un projet de loi qui peut conduire aux « pires débordements de l’Allemagne nazie »


article de la rubrique justice - police > rétention de sûreté, etc.
date de publication : jeudi 21 février 2008
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Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, mardi 8 janvier 2008, Elisabeth Guigou a vigoureusement dénoncé le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. L’ancienne Garde des sceaux a estimé que le projet de loi pouvait conduire aux « pires débordements de l’Allemagne nazie » [1] .

Quelques jours plus tard un militant de Resf passait en justice pour avoir outragé en 2006 Nicolas Sarkozy en comparant sa politique en tant que ministre de l’intérieur à celle de l’Etat français sous Vichy. Le 14 février le tribunal le condamnait à 800 euros d’amende.

[Première mise en ligne le 19 janvier 08, complétée le 21 février 2008]

Lutter contre la récidive sans piétiner le droit

par Elisabeth Guigou ancienne garde des Sceaux, députée PS de Seine-Saint-Denis.
Libération, mercredi 23 janvier 2008

Mes propos sur le projet de loi « rétention de sûreté » ont été gravement déformés par le président du groupe UMP sans doute pour remobiliser les députés de la majorité qui ne sont pas tous à l’aise avec ce projet. Ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale : « Vous, madame la ministre, vous, monsieur le rapporteur, anciens magistrats, vous tournez le dos à Beccaria, nourri de la philosophie des Lumières, vous choisissez Lombroso et son "homme criminel". Or, vous le savez, c’est cette philosophie positiviste qui a conduit aux pires débordements de l’Allemagne nazie. »

Le fait que les idées de Lombroso et des positivistes aient servi à justifier les dérives totalitaires est souligné par les traités de droit pénal. On peut lire, par exemple, dans le traité Desportes - Le Gunehec le Nouveau Droit pénal (pages 23 et 24) que pour le courant positiviste « le but du droit pénal n’est pas de punir une faute ou un acte grave, mais de protéger la société contre un homme objectivement dangereux, comme un corps malade doit se protéger des microbes. […] Aux peines classiques doivent se substituer des mesures de défense, ou mesures de sûreté d’une durée indéterminée, dont l’objet est de supprimer l’état dangereux de l’individu. […] L’enfer des camps nazis, ou du moins le chemin qui y menait, n’était-il pas pavé des bonnes intentions positivistes ? ».

Les intentions du gouvernement, évidemment, ne sont pas d’aller vers ces débordements. Toutefois, ce projet de loi, parce qu’il tourne le dos à deux grands principes fondamentaux du droit depuis 1789, peut induire des dérives dangereuses.

Enfermer quelqu’un en prison par une décision judiciaire non pour un acte commis mais pour ce qu’il est et parce qu’on estime qu’il est susceptible de commettre un acte de délinquance bouleverse un principe fondamental du droit respecté depuis la fin de la lettre de cachet : une personne ne peut être incarcérée sur une suspicion de dangerosité, sur une présomption de culpabilité future éventuelle, mais seulement sur un acte commis et prouvé par la justice. Le gouvernement affirme que la rétention prévue par le projet de loi Dati est une mesure de sûreté. Ce n’est pas une mesure de sûreté. C’est une peine de prison rajoutée sans nouvel acte et sans nouveau jugement. Ce projet de loi tourne aussi le dos au principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus dure consacrée par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce principe a toujours été respecté, sauf sous le régime de Vichy pour les lois antijuives. Un amendement introduit par le gouvernement prévoit en effet que la loi pourra s’appliquer aux délinquants sexuels déjà condamnés. La rétroactivité de la loi pénale est contraire à la Constitution ainsi qu’à toutes les conventions internationales que le Parlement et le peuple français ont ratifiées.

