Alors que les administrations britanniques continuent à semer à tous vents les données personnelles qui leur sont confiées, plusieurs dizaines de milliers d’Allemands déposaient devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe un recours contre une loi concernant le stockage des données de communication.
Les libertés individuelles sont trop importantes pour être abandonnées au bon-vouloir des gouvernements et des administrations. Les citoyens sont responsables de leur respect.
C’est du jamais-vu dans l’histoire de la République fédérale allemande. Près de 30 000 personnes veulent saisir la Cour constitutionnelle de Karlsruhe pour stopper une législation sur le stockage des données de communication, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2008. Un recours a été déposé lundi 31 décembre par un avocat berlinois à l’initiative du Cercle de travail sur la sauvegarde des données, un regroupement de citoyens et de membres de diverses associations et organisations.
Cette loi qui transpose une directive européenne impose aux fournisseurs de téléphonie et d’Internet d’enregistrer les données de communication pendant six mois. Pour faciliter la recherche de criminels et de terroristes, les pays de l’Union européenne avaient décidé en février 2006 de modifier leurs législations dans ce sens.
Le texte voté le 9 novembre 2007 par le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, prévoit le stockage des numéros de téléphone, adresses Internet, date et heure des échanges téléphoniques ou électroniques et non pas l’enregistrement du contenu des conversations téléphonique ou des courriers électroniques. Ces informations pourront être mises à la disposition de la police, des tribunaux et des services de renseignements.
Ce texte de loi suscite une vague de protestations depuis plusieurs mois. En Allemagne, le renforcement du pouvoir des services de sécurité reste un sujet délicat en raison du passé nazi puis communiste. En novembre, juste avant l’adoption de la législation par le Bundestag, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté dans plus de quarante villes à l’appel du Cercle de travail sur la sauvegarde des données. D’autres manifestations ont suivi, dont la dernière a eu lieu à Hambourg lundi 31 décembre. Un cortège de quelques centaines de personnes a défilé aux côtés d’un cercueil pour faire le " deuil de la sphère privée ".
« L’Etat qui surveille »
" Il s’agit d’une grave atteinte au système de valeurs de l’Etat de droit ", souligne le communiqué du Cercle. Pour la majorité des opposants, cette législation constitue d’abord un pas de plus vers " l’Etat qui surveille ". De leur côté, les médecins, journalistes et avocats dénoncent un texte qui remet en cause le respect du secret professionnel. Des représentants du parti libéral (FDP) ont également annoncé qu’ils porteraient plainte devant la Cour constitutionnelle.
Les entreprises de télécoms se plaignent pour leur part des coûts engendrés par la nouvelle législation. Les entreprises ont jusqu’à la fin de l’année 2008 pour se mettre en conformité. De fortes amendes s’appliqueront ensuite à partir de 2009.
La Cour constitutionnelle a indiqué qu’elle n’examinera pas le recours des 30 000 plaignants avant le 2 janvier. Si les juges acceptent la requête, l’entrée en vigueur sera bloquée jusqu’à ce que la Cour se prononce sur le contenu de cette loi. Dans le cas contraire, la législation continuera à s’appliquer jusqu’à ce que les juges rendent leur décision sur le fond.
Compléments[Reuters]
L’avocat berlinois Meinhard Starostik a officiellement déposé cette plainte devant la Cour de Karlsruhe (sud-ouest). Il se déclare optimiste quant aux chances de voir la loi abrogée.
La loi contestée prévoit que les opérateurs de télécoms devront à partir du 1er janvier 2008 garder trace pendant six mois de toutes les conversations téléphoniques et des connexions internet, en application d’une directive européenne sur la lutte anti-terroriste.
Données conservées sur les conversations téléphoniques
Les plaignants affirment que cette nouvelle législation va notamment menacer le travail d’investigation des journalistes, qui auront plus de mal à protéger leurs sources. Ils s’inquiètent également des conséquences pour les services d’écoute des personnes en difficulté, comme SOS Amitié, par exemple. Les opérateurs de téléphonie devront conserver des données sur chaque conservation téléphonique : date, heure, identité de l’appelant et de l’appelé, localisation de l’interlocuteur dans le cas des téléphones portables.
Directive européenne après les attentats de Londres
A partir de 2009, le fichier devra également recenser les moments où un ordinateur donné s’est connecté à internet – mais pas quels sites ont été visités –, et qui a envoyé un courriel à qui, à quel moment. Le contenu des conversations ou des courriels n’est toutefois pas concerné par ce stockage.
L’Allemagne se met ainsi en conformité avec une directive européenne adoptée début 2006 à la demande du Royaume-Uni, qui souhaitait renforcer les moyens de lutte anti-terroriste après les attentats de Londres en juillet 2005.
Nouveau scandale en Grande-Bretagne
Après avoir appris que les données personnelles des 7 millions de familles bénéficiaires des allocations familiales avaient été malencontreusement égarées, les Britanniques viennent d’être informés de la “perte” d’un nouveau cédérom contenant les données personnelles de centaines de milliers de Britanniques [1].
Au cours des deux derniers mois, les bévues de ce type se sont multipliées, et des millions de personnes sont désormais concernées.[23/12/2007 - 10h28] Et une boulette de plus ! Neuf centres de santé britanniques ont perdu les données personnelles de leurs patients, un nouveau scandale qui pourrait concerner plusieurs centaines de milliers de personnes, a révélé dimanche le Sunday Mirror.
Un porte-parole du ministère de la Santé a reconnu la grosse bêtise... avec un gros bémol, en concédant seulement qu’un "petit nombre de centres ont fait état de défaillances dans leurs propres règles de sécurité". Le ministère a affirmé ignorer combien de personnes étaient affectées, mais assuré que rien n’indiquait que ces informations personnelles soient tombées dans de mauvaises mains.
Une série de "boulettes"... et toujours pas de solution
Selon le Sunday Mirror, c’est - encore une fois - un cédérom, contenant les noms et adresses de 160.000 enfants, qui a été égaré par le centre de City et Hackney, à Londres. Le tabloïd donne les noms des autres organismes concernés, mais sans plus de détails sur la nature des informations perdues.
En moins d’un mois, le gouvernement britannique a annoncé plusieurs bévues du même genre en matière de gestion de données personnelles sensibles. Le fisc a ainsi reconnu le 21 novembre avoir égaré deux disques informatiques qui contenaient des fichiers d’allocations familiales concernant 25 millions de personnes.
Le 11 décembre, la perte par la poste de deux cédéroms contenant les noms et adresses de quelque 6000 automobilistes nord-irlandais a été annoncée. Le même jour, la police britannique a reconnu que des renseignements concernant des prisonniers (noms, dates de naissance, casier judiciaire) avaient été envoyés à la mauvaise adresse. Enfin, le 17 décembre, le gouvernement a annoncé qu’un disque dur contenant des informations personnelles de plus de trois millions de candidats à la partie théorique du permis de conduire au Royaume-Uni avait été égaré par un sous-traitant privé aux Etats-Unis.
[1] D’après LCI.fr : http://tf1.lci.fr/infos/high-tech/0....