un troisième policier condamné suite à un tir de flash-ball


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : dimanche 5 avril 2015
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Un policier qui avait gravement blessé au visage un lycéen, avec un tir de Flash-Ball, a été condamné, jeudi 2 avril, à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Il n’aura par ailleurs pas le droit de travailler dans la police pendant douze mois, ni de porter une arme pendant deux ans.

C’est l’une des premières condamnations pour ce type de bavure depuis l’introduction il y a plus de dix ans du lanceur de balle de défense (LBD). Le policier avait tiré, hors de toute légitime défense, sur un adolescent de 16 ans, qui participait à Montreuil le 14 octobre 2010 à un rassemblement de lycéens opposés à la réforme des retraites.
Geoffrey Tidjani avait été touché par un tir de Flash-Ball en plein visage.

Le 28 mai 2013, le Défenseur des droits a présenté un rapport sur les trois “moyens de force intermédiaire” utilisés par les forces de sécurité : le pistolet à impulsions électriques Taser X26®, le Flash-Ball Super Pro® et le lanceur de balles de défense 40 x 46. Dans ce rapport, le Défenseur des droits précise le cadre d’emploi de ces trois armes et formule un certain nombre de recommandations pour prévenir d’éventuelles utilisations abusives et garantir le respect des droits et des libertés individuels [1].
Le ministère de l’Intérieur n’a semble-t-il pas donné suite à ces demandes. Un an plus tard, le 11 juin 2014, le Défenseur des droits a publié une déclaration appelant “à la plus grande précaution dans l’utilisation de ces armes [2] – nous en reprenons les recommandations en bas de cette page.


Le procès du Flash-Ball et des manipulations policières

par Pascale Robert-Diard, Le Monde du 6 mars 2015


Le 14 mars 2010, alors qu’il participe à une manifestation de lycéens à Montreuil (Seine-Saint-Denis), Geoffrey Tidjani, 16 ans, est atteint par un tir de Flash-Ball au visage. La balle en plastique de 4 cm de diamètre lui cause une grave hémorragie à l’œil et de multiples fractures au visage.
Deux heures après l’affrontement, le gardien de la paix Jean-Yves Césaire, un Antillais de 43 ans unanimement décrit comme un homme « placide » et « pondéré », reconnaît sur procès-verbal être l’auteur du tir et affirme qu’il était en état de légitime défense, face à une « pluie de projectiles » et de « jets de pierres ». Il assure avoir tiré après avoir vu le jeune homme « se baisser pour ramasser » quelque chose puis « prendre la fuite ». Il dit encore s’être porté à son secours avec des collègues. Le procès-verbal évoque enfin un « pavé » ramassé sur les lieux. Jeudi 5 mars, c’est une tout autre histoire qui est jugée devant le tribunal de Bobigny. Geoffrey Tidjani est assis au banc des parties civiles, et Jean-Yves Césaire comparaît pour « violences volontaires avec usage d’une arme de première catégorie » et « faux et usage de faux en écriture publique ».

« Je n’avais que ça sous la main… »

Deux vidéos tournées avec des portables sont en effet venues contredire résolument sa version des faits. On y voit Geoffrey Tidjani, parmi d’autres manifestants, pousser une poubelle au milieu de la rue, puis soudain tituber en se tenant le visage. De projectiles et de pierres, il n’y a pas trace. De fuite non plus. De secours policiers encore moins. Quant au « pavé », il a la surface d’une pièce d’un euro. L’affaire avait indigné des parlementaires et la défenseure des droits, elle est aussi devenue le symbole des violences policières et de la lutte contre l’usage des Flash-Ball.

« Le problème, c’est que dans ce procès-verbal tout est faux. Sans ces vidéos, nous étions au bord d’une erreur judiciaire », tonne le procureur
Visiblement dépassé par l’ampleur de ce qui lui est reproché, Jean-Yves Césaire répond avec maladresse et persiste à justifier l’usage de son arme – « le Flash-Ball, c’est pas quelque chose d’inconnu en Seine-Saint-Denis et puis, je n’avais que ça sous la main…  ». Il invoque son insuffisance de formation au tir – pas assez de munitions dans son commissariat pour les exercices – et nuance ses déclarations sur procès-verbal – « elles manquent de clarté, je n’ai pas su retranscrire ce que j’avais ressenti ».
Le procureur se lève, son ton est glacé. « Le problème, c’est que dans ce procès-verbal tout est faux. Sans ces vidéos, nous étions au bord d’une erreur judiciaire », tonne-t-il, en requérant un an d’emprisonnement avec sursis, assorti de l’interdiction d’exercer sa profession pendant deux ans et de porter une arme pendant cinq ans. « Attention à une société qui se défie de sa police, prévient-il, elle nous met à la merci de tous les excès. » Aux approbations bruyantes des militants anti-Flash-Ball, dont Geoffrey Tidjani est devenu le héros, répondent les visages tendus des rares policiers venus soutenir leur collègue. Délibéré le 2 avril.

