un nouveau fichier administratif détourné à des fins commerciales


article de la rubrique Big Brother > fichiers et fichages
date de publication : mardi 14 novembre 2006
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Surpris de voir dans votre boîte aux lettres des publicités adaptées à vos goûts en matière de voiture ?

Le quotidien Auto-Plus a révélé que le Fichier central des automobiles (FCA), grâce auquel les pouvoirs publics peuvent identifier les véhicules volés ou accidentés, servait aux constructeurs automobiles pour alimenter leurs fichiers clients.

Une preuve de plus de la dangerosité de l’établissement de fichiers pour les libertés individuelles. Ci-dessous, l’article du Journal du Dimanche.


Main basse sur les cartes grises

Le Journal du Dimanche, 12 novembre 2006

Les constructeurs automobiles pris la main dans le sac ? A des fins de promotion commerciale, les fabricants utilisent depuis plusieurs années une base de données personnelles de millions d’automobilistes, comme l’a dévoilé cette semaine le magazine Auto-Plus. Il s’agit du Fichier central des automobiles (FCA).

Cette liste est alimentée avec les renseignements donnés par les conducteurs (adresse, âge, véhicule possédé,...) lorsqu’ils renouvellent leurs cartes grises en préfecture. Le FCA a une vocation de service public : il sert aux autorités pour identifier les véhicules volés ou accidentés. "Il est d’ailleurs officiellement sous tutelle du ministère des Transports", souligne-t-on à la Commission nationale informatique et liberté (Cnil).

Par ailleurs, toutes les marques ont pour priorité de tenir à jour leurs fichiers clients, une démarche commerciale d’autant plus nécessaire que le secteur va mal. Les Peugeot, BMW ou autre Toyota actualisent donc leurs listes de plusieurs manières : en piochant dans l’annuaire, dans les registres de naissance, dans le fichier de changements d’adresse de la Poste, etc. Dans ce contexte, le FCA est évidemment une source de premier choix.

Comment les fabricants ont-ils accès à ce fichier ? En vertu d’une convention datant des années 80, sa gestion est sous-traitée à une association loi 1901, l’Association auxiliaire de l’automobile (AAA). Or celle-ci dépend du puissant Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), le lobby qui veille aux intérêts de sept marques françaises : Renault, Peugeot, Citroën, Heuliez, Panhard, Renault Trucks et Alpine. Le tour est joué.

Les services de marketing direct des constructeurs peuvent ainsi facilement remplir les boîtes aux lettres de courriers étrangement bien informés sur les échéances de contrôle technique ou les goûts du conducteur en matière de motorisation. Les constructeurs se défendent en arguant que cet accès au fichier permet d’alerter plus facilement leurs clients pour des campagnes de rappel lorsque des voitures neuves connaissent des défauts. Mais ce n’est pas tout. Les précieuses données étant payantes, Renault ou Peugeot, en tant que membres du Comité des constructeurs français d’automobiles, sont à la fois clients et patrons du même organisme, l’AAA !

A l’origine, l’Etat avait autorisé ce mélange des genres pour aider les marques françaises à résister à la concurrence étrangère. Aujourd’hui, dans un contexte théorique de libre concurrence, les marques françaises sont donc privilégiées par rapport à leurs homologues étrangères. PSA et Renault disposeraient de données mieux affinées que Toyota ou Fiat. Quant aux petits constructeurs, ils n’ont pas les moyens de se payer ces données. Et doivent se contenter du bottin.

Vendredi, ni le CCFA ni les constructeurs contactés ne souhaitaient s’exprimer, pas plus que le ministère de l’Economie. Idem pour l’AAA, dont on ignore tout du personnel et du budget. Inutile de compter sur son site Internet, qui n’a d’ailleurs pas été déclaré à la Cnil. On n’y entre qu’avec un code.

La Cnil pourrait avoir son mot à dire. Lorsqu’un automobiliste change sa crate grise, il devrait avoir la possibilité de s’opposer à son inscription au fichier, pour l’instant automatique. Or, pour sortir du FCA aujourd’hui, et soulager sa boîte aux lettres, il faut écrire soi-même au minitère des Transports ou à l’AAA.

Par Benoist Simmat

Le Fichier central des automobiles [1]


Chiffres clés

Parc de voitures particulières immatriculées au 1 er janvier 2004 : 30 582 717 - Immatriculations en 2003 : 7 330 884

Textes encadrant ce fichier
- Articles R. 322-1 à R. 322-18 du code de la route,
- Arrêté du 11 octobre 1983 relatif au fichier national informatisé des véhicules immatriculés sur le territoire français,
- Arrêté du 5 novembre 1984 relatif à l’immatriculation des véhicules
- Délibération CNIL n°83-35 du 7 juin 1983

A quoi sert ce fichier ?

Ce fichier a pour objet le suivi des immatriculations et du parc des véhicules en circulation, ainsi que la fourniture d’informations statistiques et nominatives :

- à certaines administrations (cf. infra - Qui peut consulter ce fichier ?) dans le cadre de leurs attributions,
- aux constructeurs français et aux importateurs en France de véhicules dans le cadre du développement des activités industrielles ou commerciales du secteur automobile, comme par exemple la réalisation de campagnes marketing.

Qui est responsable de ce fichier ?

Le ministère des transports [2] – la gestion de ce fichier est déléguée à l’Association Auxiliaire de l’Automobile (AAA) dans le cadre d’une convention passée avec le ministère des transports.

Que contient ce fichier ?

1) Il contient des éléments recueillis à l’occasion de la délivrance, de la modification ou de la suppression du certificat d’immatriculation (carte grise) :

- concernant le véhicule : le numéro d’immatriculation, la date d’établissement de la carte grise, la date de première mise en circulation, le genre de véhicule, la marque, le type, le numéro dans la série du type, la carrosserie, la source d’énergie, la puissance administrative, le nombre de places assises, le poids total autorisé en charge, le poids à vide, le poids total roulant autorisé, le numéro et la date de la précédente immatriculation, les dimensions du véhicule, le niveau sonore de référence, le régime de rotation du moteur lui correspondant.
- concernant le propriétaire titulaire du certificat ainsi que, le cas échéant, certaines catégories de locataire (crédit bail, location longue durée, …) : le nom, les prénoms, date de naissance, sexe ou raison sociale pour les entreprises ; le domicile ; la catégorie socio-professionnelle (en douze catégories) ou numéro de Siren pour les entreprises.

2) Il contient également des informations techniques complémentaires concernant le véhicule

3) Pour les entreprises, il est également fait mention du code APE

Quels sont les critères d’inscription dans ce fichier ?

Sont inscrits tous les véhicules pour lesquels une demande de certificat d’immatriculation (Carte grise) a été effectuée, et par conséquent l’identité des personnes morales et physiques propriétaires ou, certaines catégories de locataire (crédit bail, location longue durée, …) d’un véhicule et ayant effectué une demande de carte grise.

Qui peut procéder à une inscription ?

Les services administratifs départementaux d’immatriculation des préfectures.

Combien de temps sont conservées les informations ?

Les informations sont conservées jusqu’à destruction des véhicules concernés lorsqu’elle est connue.

Qui peut consulter ce fichier ?

- les administrations ci-après sont habilitées à avoir communication des informations dans le cadre de leur mission de service public et de leurs attributions réglementaires :
- Le ministère de l’agriculture (renseignements statistiques) ;
- Le ministère de la défense (renseignements statistiques et nominatifs) ;
- Le ministère de l’économie, des finances et du budget (renseignements statistiques et nominatifs) ;
- Le ministère de l’urbanisme et du logement (renseignements statistiques et nominatifs) ;
- Le ministère de l’industrie et de la recherche (renseignements statistiques) ;
- Le ministère de l’intérieur et de la décentralisation (renseignements statistiques et nominatifs) ;
- Le ministère des transports (renseignements statistiques et nominatifs).
- L’Association Auxiliaire de l’Automobile
- Les constructeurs français ou les importateurs en France de véhicules, sous réserve d’un agrément donné par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Comment sont informées les personnes fichées ?

Une mention d’information figure sur les formulaires de demande de certificat d’immatriculation d’un véhicule. Dans l’hypothèse où l’immatriculation est effectuée par le concessionnaire, celui-ci doit informer ses clients conformément à la loi « informatique et libertés ».

Comment obtenir communication et/ou rectification des données ?

Le droit d’accès et de rectification s’exerce auprès du Préfet du département ou du ministre chargé des transports – Arche de la Défense – 92055 La Défense Cedex.

A NOTER

L’Association Auxiliaire de l’Automobile (A.A.A.) assure la gestion matérielle du FCA. Elle agit dans le cadre d’une convention passée avec le ministère des transports. Elle est également en charge des relations avec les constructeurs : communication des données et respect des conditions fixées par l’agrément du ministère des transports.

A l’occasion d’une sollicitation commerciale, les personnes concernées peuvent exercer leur droit d’accès et de rectification auprès de l’Association Auxiliaire de l’Automobile (A.A.A.), 2 rue de Presbourg, 75008 Paris. A cette occasion elles peuvent aussi s’opposer à ce que leurs données soient transmises à des fins de prospection aux constructeurs français et importateurs en France de véhicules. Ces demandes sont également traitées par l’A.A.A.

Notes

[1Fiche disponible sur le site de la CNIL.

[2Voir la fiche descriptive du FCA sur le site du ministère.[Note LDH-Toulon]


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