Ce texte est d’autant plus inacceptable que l’on peut lutter contre la récidive des délinquants sexuels sans remettre en cause les principes fondamentaux du droit. Trois lois ont mis en place un arsenal juridique qui serait efficace si les moyens nécessaires à son application étaient dégagés : la première loi, que j’ai fait voter en 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, la loi Perben 2 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité en 2004 et la loi Clément en 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

Ces lois ont prévu le suivi psychiatrique des condamnés à une longue peine dès le début de leur incarcération. Francis Evrard a-t-il été soigné en prison alors qu’il y a passé trente-deux ans ? Non ! Le service médico-psychologique régional du centre de détention de Caen où il a été détenu a fermé en juillet 2005 ses 12 lits par manque de psychiatres ! Pourquoi Francis Evrard n’a-t-il eu un rendez-vous avec le juge d’application des peines (JAP) que sept semaines après sa libération en juillet 2007 ? Parce qu’un JAP traite 750 dossiers ! Etait-il soumis à la surveillance judiciaire qui aurait dû l’obliger à se présenter régulièrement au commissariat ? Non ! Francis Evrard avait-il un bracelet électronique mobile qui aurait permis de le suivre dans ses déplacements ? Non ! Cela aurait évité que la justice perde sa trace, qu’il se déplace dans sept départements différents et qu’il récidive une nouvelle fois. Enfin, il y a l’hospitalisation d’office dans un hôpital psychiatrique, le temps nécessaire, d’un condamné libéré mais jugé dangereux, mesure prise par le préfet sur avis médical. Francis Evrard, qui avait déjà récidivé, a-t-il été hospitalisé d’office ? Non ! Les lois existant depuis dix ans pour lutter contre la récidive des délinquants sexuels n’ont donc pas été appliquées par manque de volonté et de moyens. J’ai demandé un bilan avant tout nouveau texte. Refus !

Le projet de loi Dati est destiné à masquer ce grave échec par une fuite en avant législative. Le débat parlementaire a d’ailleurs montré que l’escalade a commencé. Au départ, la rétention de sûreté ne devait s’appliquer qu’aux délinquants sexuels récidivistes sur mineurs. Les amendements de la majorité l’ont étendue à tous les délinquants pour tous les crimes commis sur les majeurs et les mineurs. Jusqu’où ira-t-on ?

Supposez que la loi Dati soit appliquée, que l’un de ces détenus estimé dangereux, enfermé dans un centre, finisse par sortir, sur décision de la commission créée par la loi, et puis qu’une fois sorti il récidive. Quelle solution restera-t-il ? Que dira-t-on aux gens à qui on a fait croire que cet enfermement carcéral était la seule solution ? Qu’y a-t-il d’autre après cette loi qui fait de l’enfermement à vie la solution au problème de la récidive ? La peine de mort ?

Elisabeth Guigou

L’UMP dénonce des « propos indignes » d’Elisabeth Guigou sur le projet de loi sur la rétention de sûreté

[LEMONDE.FR avec AFP, le 9 janvier 2008]

L’ancienne garde des sceaux a estimé mardi que ce texte s’approche d’une philosophie qui a conduit aux « pires débordements de l’Allemagne nazie ». L’UMP lui demande de retirer ses propos et au PS de les condamner.

Au premier jour de l’examen à l’Assemblée nationale, mardi 8 janvier, du projet de loi Dati sur la rétention de sûreté, l’ex-garde des sceaux Elisabeth Guigou (PS) a dénoncé avec vigueur ce texte destiné notamment à créer des centres de rétention, où des auteurs de crimes multiples sur mineurs ou majeurs, y compris ceux condamnés avant la promulgation de la loi, pourront indéfiniment être enfermés, à leur sortie de prison.

La députée de Seine-Saint-Denis a lancé à la tribune de l’Assemblée : « Vous, madame la ministre, vous, monsieur le rapporteur, anciens magistrats, vous tournez le dos à Beccaria nourri de la philosophie des Lumières, vous choisissez Lombroso et son ’homme criminel’. Or, vous le savez, c’est cette philosophie positiviste qui a conduit aux pires débordements de l’Allemagne nazie. » Mme Guigou se référait ainsi à Cesare Beccaria, qui, avec les Encyclopédistes, s’éleva contre la torture et l’inégalité des châtiments selon les personnes, et à Cesare Lombroso (1835-1909), également italien, professeur de médecine légale qui évoquait des criminels-nés, déterminés par leur hérédité et leur morphologie [2].

« CHANGEMENT DE PHILOSOPHIE »

Le président du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé, a, dans un communiqué, « immédiatement condamné ces propos indignes qui ont profondément choqué les élus de la majorité ». « Alors que le Parti socialiste ne cesse de donner des leçons de morale en toutes circonstances, le groupe UMP appelle solennellement le Parti socialiste à condamner ces propos et à exiger de Mme Guigou qu’elle les retire », a-t-il ajouté.

