L’accès de tous à un logement digne et abordable [1], c’est pour quand ?
Il n’est pas admissible que près de 150 000 personnes soient sans logement, il n’est pas acceptable que 4 millions de personnes soient mal logées dans le pays classé 5e puissance mondiale, il n’est surtout pas souhaitable que ce nombre augmente, le 31 mars, date à laquelle les expulsions locatives vont reprendre.
Soixante-dix ans de « réflexion » - 1946 - 2016 :
En France, le droit au logement est un droit constitutionnel, qui découle des 10e et 11e alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :
La loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, dite « loi Dalo » reconnaît un droit au logement décent et indépendant aux personnes (résidant en France de façon stable et régulière) qui ne peuvent accéder par leurs propres moyens à un tel logement ou s’y maintenir.
Différents aménagements sont apportés au « Dalo », notamment en 2014, avec le décret du 13 février fixant les délais d’instruction des demandes et pour les propositions de relogement et la loi « Alur » du 24 mars réformant le système d’attribution des logements sociaux dans le sens d’une simplification et de la transparence du dispositif.
Construire 2017 et construire en 2017 :
En 2017, la Fondation Abbé Pierre rend un rapport attristant(2). Tous les ans, souvent au moment où l’hiver est le plus rude, la situation des sans logis, des mal logés, des personnes qui n’ont pas les moyens de se chauffer, bref, la situation de ceux que l’on a mis dans la catégorie « pauvres » nous est rappelée. Il faut croire que le printemps et l’été chassent cette préoccupation puisque l’hiver qui suit, les chiffres sont à nouveau à la une des journaux, l’indignation qui s’exprimait l’an précédent retrouve son souffle et les médias ressortent des photos terribles de personnes allongées dans les rues enneigées, sur des cartons sales(3).
Cette diffusion répétée de chiffres et de lettres, d’images, d’interviews, ne sort pas les personnes concernées de leur galère ; elle est toutefois nécessaire pour alerter les pouvoirs publics. Nombreux sont ceux qui tous les jours interviennent au sein des associations ou à titre individuel pour apporter des solutions : l’habitat participatif solidaire, le programme des Hôpitaux de Marseille « Un chez-soi d’abord », qui propose à des SDF atteints de troubles mentaux un accès direct à un logement ordinaire, l’action de David Collard qui loue, à un prix modique, depuis 2014, des parcelles de son terrain, etc.
Toutefois, quand il s’agit de loger à la fois, des jeunes sans revenus (on en voit de plus en plus dormant sur nos trottoirs), des personnes soumises à des emplois précaires ou au chômage, des personnes isolées âgées, à la rue depuis des années, de familles mal-logées en attente d’un logement social, des femmes victimes de violences conjugales, des jeunes en rupture familiale, d’anciens détenus qui ont purgé leur peine... la solution, n’est-elle pas de rendre disponibles un plus grand nombre de logements ?
La loi SRU(4), il y a 16 ans déjà, apportait des réponses en imposant aux communes des obligations en matière de logements sociaux. En 2016, le gouvernement a publié son bilan : sur les 1 973 communes soumises à la loi SRU, 1 115 ne respectent pas la loi(5).
Parmi elles, Toulon qui, avec 164 899 habitants, dispose de 12667 logements sociaux en 2015 soit, un taux de 15,41%, loin des 25% définis par la loi et à rattraper d’ici 2025. Dix ans à attendre ? A ce jour, 605 communes ont été pénalisées et doivent reverser à l’état 51 millions d’euros ; d’autres (dont Toulon), sont exonérées car elles ont plus de 15% de logements sociaux et perçoivent la dotation de solidarité urbaine.
Il y a dans le décompte des belles initiatives lancées par les associations, les particuliers, comme dans le dénombrement des lois qui s’empilent, quelque chose de sordide : la situation des personnes auxquelles, en soixante dix ans, les pouvoirs publics n’ont pas trouvé de solution. L’urgence, tous les jours, nous saute aux yeux avec ces jeunes gens enroulés dans leur anorak sur les bancs de la gare pour tenter de dormir, assis, ces personnes âgées mendiant sur nos trottoirs, ces logements insalubres où les familles ne peuvent pas se chauffer suffisamment, ces enfants fouillant dans les poubelles, ces mères de famille chargées des cagettes rejetées à la fin du marché… et on nous demanderait d’attendre 10 ans encore ?
Il est temps ainsi que le préconise la Fondation Abbé Pierre, d’appliquer une politique du « logement d’abord », de produire 150 000 logements vraiment sociaux par an, de prévenir les exclusions plutôt que de les rattraper après coup, de limiter le financement de logements précaires (accès par le 115) au lieu de les multiplier au motif que les places sont insuffisantes ce, au bénéfice de la construction de logements dignes et abordables(6).
Christine Flori.
N.B. : Pour en savoir plus et tester sa commune(7)
(2 - « Les chiffres du mal-logement » – Rapport annuel 2017 – Fondation Abbé Pierre
(3) - L’Igas, dans son rapport 2014, avait eu des termes éloquents en demandant aux pouvoirs publics de : « sortir de la gestion au thermomètre de l’hébergement d’urgence »).
(4) - Cf. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU).
(5) - http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/logement-social-1-115-communes-ne-respectent-pas-loi-sru.html
(6) - « 15 idées contre la crise du logement – L’état du mal logement en France » – 2017 – Fondation Abbé Pierre
(7) - http://www.logement.gouv.fr/transparence-logement-social
[1] Cf. Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové