoutant des « dérives » avec l’utilisation discriminatoire de données personnelles. Deux syndicats de policiers ont exprimé des réserves.  [1]

Ce fichier fait l’objet (vraisemblablement depuis février 2007) de formations auprès des fonctionnaires de police [2].

Ardoise met en évidence un certain nombre de données et de profils, classés par rubriques et destinés à « cerner » la victime ou l’auteur présumé des faits.
Ce sont ces rubriques qui ont suscité un tollé : le policier est invité à cliquer par exemple sur « mineur en fugue », « sans domicile fixe », « personne âgée », « permanent syndical », « membre d’une secte », « transsexuel » ou « homosexuel ».

Contrairement à ce qui est parfois affirmé,
Ardoise n’est pas qu’une modernisation des précédents logiciels. En effet lorsque les fonctionnaires remplissent le ficher Ardoise, une fenêtre s’ouvre leur demandant de spécifier “l’état de la personne”. Etat qui pourra contenir des données personnelles comme de savoir si elle est homosexuelle, handicapée ou représentante syndicale, et cela quel que soit son rapport avec l’affaire en cours, simple témoin, victime ou suspecte.
Jusqu’à présent, les fichiers comportaient bien une entrée “état de la personne”, mais elle n’était remplie que pour la victime et le suspect.

L’inquiétude des associations

Lundi 14 avril, le Collectif contre l’homophobie, «  inquiet » du « risque de constitution de fichiers catégoriels », a déclaré avoir saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et la Cnil.
Pour l’association, la police doit qualifier des faits et non pas « profiler des personnes ». « Rien n’exclut qu’ici où là quelqu’un fasse des extractions des données », a expliqué Hussein Bourgi président du CCH.

Le lendemain, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a demandé à la ministre des « précisions » et des « éclaircissements », lui rappelant « que la Cnil devra émettre un avis préalable à la mise en place de l’application » de ce fichier.

Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a « exigé » que le nouveau logiciel « soit amélioré » et en a appelé au ministre de l’Intérieur, tout comme l’Unsa-police (premier syndicat) qui s’est dite « attachée au respect de la vie privée ».
Pour Alliance, le logiciel « ne doit pas remettre en cause les droits fondamentaux des personnes » ni « mettre en porte-à-faux les policiers ».

Synergie (second syndicat d’officiers de police) a de son côté indiqué « ne pas être choqué ».

Le ministère de l’Intérieur ne voit pas où est le problème

La ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a affirmé mardi, lors d’un déplacement dans les Yvelines, que ce logiciel ne présentait « aucun risque d’attenter à quelque liberté que ce soit ».

Le ministère de l’Intérieur a indiqué dans un communiqué que la liste des données personnelles qui sont saisies dans Ardoise a été validée par la Cnil dans un avis de décembre 2000 relatif au fichier Stic actuellement utilisé par la police.

Le logiciel Ardoise va remplacer l’actuel logiciel de rédaction des procédures (LRP). Il sera inclus dans le futur fichier Ariane, commun aux services de police et de gendarmerie, actuellement en phase de test, a ajouté l’Intérieur [3].

Communiqué du Collectif contre l’homophobie (C.C.H.)

Montpellier - 14 avril 2008

Vers le fichage des homosexuels ... mais pas seulement !

Non à l’utilisation du logiciel Ardoise dans la police et la gendarmerie nationales !
Non au profilage catégoriel demandé par Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur !
Non au retour du fichage !

Depuis plusieurs semaines, le Collectif contre l’homophobie (C.C.H.) reçoit des témoignages alarmants de policiers et de gendarmes au sujet du projet du Ministre de l’Intérieur de remplacer le logiciel LRP (Logiciel de Rédaction de Procédure) et le logiciel STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées) par le logiciel ARDOISE (Application de Recueil de la Documentation Opérationnelle et d’Informations Statistiques sur les Enquêtes).

Ce nouveau logiciel « Ardoise » reprend toutes les fonctionnalités des logiciels LRP et STIC mais à une différence notable et problématique, il prévoit de renseigner des caractéristiques personnelles de toute personne entendue comme victime, témoin ou auteur dans une procédure.

Ainsi le policier ou le gendarme peut préciser dans la rubrique « Etat de la personne » les informations suivantes « homosexuel », « transsexuel », « handicapé », « sans domicile fixe », « personne se livrant à la prostitution », « travesti », « relation habituelle avec personne prostituée », « personne atteinte de troubles psychologiques », « usager de stupéfiants », « permanent syndical » …

La saisie de ces informations a vocation à établir une fiche profilée de chaque personne ayant un contact avec la police dans le cadre d’une procédure ; cette fiche sera consultable sur toute le territoire national par les forces de l’ordre, et notamment à chaque fois que cette personne aurait à faire à elles.

Nous partageons le malaise de nombreux policiers et gendarmes ; comme eux, nous avons du mal à saisir l’intérêt de la mention de certains détails et les finalités de ce profilage.

Nous sommes particulièrement inquiets face au risque de constitution de fichiers catégoriels que ce logiciel pourrait permettre.

Sans remonter à la période sombre de la Seconde Guerre Mondiale pendant laquelle des membres de certaines minorités furent fichés et déportés, nous voulons rappelons le fichage (par les brigades mondaines) et le harcèlement policier subi par de nombreuses personnes (notamment homosexuelles) des années 50 aux années 70.