L’ancienne ministre de la justice de Lionel Jospin a confirmé à l’AFP avoir tenu les propos incriminés, mais estimé que les députés UMP « les dénaturent parce qu’ils ne se sentent pas à l’aise » avec le projet de loi. « Je ne dis pas que ce texte veut ces dérives, je dis qu’il peut les entraîner. Le gouvernement et la majorité ne mesurent pas la gravité de ce changement de philosophie dans la justice. Ils tournent le dos aux acquis de la révolution qui veulent qu’on condamne les gens pour ce qu’ils ont fait, pas pour ce qu’ils sont, ni pour ce qu’ils sont susceptibles de faire », a-t-elle ajouté.

La déclaration d’Elisabeth Guigou [3]

Mme Élisabeth Guigou – Ce nouveau projet de loi nous est présenté à la suite de deux faits divers qui ont fortement ému l’opinion : l’agression sexuelle commise sur le petit Enis par un multirécidiviste, et le meurtre de deux infirmières de l’hôpital psychiatrique de Pau, commis par un malade mental. Évitons les réactions émotionnelles pour répondre aux deux seules questions qui vaillent : ce texte améliore-t-il l’efficacité de la loi, et respecte-t-il les valeurs dont la France se prévaut ?

On dénombre chaque année en France plusieurs milliers de viols sur mineurs et 80 homicides. Face à cette tragique réalité, j’espère que nous échapperons aux procès d’intention et aux accusations de laxisme. Tous les élus, sur tous les bancs, veulent éviter la récidive des délinquants sexuels une fois leur peine exécutée et veulent mettre ceux qui demeurent dangereux hors d’état de nuire.

Mais faire croire à nos concitoyens qu’en empilant lois sur lois, on va faire disparaître la délinquance et empêcher tout crime, c’est leur mentir. La seule vraie question est donc celle-ci : votre texte apporte-t-il des réponses efficaces contre la récidive des délinquants sexuels, dans le respect des grands principes qui fondent notre État de droit ? Je ne le crois pas, et voici pourquoi.

Tout d’abord, l’arsenal législatif est très complet. La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, que j’ai eu l’honneur de défendre, a institué l’injonction de soins dès le début de la peine de prison, le suivi socio-judiciaire à l’issue de celle-ci et le fichier national automatisé des empreintes génétiques. La loi Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, en 2004, et la loi Clément relative au traitement de la récidive des infractions pénales, en 2005, ont durci les peines en cas de récidive, prévu d’appliquer le suivi socio-judiciaire sans limitation de durée, étendu le fichier judiciaire avec obligation de se présenter à la police et élargi l’utilisation du bracelet électronique, créé en 1997. Enfin, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs que vous avez vous-même présentée, Madame la ministre, instaure les peines planchers et rend les soins obligatoires.

Ce qui fait problème, ce n’est donc pas la carence de la loi, c’est l’insuffisance des moyens de l’appliquer.

Pendant l’exécution de leur peine, combien de délinquants sexuels bénéficient des soins prévus par les lois en vigueur ? On réduirait considérablement le risque de récidive s’ils étaient suivis médicalement dès le début de leur incarcération, mais les médecins psychiatres ne sont pas assez nombreux pour cela ; les plans de recrutement annoncés n’ont jamais été réalisés. Le service médico-psychologique régional du centre de détention de Caen, où a été détenu Francis Evrard, a fermé ses 12 lits en juillet 2005 par manque de psychiatres !

Vous dites que Francis Evrard a refusé de se soigner, mais le lui a-t-on proposé ? Dans quelles conditions ? Nous exigeons des réponses précises à ces questions, Madame la ministre. La misère de la psychiatrie en prison est d’autant plus alarmante que le nombre de détenus atteints de troubles mentaux a beaucoup augmenté ; la surpopulation carcérale ne fait qu’aggraver la situation. Il faut donc se concentrer sur les moyens, plutôt que sur le vote de nouvelles lois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Qu’en est-il à la sortie de prison des délinquants sexuels ? Ils devraient être soumis à un suivi socio-judiciaire au sens de la loi de 1998 si le jugement l’a décidé, ou à la mesure de surveillance judiciaire prévue par la loi de 2005. Avec 250 juges d’application des peines pour 180 000 personnes à suivre, soit en moyenne 750 dossiers par magistrat, on imagine la qualité du suivi individuel ! Comment se fait-il, Madame la ministre, que Francis Evrard, libéré une troisième fois après 32 ans de prison et alors qu’il avait déjà récidivé deux fois, n’ait pu avoir de rendez-vous avec le juge d’application des peines que sept semaines après sa libération ? Pourquoi n’a-t-il pas été soumis à la surveillance judiciaire ? Pourquoi n’avait-il pas de bracelet électronique ? Pourquoi a-t-il pu changer de département sans que personne ne s’alarme ? Là aussi, je vous demande des réponses précises.

