Alain Bauer a remis le nouveau rapport du groupe de contrôle des fichiers


article de la rubrique Big Brother > les fichiers de police : Stic, Judex ...
date de publication : vendredi 12 décembre 2008
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Le rapport du groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie, présidé par Alain Bauer, a été remis, jeudi 11 décembre, à la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie.

Ce document de 150 pages, intitulé "Mieux contrôler la mise en œuvre des dispositifs pour mieux protéger les libertés", commence par un état des lieux. Première surprise : en 2006, le précédent rapport en avait dénombré 34, mais ils sont maintenant 45, et bientôt 57 car une douzaine sont "en cours de préparation".

Après une étude des suites qui ont été réservées aux recommandations faites en 2006, le rapport développe 26 recommandations. Il propose notamment "d’améliorer la communication publique" sur les fichiers et de "fournir à la population une information pédagogique".

Selon l’AFP, la ministre, qui se veut à la fois "garante de la sécurité des Français et des libertés publiques", a souhaité "mieux prendre en compte et conjuguer ces deux priorités". Elle a promis de faire savoir "d’ici à un mois" ce qu’elle retiendrait parmi ces 26 propositions.

[Première mise en ligne le 11 déc. 2008, mise à jour le 12 déc.]

Fichiers : le rapport Bauer maintient le signalement ethno-racial

par Isabelle Mandraud, LEMONDE.FR, le 11 décembre 2008

Pourquoi ce groupe de travail

Il existe depuis deux ans, mais il a été réactivé après la polémique sur le fichier Edvige. Il est composé de 24 membres, représentant les ministères de la justice et de l’intérieur, les syndicats de police et de magistrats, les avocats, la Halde, la CNIL, la Licra, SOS Racisme ou bien encore SOS Homophobie.

La nature des fichiers

Il y a de tout, dans les fichiers de police et de gendarmerie. Des clandestins, qui n’ont jamais l’objet d’une déclaration, comme le fichier des personnes nées à l’étranger, géré par la gendarmerie. Des inconnus jusqu’ici, tel le "Gesterex", fichier de renseignement classé secret défense et géré par la préfecture de police. Des fichiers tous neufs, à l’image d’Agrippa, qui recense les propriétaires et possesseurs d’armes depuis novembre 2007, ou bien le fichier national des interdictions de stade créé en août 2007.

Il y a aussi, les iconoclastes, comme le fichier de suivi de circulation délivrés aux personnes sans domicile ni résidence fixe (FSDRF), dont les 170 140 fiches sont tout de même consultées 400 fois par jour.

Et puis il existe les gros, incontournables : le Système judiciaire de documentation et d’exploitation (Judex) de la gendarmerie, 9,8 millions de fiches au 4 décembre, et son jumeau de la police, le Système de traitement des infractions constatées (Stic) qui contient aujourd’hui 5,5 millions d’individus mis en cause, plus de 36 millions de dossiers de procédure, et 33 millions de victimes ! Sous peu, le Judex et le Stic fusionneront pour donner naissance à un monstre, joliment nommé Ariane.

Enfin, dans les fichiers en préparation, Athen@ permettra d’alimenter toute la gendarmerie dès 2009 sur toutes les données relatives au renseignement publique et à la défense.

Les propositions

Le groupe a fait le tri dans une série initiale de 40 recommandations pour n’en retenir que 26 qui, sans remettre en cause l’existence de fichiers, vont toutes dans le sens du renforcement des contrôles, et du rôle de la CNIL.

Au sujet du Judex et du Stic, les participants ont insisté sur le retrait des personnes innocentées ou, au minimum, sur l’information de leur maintien dans ces fichiers décidée par le parquet.

Puis, viennent les recommandations "particulières" qui ont fait l’objet de débat. Au sujet du signalement ethno-racial, par exemple, utilisé dans le Stic-Canonge (du nom d’un policier marseillais inventeur du logiciel) les participants ne sont pas parvenus à se mettre d’accord.

La proposition de SOS Homophobie de recourir, dans l’esprit du portrait-robot, à une grille chromatique (jaune, blanc, noir…), a été rejetée et c’est donc l’ancien système, aménagé, qui a été retenu, au grand dam de plusieurs associations.

Onze types figurent ainsi pour le signalement de personnes recherchées : caucasien, méditerranéen, moyen-oriental, maghrébin, asiatique/eurasien, amérindien, indo-pakistanais, métis-mulâtre, africain/antillais, polynésien et mélanésien (dont canaque). Seule, la suppression du type gitan a recueilli l’assentiment de tous.

Sur l’enregistrement des mineurs dans un fichier de renseignement comme Edvirsp, à partir de 13 ans, le groupe recommande le contrôle de la validité de l’inscription tous les 12 mois et l’obligation d’extraire automatiquement leurs fiches à leur majorité.