Il a fallu l’élection de François MITTERRAND à la Présidence de la République en 1981 pour que l’homosexualité soit dépénalisée par le Ministre de la Justice Robert BADINTER (loi du 5 août 1982) et que les fichiers d’homosexuels soient détruits à la demande expresse du Ministre de l’Intérieur Gaston DEFFERRE.

Nous n’accepterons pas que Michèle ALLIOT-MARIE autorise l’utilisation de ce logiciel car il peut donner lieu à des dérives de sinistre mémoire.

Le Collectif contre l’homophobie (C.C.H.) saisit ce jour :
- La HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations)
- La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés)
- La CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme)

Par ailleurs nous lançons un appel solennel à toutes les organisations de défense des droits de l’Homme, à tous les syndicats, à toutes les autorités morales et philosophiques, à tous les parlementaires pour qu’ils s’engagent contre le logiciel ARDOISE.

Nous demandons à Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l’Intérieur de surseoir à l’application de ce logiciel litigieux et problématique.

Nous demandons au Premier Ministre et au Président de la République de nous recevoir afin d’évoquer ce problème.

Hussein BOURGI

Communiqué de la Cnil

le 15 avril 2008

M. Alex Türk, Président de la CNIL demande au ministère de l’Intérieur des précisions sur le logiciel Ardoise

La CNIL a été saisie récemment de plaintes déposées par des associations concernant certaines catégories d’informations qui seraient intégrées dans le futur logiciel Ardoise. Ce logiciel devrait prochainement remplacer l’actuel LRP (logiciel de rédaction des procédures) dans le cadre de la mise en œuvre du futur fichier Ariane qui regroupera les fichiers STIC (police nationale) et JUDEX (gendarmerie nationale).

Le Président Alex Türk vient d’adresser un courrier à Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, pour lui demander des éclaircissements sur les rubriques utilisées dans Ardoise et lui rappeler que la CNIL devra émettre un avis préalable à la mise en place de cette application qui semble déjà en phase de test.

La CNIL comprend l’émotion et les questionnements que suscite l’existence de rubriques telles que « homosexuel », « handicapé » qui seraient intégrées au logiciel Ardoise. À ce jour, trois associations ont écrit à la CNIL en contestant l’utilisation et l’existence de ces rubriques utilisées par Ardoise. Il s’agit du Collectif contre l’homophobie, des Oubliés de la mémoire et de FLAG (policiers gays et lesbiens). Le Président de la Halde, a également saisi le Président de la CNIL de cette question.

Alex Türk vient donc d’adresser un courrier au Ministre de l’Intérieur lui rappelant qu’une telle application, qui fait déjà l’objet de formations auprès des fonctionnaires de police, ne peut être créée que par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL.
Il lui demande également de lui faire part de ses observations concernant les conditions d’utilisation des rubriques jugées « discriminatoires » par les associations afin de clarifier le débat et de dissiper tout malentendu. Le Président demande également au Ministre de lui indiquer dans quel délai le projet de décret lui sera soumis pour avis.

Communiqué du ministère de l’Intérieur

Publié le : 15/04/2008 12:47

Logiciel Ariane

Aujourd’hui pour leurs enquêtes judiciaires, les forces de l’ordre disposent de deux fichiers : un pour la police et un pour la gendarmerie. Ces fichiers ont été validés par la CNIL.

Afin d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance, ces deux fichiers seront rapprochés dans un fichier commun aux deux forces. Appelé ARIANE, il est actuellement en phase de test.

Ce fichier sera alimenté par les données saisies dans un logiciel utilisé par la police, dénommé ARDOISE, appelé à remplacer l’actuel logiciel de rédaction des procédures (LRP).

Le fichier ARIANE et le logiciel ARDOISE, intégreront les mêmes informations que celles saisies dans le fichier de la police (STIC) à partir des procédures établies avec le LRP. Ils seront bien évidemment soumis à l’avis de la CNIL.

Dans le cadre de la rédaction des procédures, certaines données relatives à la vie privée pourront être renseignées dans le logiciel ARDOISE, comme elles le sont aujourd’hui dans le LRP.

La liste de ces données a été validée par la CNIL dans son avis de décembre 2000 relatif au fichier actuellement utilisé par la police (STIC).

Cette saisie de données personnelles n’est en aucun cas automatique. Elle n’a lieu que lorsque ces informations ont un lien avec l’affaire, la nature ou les circonstances de l’infraction (agression sexuelle, agression homophobe, liée à la croyance, à la race, à des caractéristiques physiques…).

Ces données permettent ainsi de caractériser l’infraction et les éventuelles circonstances aggravantes prévues par le code pénal, dans l’intérêt même des victimes (abus de faiblesse, homophobie, racisme, antisémitisme….).

Exclusivement destinées aux enquêtes judiciaires, ces informations sont également nécessaires à la recherche et à l’identification des auteurs. Celles relatives au plaignant peuvent donc être détruites sur sa demande après condamnation définitive du ou des coupables.

Notes

[1Sources utilisées :
- une dépêche AFP, par Rémy Bellon le 15 avril 2008, 20h06
- « la police s’apprête-t-elle à ficher les homosexuels ? »
par Antonin Sabot, étudiant en journalisme, Rue89, 15/04/2008, 16H04.

[2Voir la page 18 (ou 19) de http://www.interieur.gouv.fr/sectio....

[3Voir cette page.


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