Plutôt que de surfer sur l’émotion, il eût été plus utile de présenter à l’Assemblée un bilan de l’application des lois existantes.

Votre projet, de surcroît, tourne le dos à des principes fondamentaux de notre État de droit. Vous proposez en effet qu’après l’exécution de la peine de prison, on puisse prolonger, sans limitation de durée, l’enfermement des personnes considérées comme d’une particulière dangerosité et susceptibles de récidiver. Or, dans notre droit, une personne ne peut être condamnée sur le fondement d’une présomption de culpabilité future, d’une dangerosité virtuelle, mais seulement sur celui d’un acte commis et prouvé par la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) Vous tournez le dos à un principe issu de 1789 et vous nous proposez une justice d’élimination, s’appliquant aux citoyens non pour ce qu’ils ont fait mais pour ce qu’ils sont censés être ou devenir.

Par ailleurs, prévoir qu’une rétention de sûreté peut être décidée par une commission est contraire à la Constitution : une commission ne peut revenir sur un jugement ; seule une décision de justice peut le faire.

Ce texte comblerait-il un vide juridique ? Pas du tout ! La procédure de l’hospitalisation d’office, prononcée par le préfet sur certificat médical, permet déjà de traiter en hôpital psychiatrique des personnes qui refusent de se soigner et dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte à l’ordre public. Ce dispositif s’applique bien entendu aux détenus. L’hospitalisation d’office est une procédure administrative et médicale ; vous ne devez pas, Madame la garde des sceaux, en faire une décision judiciaire. Il est déjà suffisamment scandaleux que des malades mentaux soient en prison ! Au lieu d’aggraver cette évolution, votre rôle serait au contraire de l’enrayer en obtenant de votre collègue de la santé le recrutement de psychiatres.

À l’appui de votre dispositif, vous évoquez des exemples étrangers. Mais aux Pays-Bas, la « mise sous tutelle judiciaire » se substitue à la peine. Il en est de même en Belgique ; et en Allemagne, le système pénal est beaucoup moins répressif qu’en France.

[...] je voudrais évoquer encore la déclaration d’irresponsabilité pénale. Votre projet fait ressembler la chambre de l’instruction à une juridiction de jugement ; or c’est la distinction entre les deux qui garantit la présomption d’innocence.

Madame la ministre, vous nous présentez au nom du marketing politique un texte dangereux, qui autorise toutes les dérives, toutes les escalades, comme le montrent certains amendements. Madame la ministre, Monsieur le rapporteur, anciens magistrats, vous tournez le dos à Beccaria, nourri de la philosophie des Lumières, vous choisissez Lombroso et son « homme criminel ». Or, vous le savez, c’est cette philosophie positiviste qui a conduit aux pires débordements de l’Allemagne nazie (Très vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Je vous demande, mes chers collègues, de rejeter ce texte dangereux et d’exiger un bilan des lois existantes, en vue de dégager les moyens nécessaires à leur application (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

Un militant du réseau RESF condamné à 800 euros d’amende pour outrage à Nicolas Sarkozy

[AFP 14.02.08 12h11]

Un militant du Réseau éducation sans frontières (RESF) a été condamné jeudi 14 février par le tribunal correctionnel de Paris à 800 euros d’amende pour avoir outragé en 2006 Nicolas Sarkozy en comparant sa politique en tant que ministre de l’intérieur à celle de l’Etat français sous Vichy.

Romain Dunant, un habitant du Jura âgé de 35 ans, également militant de la Confédération nationale du travail (CNT), avait adressé le 19 décembre 2006 un courriel au ministère de l’Intérieur dans lequel il demandait la libération d’un militant marseillais de RESF, Florimond Guimard, placé en garde à vue pour s’être opposé à l’expulsion d’un parent d’élève sans papiers. Dans ce courriel M. Dunant écrivait : "voilà donc Vichy qui revient. Pétain a donc oublié ses chiens (...)". Il critiquait aussi une "politique qu’il faut bien qualifier de raciste" avant d’adresser ses "salutations antifascistes" au ministre.