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Flash-Ball : un an de prison avec sursis pour un policier ayant blessé un lycéen

Le Monde.fr avec AFP, le 2 avril 2015


Un policier qui avait gravement blessé un lycéen au visage avec un tir de Flash-Ball a été condamné, jeudi 2 avril, à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Il n’aura par ailleurs pas le droit de travailler dans la police pendant douze mois, ni de porter une arme pendant deux ans.

Ce fonctionnaire est l’un des premiers à être condamné pour ce type de bavure depuis l’introduction il y a plus de dix ans du lanceur de balle de défense (LBD). Il avait tiré, hors de toute légitime défense, sur un adolescent de 16 ans, lors d’une manifestation devant un lycée de Montreuil en 2010.

Procès-verbaux mensongers

L’affaire avait fait beaucoup de bruit lors des rassemblements de lycéens opposés à la réforme des retraites, en octobre 2010. Geoffrey Tidjani avait été touché par un tir de Flash-Ball en plein visage devant son établissement. Il a souffert de fractures multiples et a dû subir six interventions chirurgicales pour sauver son œil. Quatre ans après les faits, son état de santé n’est toujours pas stabilisé.

L’agent mis en cause avait ensuite rédigé des procès-verbaux mensongers pour se couvrir et incriminer sa victime. Une vidéo, publiée par le site d’information Rue89, semblait montrer que le tir avait eu lieu alors que le jeune homme ne présentait aucune menace contre la police et qu’il venait de très loin. «  Nous étions très pacifiques », avait déclaré le lycéen peu après au micro d’Europe 1, expliquant qu’il ne comprenait pas pourquoi le policier lui avait tiré dessus.

Troisième condamnation recensée

L’audience avait jeté une lumière peu glorieuse sur l’usage des LBD par la police : les procédures avaient été piétinées, la visée, tout comme la formation des tireurs, n’était qu’approximative, et la conscience du danger d’une arme qui peut tuer, partielle. Depuis l’introduction de ce type d’armes dans l’arsenal des forces de l’ordre, peu de dossiers de bavures policières au Flash-Ball sont arrivés jusqu’aux tribunaux.

Il s’agit de la troisième condamnation recensée. Les deux autres avaient été prononcées à Versailles (Yvelines), pour un tir qui avait éborgné un jeune homme aux Mureaux en 2005, et, le 20 mars dernier, aux assises de Mayotte, où un gendarme a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir fait perdre un œil à un enfant de 9 ans.

Recommandations du Défenseur des droits

Afin d’éviter toute utilisation excessive de ces armes, le Défenseur des droits a émis de nouvelles recommandations.

Tout d’abord, concernant le Taser®, il convient d’éviter son utilisation en mode contact autant que possible et d’encadrer très strictement son usage lors du menottage. Le Défenseur des droits incite par ailleurs à encadrer très strictement le recours au Flash-Ball® lors des contrôles routiers et d’identité, et lors des manifestations, notamment pour éviter les dommages collatéraux qui sont manifestement fréquents.

Le rapport rappelle également la nécessité de respecter les distances d’utilisation et le rôle d’abord dissuasif du Flash-Ball®, dont le port ne doit pas inciter à une utilisation systématique, compte tenu de l’existence d’un risque certain et imprévisible de troubles cardiaques sur certaines personnes porteuses d’un pacemaker ou présentant des troubles cardiaques préalables à l’intervention des forces de l’ordre. Par ailleurs, l’utilisation des trois armes en mode tir peut entraîner des risques de blessures en cas de chute de la personne, ou en cas d’un tir dans la tête ou sur les vaisseaux du cou. C’est pourquoi le Défenseur des droits recommande de respecter, voire d’étendre les zones corporelles de tir interdites pour ne pas mettre en danger l’intégrité physique des citoyens, ainsi que de renforcer la prise en charge médicale de toute personne atteinte par un tir de lanceur de balle de défense ou par un Taser®.

Afin d’envisager un meilleur encadrement des moyens de force intermédiaire, le Défenseur des droits préconise au ministre de l’Intérieur de reconsidérer et préciser les situations exceptionnelles permettant leur utilisation. Cette mesure serait la garantie d’une harmonisation des conditions d’utilisation, et à terme, cela soutiendrait un respect des droits et des libertés individuels généralisé.

À ce jour le Défenseur des droits est encore en attente des suites qui seront données à ses recommandations au ministère de l’Intérieur.

Le 11 juin 2014


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