Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a présenté au Conseil des ministres du 9 juillet 2014 un projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. La Ligue des droits de l’Homme réagit ci-dessous aux différents points évoqués dans le compte-rendu du conseil.
La Quadrature du Net appelle les citoyens à se mobiliser pour contrer cette loi dangereuse, inefficace et disproportionnée ; pour cela elle met à disposition le PiPhone qui permet d’appeler gratuitement les députés membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Communiqué LDH
Paris, le 11 juillet 2014
Projet de loi de lutte contre le terrorisme :
l’effet d’annonce et le mépris des libertésLe projet de loi présenté aujourd’hui en Conseil des ministres relatif à de nouvelles dispositions destinées à lutter contre le terrorisme s’inscrit dans la longue lignée des mesures souhaitées par la police, soumises à un Parlement sommé de les voter au nom de la sécurité des personnes et dont l’efficacité, contrairement à sa nocivité à l’égard des libertés publiques, n’est pas démontrée.
Ce projet de loi est dans la filiation des lois de 1986, mais aussi des lois adoptées en 2001 et de celles votées au gré de chaque événement depuis le second mandat de Jacques Chirac. La LDH ne peut que déplorer, en premier lieu, la manière dont ce gouvernement endosse ainsi l’habit de ses prédécesseurs.
En ce qui concerne les limites à la liberté d’aller et venir d’une personne, sous la seule signature du ministre de l’Intérieur, la LDH ne peut que constater, comme le gouvernement, que cela ne suffira pas à empêcher quiconque de quitter le territoire français.
Le fait de retirer du droit de la presse l’apologie du terrorisme pour le soumettre au droit commun, d’une part, et, d’autre part, l’assimilation à une démarche terroriste de la publication de toute information relative à la fabrication d’un explosif (à quand la prohibition des livres de chimie…) laissent à penser que le gouvernement imagine que la bataille des idées se gagne à coup de poursuites judiciaires.
Quant à la création d’une nouvelle incrimination qui permettrait la poursuite d’une entreprise terroriste individuelle, elle n’était pas nécessaire tant l’arsenal législatif qui existe déjà suffit largement à sanctionner tout début d’actes, y compris par le biais de la détention d’armes.
Enfin, et comme à l’habitude, d’autres dispositions, qui ne concernent pas directement ce pour quoi ce projet est officiellement annoncé, viennent, presque subrepticement, renforcer les moyens d’investigations de la police sans aucune garantie pour les libertés publiques et individuelles.
La LDH déplore à la fois la méthode gouvernementale et le projet de loi soumis au vote du Parlement. Elle demande aux parlementaires de ne pas se laisser entraîner sur le terrain où le gouvernement croit devoir traiter une question aussi importante : l’effet d’annonce et le mépris des libertés.
ALERTE CITOYENNE !
Paris, 18 juillet 2014 — Le 22 juillet prochain, la commission des lois de l’Assemblée nationale étudiera le projet de loi « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme », présenté par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. La Quadrature du Net appelle les citoyens à se mobiliser en contactant les membres de cette commission pour contrer cette loi dangereuse, inefficace et disproportionnée.
La plupart des articles contenus dans ce projet de loi instaurent des mesures disproportionnées ou inefficaces au regard de l’équilibre indispensable à conserver, dans une démocratie, entre libertés publiques et lutte contre le terrorisme. L’attention a été portée d’abord sur l’article 9 – qui propose une extension de la responsabilité des hébergeurs dans la surveillance des contenus – et l’instauration de mesures de censure administrative sans juge de sites Internet. Mais c’est la quasi-totalité de ce projet de loi qui tend au contournement du judiciaire dans le cadre des actions policières anti-terroristes, particulièrement dans le domaine numérique.
L’ensemble du projet de loi s’attache à traiter dans le cadre anti-terroriste des actes ou des propos qui sont considérés comme « faisant partie du parcours des terroristes », avant que les actes de terrorisme ne soient eux-même commis ou même directement préparés. C’est une société de la surveillance et de la suspicion qui est ici proposée, dans laquelle la police ou le gouvernement décideraient de censurer Internet, et c’est en ces termes que le débat devra être mené.
La Quadrature du Net s’associe aux nombreuses voix [1] s’élevant contre ce projet de loi et s’oppose vigoureusement au texte dans son ensemble. Il est par ailleurs indigne qu’un texte aussi lourd de conséquences soit examiné en procédure d’urgence, avec une seule lecture par le Parlement. Les nombreux articles s’attaquant à nos libertés fondamentales et l’extra-judiciarisation de la répression sur Internet doivent être supprimés ou revus dans le respect de l’État de droit et des principes démocratiques, comme le PS l’exigeait lorsque Nicolas Sarkozy proposait de telles mesures.
La Quadrature du Net appelle tous les citoyens soucieux de défendre les valeurs fondamentales de la démocratie à contacter les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale sans attendre, pour les exhorter à rejeter le texte dans son ensemble, ou a minima son article 9. Pour cela, l’organisation citoyenne met à disposition le PiPhone, un outil permettant d’appeler gratuitement les députés : cliquez.
Lire également : « Antiterrorisme : le double jeu du gouvernement » de Nicolas Bourgoin : http://bourgoinblog.wordpress.com/2....
[1] Voir notamment le rapport du Conseil National du Numérique, les critiques de Christine Lazerges, présidente de la Commission consultative des droits de l’Homme, d’Alain Jakubowicz, président de la LICRA, ou les observations du Syndicat de la magistrature.