"PARALLÈLE POLITIQUE"

La 10e chambre correctionnelle a reconnu ce militant coupable d’outrage à personne dépositaire d’une autorité publique et l’a condamné à 800 euros d’amende ainsi qu’à un euro de dommages et intérêts à verser à M. Sarkozy, qui s’était constitué partie civile. Lors de l’audience du 17 janvier, le parquet avait requis une amende de 750 euros au motif que "la liberté d’expression a des limites : c’est l’outrage".

Le prévenu n’avait pas contesté son message, qu’il avait jugé "légitime", mais son caractère outrageant, estimant qu’il y avait "similitude entre la politique actuelle d’expulsions massives de sans-papiers et celle de Vichy". Son avocate avait expliqué que son client avait voulu faire "un parallèle politique". "C’était une politique qui était visée, pas une personne", avait-elle insisté en plaidant la relaxe.

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Un militant de RESF jugé pour avoir comparé la politique de Sarkozy à celle de Vichy

[Dépêches de l’Education, jeudi 17 janvier 2008.]

Un militant du Réseau éducation sans frontières (RESF) et de la Confédération nationale du travail (CNT) a comparu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir comparé la politique de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, à celle de Vichy.

Romain Dunant, un habitant du Jura âgé de 35 ans, avait adressé le 19 décembre 2006 un courriel au ministère de l’Intérieur dans lequel il demandait la libération d’un militant marseillais de RESF, Florimond Guimard, placé en garde à vue pour s’être opposé à l’expulsion d’un parent d’élève sans papiers.
Dans ce courriel adressé au ministre Nicolas Sarkozy, M. Dunant écrivait : « voilà donc Vichy qui revient. Pétain a donc oublié ses chiens » (...). Il critiquait aussi une « politique qu’il faut bien qualifier de raciste » avant d’adresser ses « salutations antifascistes » au ministre.
L’emploi des termes de « Vichy », « chiens » et « raciste » ont valu à leur auteur d’être interrogé par les gendarmes puis cité à comparaître par le parquet de Paris pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique », une infraction passible de six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.

Jeudi devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Romain Dunant n’a pas contesté son message, qu’il a jugé « légitime », mais son caractère outrageant.
Cet animateur dans un collège a estimé qu’il y avait « similitude entre la politique actuelle d’expulsions massives de sans-papiers et celle de Vichy ».
Son avocate, Me Marianne Lagrue, a expliqué que son client avait voulu faire « "un parallèle politique ». « C’était une politique qui était visée, pas une personne », a-t-elle insisté en plaidant la relaxe.

Le procureur a estimé pour sa part que « la liberté d’expression a des limites : c’est l’outrage ». La représentante du parquet a requis une amende de 750 euros à l’encontre de M. Dunant.

Notes

[1Le député Georges Fenech, ancien magistrat, rapporteur pour la commission des lois du projet de loi relatif à la rétention de sûreté avait mis en avant le fait que plusieurs pays démocratiques disposaient de lois similaires. Dans son rapport, il a écrit que « la mesure de “détention-sûreté” (“Sicherungsverwahrung”) a été introduite dans le code pénal allemand en 1933, sous la République de Weimar. Elle permet de maintenir une personne en détention après l’exécution de sa peine, et vise principalement les délinquants récidivistes qui sont susceptibles de représenter un danger pour la société. »
Le Canard enchaîné du 20 février signale que cette loi allemande était signée… du chancelier du Reich de l’époque : Adolf Hitler.

[2Cesare Beccaria, juriste italien de la fin du XVIIIe siècle proche des Encyclopédiste, est auteur d’un traité Des délits et des peines qui préconise pour la première fois de proportionner la peine au délit commis.

Cesare Lombroso, criminologiste italien des années 1900, travailla toute sa vie sur la morphologie des crânes de criminels. Il tenta d’établir qu’un certain type de visage indiquait des prédispositions au crime. Pour lui, certains individus sont « nés pour faire le mal », ce qui rend « inefficaces » les tentatives de la société pour les réhabiliter.
Etant irrécupérables, il vaut mieux « les éliminer complètement ». Ce qui fut mis en application une quarantaine d’années plus tard...[Notes de LDH Toulon]


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