Qui, à Toulon, ne se souvient du slogan de 1995 : « FN tête haute, mains propres » ? [1]
Et maintenant, la réalité... La gestion de l’association Jeunesse toulonnaise par l’équipe de Jean-Marie Le Chevallier a laissé en 2001 une ardoise évaluée à 15 millions de francs. L’adjointe chargée de la jeunesse, Cendrine Le Chevallier, avait englouti tout l’argent du service jeunesse dans un projet de maison de vacances – le Vallon du Soleil – au détriment des centres aérés, qui accueillaient les enfants des familles les plus démunies. Les époux Le Chevallier ont été condamnés en appel à 8 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour détournement de fonds publics et complicité d’abus de confiance.
Aujourd’hui le Conseil d’État solde les comptes : selon la Marseillaise, la ville de Toulon devra régler 2,14 millions d’euros assortis de dix années d’intérêts capitalisés au liquidateur de Jeunesse toulonnaise.
L’épilogue ruineux de Jeunesse toulonnaise
par David Coquille, La Marseillaise, le 4 janvier 2011 [2]
Le Conseil d’État [3] solde les comptes d’un scandale frontiste qui coûtera plus de 2 millions d’euros à la Ville.
La mairie de Toulon devra bien régler 2,148 251 millions d’euros assortis de dix années d’intérêts capitalisés au liquidateur de Jeunesse toulonnaise, cette calamiteuse association de l’époque frontiste, qui avait en gestion l’animation des centres de loisirs de la ville.
Dix ans après la condamnation de l’ancien maire FN, l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 décembre 2010 a définitivement clos ce scandale politico-financier des années frontistes, non sans rappeler que « les fautes commises par la commune de Toulon en tant que collectivité assurant la direction effective de cette association engageaient sa responsabilité à l’égard des créanciers de l’association ».
Jusqu’à 205 salariés et quelques fictifs
15 millions de francs, c’est l’ardoise pharaonique laissée par les dirigeants de cette singulière association paramunicipale liquidée en mars 1999. Et l’on sait comment. Créée en 1995 par Cendrine Le Chevallier, l’épouse et virulente adjointe à la jeunesse de l’ancien maire ex-FN (1995-2001), l’association gérait sans compter des centres de loisirs jusqu’en Bretagne et s’était lancée dans le projet ruineux du Vallon du Soleil. Elle employait jusqu’à 205 salariés souvent recrutés pour leur sympathie politique et dont trois emplois seront déclarés fictifs par la justice au premier rang desquels celui du directeur général adjoint.
Par la grâce d’une avantageuse délégation de service public, Jeunesse toulonnaise absorbait jusqu’à 90 % des subventions allouées dans le cadre du contrat de ville, asséchant d’autres structures plus anciennes qui accueillaient des enfants des couches sociales modestes, façon d’instaurer dans les faits la préférence nationale. En mars 1999, le gouffre était tel qu’elle n’échappait pas à la liquidation tandis que Jean-Marie Le Chevallier « municipalisait » les centres aérés et la base nautique pour conserver 61 emplois des 160 alors comptabilisés par le mandataire judiciaire, Henri Bor qui se retournait contre la mairie en 2005. Contacté hier, ce dernier nous faisait savoir, sans autre commentaire, qu’il n’avait pas eu connaissance de l’arrêt.
Détournement de fonds publics
L’affaire était devenue le symbole érigé en caricature du clientélisme clanique, de l’incompétence et des malversations de la mairie FN. Se gardant bien d’une ouverture d’information judiciaire, le parquet de Toulon avait gardé l’affaire en enquête préliminaire et c’est sur une citation directe que les époux Le Chevallier avaient été traduits puis condamnés en correctionnelle puis devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence où ils écopaient, le 19 décembre 2001, de 8 mois de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende pour détournement de fonds publics et complicité d’abus de confiance, ainsi que 44 000 euros en réparation de l’emploi fictif de Christian Serretta, le directeur général adjoint de l’association.
Une ardoise qui a beaucoup d’intérêts
En 2005, le tribunal administratif de Toulon avait d’abord estimé que la collectivité ne devait pas être rendue responsable de la banqueroute d’une structure où le maire et son épouse s’étaient personnellement impliqués. Puis le 13 mai 2008, la cour administrative d’appel de Marseille jugeait que Jeunesse Toulonnaise avait bel et bien fonctionné sous la responsabilité de la commune qui en avait la « gestion effective ». Pour preuve, de nombreux adjoints siégeaient à son conseil d’administration. La commune avait porté le dossier devant le Conseil d’Etat après avoir obtenu un sursis à l’exécution du jugement en référé suspendant le paiement des 2,148 millions d’euros.
Interrogé, le cabinet d’Hubert Falco, sénateur-maire (UMP) de Toulon, indique que les 2,148 millions d’euros ont été réglés en février et mars 2010 au liquidateur et que 700 000 euros sont d’ores et déjà provisionnés pour rembourser les intérêts. C’est les Toulonnais qui vont être contents.
La nouvelle vie de Jean-Marie Le Chevallier
Var Matin, le 4 juin 2009
Lunettes « Lacoste », chemise ouverte, à cheval sur son scooter, il traverse tel fend-la-bise les quartiers chics de la capitale depuis son bel appartement du quai Louis Blériot, dans le XVIe arrondissement, avec vue sur la tour Eiffel et le pont Mirabeau sous lequel coule La Seyne... pardon la Seine. Le blazer bleu est au placard et son éternelle cravate à fleurs de lys a disparu. « Je la ressors pour les enterrements ».
La Ville doit payer la dernière ardoise du Front national
C. H.-Blanchard, Var-Matin, le 8 janvier 2011
Fin du feuilleton « Jeunesse toulonnaise » et mauvaise nouvelle pour la Ville. Un arrêt du conseil d’État en date du 23 décembre 2010 a rejeté le pourvoi de la commune qui demandait l’annulation des intérêts dans le cadre du contentieux entre feu l’association paramunicipale de l’époque frontiste et son liquidateur. Après avoir versé 2,148 millions d’euros au titre du préjudice subi par les créanciers, la Ville va devoir s’acquitter des intérêts courant depuis le 3 janvier 2000. La somme de 700 000 euros a déjà été provisionnée sur le budget 2011 a-t-on indiqué au cabinet du maire.
Le conseil municipal attend la note définitive, celle qui devrait reléguer au rang des mauvais souvenirs le scandale politico-financier qui avait divisé y compris au sein de la majorité de l’époque.
Un instrument du FN
En 1995, l’adjointe à la jeunesse et épouse du maire Cendrine Le Chevallier avait d’abord transformé l’association Clas (centre de loisirs et d’animation scolaire) en Jet (jeunesse enfance toulonnaise), puis en JT (Jeunesse toulonnaise), une association qu’elle contrôlait habilement au moyen d’une délégation de service public.
Mais très vite, JT était devenu un instrument visible du clientélisme municipal, en même temps qu’un moyen d’employer de fidèles serviteurs des époux Le Chevallier. Le couple avait d’ailleurs été condamné par le tribunal de grande instance de Toulon dans une affaire d’emploi fictif.
Cendrine Le Chevallier avait poussé le contrôle jusqu’à cumuler les fonctions d’adjointe et de présidente de JT jusqu’à ce que le préfet la rappelle à l’ordre pour gestion de fait.
Jeunesse toulonnaise, c’est l’histoire de la grenouille qui voulut se faire aussi grosse que le boeuf. Embauche sur embauche (jusqu’à 205 salariés), achats de propriétés. Cendrine Le Chevallier rêvait de Bretagne. Plus près de Toulon, elle fit racheter le Vallon du soleil à La Crau. JT s’enfla si bien qu’elle en creva en 1999.
2005 : premier jugement favorable à la Ville
En 2005, le tribunal administratif de Nice avait considéré que la Ville n’était pas responsable de la mauvaise gestion de l’association et que les époux Le Chevallier étaient impliqués « à titre personnel ». Le 13 mai 2008, la cour administrative d’appel de Marseille avait jugé, elle, que « les fautes commises par la commune de Toulon en tant que collectivité assurant la direction effective de cette association engageaient sa responsabilité à l’égard des créanciers ». Elle avait condamné la commune à verser la somme de 2 148 251,81 euros correspondant au passif de l’association, cette somme portant intérêt à compter du 3 janvier 2000. La commune avait alors décidé de porter l’affaire devant le conseil d’État pour s’éviter au moins le paiement des intérêts. L’arrêt du 23 décembre, rejetant la demande de la commune, vient de solder définitivement le contentieux, mettant fin à un feuilleton qui fait mal au porte-monnaie toulonnais.
[1] Rappelons que Jean-Marie Le Chevallier a gagné l’élection municipale de Toulon, à la tête d’une liste FN, le 18 juin 1995, grâce à une triangulaire, avec 37 % des voix au second tour, contre 35 % pour la liste conduite par le maire sortant, François Trucy (RPR-UDF), et 28 % pour la liste de gauche conduite par Christian Goux.
Il devait être éliminé dès le 1er tour de l’élection municipale de mars 2001, qui a vu la victoire au 2ème tour de Hubert Falco.
[2] Cet article a été publié le 4 janvier dans l’édition des Bouches du Rhône de La Marseillaise, et repris le 6 janvier dans l’édition du Var.
[3] [Note de LDH-Toulon] Les arrêts du Conseil d’État – N° 317035