Enfin, s’agissant des fichiers classés secret défense, qui ne peuvent faire l’objet d’un contrôle sur place de la CNIL, il est proposé de créer une commission sur le modèle de la commission du secret de la défense nationale, composée de personnes habilitées et au moins d’un magistrat.

Isabelle Mandraud

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Fichiers policiers : un rapport, et puis quoi ?

par Marie Piquemal, Libération le 11 décembre 2008 (mis à jour le 12)

Opération transparence. Hier, comme prévu, le criminologue Alain Bauer a remis en grande pompe son rapport sur le contrôle des fichiers policiers à la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie. En prenant soin de convier les journalistes, histoire de ne pas faire d’impair. Car depuis le tollé suscité par le fichier Edvige, la ministre soigne sa com’. « Nous n’avons rien à cacher » répète-t-on place Beauvau.

En septembre dernier, Michèle Alliot-Marie a réactivé le groupe de travail chargé « d’examiner les conditions de mise en œuvre des fichiers de police judiciaire et administrative » pour, précise-t-elle dans sa lettre de mission, « renforcer l’acceptabilité des fichiers au sein de la population ». Elle l’a répété ce matin, l’objectif est « de faire un effort de pédagogie pour éviter des polémiques inutiles ou reposant sur des inexactitudes. »

Ce matin, en remettant son rapport, Alain Bauer a souligné avoir mis la main sur deux ou trois fichiers oubliés, et sans base juridique. « Ils s’agit, à vrai dire, de sous-fichiers tombés en désuétude et qui devraient être supprimés. » Exemple : le fichier de la Batellerie chargé d’assurer le suivi des bateaux affectés au transport fluvial de marchandises.

Outre la description de tous les fichiers existants, le rapport présente 26 propositions. Et aucune de franchement révolutionnaire. D’abord, parce que ces recommandations sont le résultat d’un consensus entre des membres de la commission de milieux très différents : des associations (la Halde, SOS racisme...), des représentants de l’administration (police, gendarmerie, magistrature) mais aussi des syndicats. Ensuite, parce qu’il ne s’agit là que de recommandations et que rien n’indique que la ministre en tiendra compte. Elle a d’ailleurs précisé ce matin, qu’elle se prononcerait sur ce sujet dans un mois.

Les principales propositions

A la lecture des 150 pages du rapport, en ligne sur le site du Ministère, certaines propositions de la Commission Bauer semblent relever du bon sens. Au point où l’on s’étonne qu’elles ne soient pas déjà en vigueur. Que penser par exemple de ces recommandations relevant du contrôle de l’utilisation des fichiers ? « En cas de mutation, de changement d’affectation ou de départ à la retraite, les droits d’accès de la personne [le fonctionnaire habilité à consulter les fichiers, ndlr] devront être automatiquement revus ou supprimés » (proposition n°9).

Autre recommandation : garantir (enfin) le droit d’information des personnes acquittées qui restent fichées. « Aujourd’hui, il faut le savoir, le procureur peut prescrire leur maintien dans les fichiers. Nous demandons que les personnes intéressées soient averties de cette décision. Car pour le moment, ce droit à l’information, qui nous semble essentiel, n’est pas garanti » précise Alain Bauer, qui voit dans cette proposition « un préalable à un possible recours ».

Le groupe propose aussi un contrôle renforcé des mineurs fichés tous les deux ans et à leur majorité. « Quel que soit l’âge retenu pour collecter des informations, il nous semble important de renforcer les garanties pour les plus jeunes » justifie Alain Bauer.

On notera aussi, comme prévu, un « meilleur encadrement » des fichiers classés secret défense, qui échappent à tout contrôle, y compris de la CNIL. L’idée serait de créer une sorte de commission indépendante, présidée par un magistrat habilité à consulter ces bases de données afin d’éviter les abus.

Reste pour finir des sujets « qui ont suscité d’importants débats mais qui n’ont pas abouti à un consensus ». Comme les critères utilisés pour décrire les personnes recherchées en matière criminelle. A défaut de position commune, la classification existante, basée sur « des types », sera maintenue. On continuera donc à parler de type « méditerranéen, caucasien, africain/antillais, métis et autres, maghrébin, moyen-oriental, asiatique, indo-pakistanais, latino-américain, polynésien, mélanésien ». La qualification « Gitan » devrait, en revanche, être abandonnée.

D’ailleurs, sur ce point, SOS racisme qui fait partie du groupe Bauer, regrette « le maintien des catégories ethno-raciales [...] d’un autre âge » tandis que pour la Licra « cette typologie est une déviance inquiétante en ce qui concerne le respect des libertés publiques ».

Marie Piquemal

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