Alsace-Moselle : les cultes demandent l’abolition du délit de blasphème


article de la rubrique laïcité > le droit local en Alsace-Moselle
date de publication : mercredi 14 janvier 2015
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La veille de l’attentat contre Charlie Hebdo, les représentants des cultes officiels en Alsace et en Moselle avaient demandé l’abrogation du délit de blasphème hérité du code pénal allemand, le jugeant "obsolète".

Vous trouverez ci-dessous un article publié sur Lexpress.fr qui expose la situation très particulière de ces trois départements.
Nous le faisons suivre d’une mise au point émanant de l’ancien délégué régional de la Ligue des droits de l’Homme pour la Lorraine qui corrige des affirmations inexactes qui sont reprises dans les média. En effet le “code pénal local” sanctionne deux délits dans le domaine religieux : son article 166 punit le « blasphème public contre Dieu » d’une peine de trois ans de prison maximum, et l’article 167 sanctionne les atteintes au libre exercice du culte. Ces deux articles ont été utilisés en 1954, et l’article 167 a permis de condamner en 1997 des militants qui avaient manifesté contre des propos jugés homophobes de l’évêque de Strasbourg –
voir cette page pour en savoir plus.


En Alsace-Moselle, les cultes veulent abolir le délit de blasphème

par LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 12 janvier 2015


Le délit de blasphème a disparu de France en 1789, avec la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Mais il perdure en Alsace et en Moselle, dont la réintégration à la France en 1918 s’est faite en conservant certains articles du code pénal allemand. Un jour avant l’attaque mortelle de Charlie Hebdo, les représentants des principaux cultes en Alsace-Moselle, y compris l’islam de France, demandaient que le délit de blasphème soit abrogé parce que "tombé en désuétude".

Un article jamais appliqué

Catholiques, protestants, juifs et musulmans alsaciens et mosellans ont fait cette proposition le 6 janvier lors d’une audition commune à Paris devant l’Observatoire de la laïcité, une instance rattachée aux services du Premier ministre. "Cela montre que les cultes sont conscients du caractère excessif d’une telle mesure, et de son caractère attentatoire à la liberté d’expression. Ils nous ont proposé eux-mêmes d’y mettre un terme", selon Nicolas Cadène, le rapporteur général de cet observatoire.

Le blasphème est théoriquement réprimé en Alsace et en Moselle par un article hérité du code pénal allemand dans le cadre du régime dit concordataire qui est une exception à la séparation de l’église et de l’Etat. Jamais été appliqué depuis lors, selon le secrétaire général de l’Institut du droit local alsacien-mosellan, il punit d’un maximum de trois ans de prison "celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes".

Invoqué en 2013 contre Charlie Hebdo

En 2013, la Ligue de défense judiciaire des musulmans, outrée par une caricature publiée à Une de Charlie Hebdo, avait invoqué le blasphème pour attaquer l’hebdomadaire satirique devant un tribunal strasbourgeois. La procédure avait été déclarée nulle, pour des raisons de forme.

L’archevêque de Strasbourg, Mgr Jean-Pierre Grallet, a confirmé que les représentants des cultes avaient "mûri depuis un certain temps" l’idée de demander l’abrogation de ce délit "obsolète". "La République a suffisamment de moyens pour inviter au respect mutuel", a souligné le responsable catholique. "Nous sommes sur la même ligne. (...) Ce qui nous importe, c’est la liberté d’expression", a dit de son côté Abdellaq Nabaoui, le vice-président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) d’Alsace, également auditionné mardi par l’Observatoire de la laïcité. A terme, il reviendrait éventuellement au Parlement de se saisir de ce dossier, pour abroger formellement ce délit, selon l’Institut du droit local.

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Paul Berger, ancien délégué régional de la Ligue des droits de l’Homme pour la Lorraine, après avoir pris connaissance de l’article précédent, nous a adressé la mise au point suivante :

Délit de blasphème Une mise au point

de Paul BERGER, ancien délégué régional de la LDH pour la Lorraine.

J ’ai été pour le moins très surpris de lire dans l’édition du 13 janvier du Républicain Lorrain, deux assertions erronées (euph) de M. Eric Sander, secrétaire général de l’Institut de droit local (IDL). M. Sander ose affirme que la loi locale sur le délit de blasphème n’a jamais été appliquée.

Comment peut-il avoir oublié, lui, qu’en 1997 le si illustre évêque de Strasbourg Mgr Léon-Arthur ELCHINGER a saisi le tribunal correctionnel à l’encontre de trois homosexuels qui avaient osé l’interpeller en chaire en la cathédrale de Strasbourg au sujet de homophobie réitérée. Malgré la très brillante plaidoirie de Me Henri LECLERC, l’illustre pénaliste, président de la LDH, les trois homosexuels furent condamnés ;

M. Sander ose affirmer que le décret sur le délit de blasphème n’a jamais été contesté. C’est un mensonge caractérisé. On ne compte plus les articles et les interventions des laïques d’Alsace et de Moselle. Et même jusqu’à des « Français » de l’Intérieur dans les années 90 dénonçant sur le Forum de la LDH cette disposition archaïque et attentatoire à la liberté d’expression qui a déshonoré l’Alsace et la Moselle depuis 1919.

À cette occasion, moi citoyen mosellan, je tiens à saluer la hauteur de vue et le courage de Mgr J-P Grallet qui a été le premier à demander l’abrogation du décret pénalisant le blasphème, décret qui n’a pas honoré l’Alsace depuis 1919 et que les Alsaciens ont été trop peu nombreux à dénoncer.

A l’occasion du 500ème anniversaire de la cathédrale, le même archevêque de Strasbourg a exprimé une repentance au sujet de la statue antisémite de la cathédrale de Strasbourg alors que ni l’évêque de Trèves ni celui de Metz, que nous avions saisis à cette occasion n’ont condamné la statue de la synagogue, raciste et bassement injurieuse pour les juifs, qui se trouve au portail de leur cathédrale.

Monseigneur Grallet,
je vous prie de bien vouloir agréer les salutations respectueuses
d’un militant laïque mosellan pour ces deux gestes qui honorent l’Eglise catholique d’Alsace.

Paul BERGER


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