salles de consommation de drogue supervisées : Fillon dit NON


article de la rubrique libertés > drogues
date de publication : vendredi 20 août 2010
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Encore une décision arrêtée sans débat et dont la seule motivation est un électoralisme à courte vue.


Toxicomanie : électoralisme contre santé publique

[Editorial du Monde daté du 17 août 2010]


Les problèmes complexes devraient appeler des réponses nuancées. La création de "salles d’injection" pour les toxicomanes est de ceux-là. Expérimentés depuis des années dans des pays aussi variés que les Pays-Bas et l’Australie, l’Allemagne et la Norvège, l’Espagne ou le Canada, ces centres permettent à des drogués, en particulier les héroïnomanes, de s’injecter la drogue dont ils sont dépendants. Mais de le faire dans des conditions d’hygiène, de sécurité et d’accompagnement garanties par des professionnels, médecins, addictologues et psychologues. Plutôt que dans la rue et dans des conditions le plus souvent abominables.

Le 19 juillet, la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, avait annoncé son intention d’ouvrir une concertation avec quelques villes pour expérimenter de telles salles d’injection en France. Sa collègue Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la famille, avait approuvé cette initiative. Le maire de Marseille, et vice-président de l’UMP, Jean-Claude Gaudin, s’était déclaré candidat pour tenter l’expérience.

Pourtant, François Fillon a tranché, sèchement. Dans un communiqué publié mercredi 11 août, le premier ministre a jugé que la création de ces salles d’injection ne serait "ni utile ni souhaitable". Cette fin de non-recevoir brutale est, si l’on ose dire, stupéfiante. Il y a quelques semaines, un rapport approfondi établi par l’Inserm, à la demande de la direction générale de la santé, a dressé un bilan des expériences étrangères. Bilan nuancé, mais globalement positif. Selon ces experts, ces centres permettent d’atteindre les toxicomanes à "haut risque" et "ont fait leurs preuves sur la réduction de la morbidité et de la mortalité associées aux overdoses".

En outre, ces centres favorisent une "diminution des maladies et comportements à risques" (abcès, transmission du sida ou de l’hépatite C). En revanche, le rapport de l’Inserm ne tranche pas la question de savoir si ces centres favorisent ou permettent de réduire la consommation de drogue. Bref, de manière prudente, l’Inserm conclut que ces salles d’injection peuvent être une "mesure complémentaire" dans un dispositif global de santé publique destiné à prendre en charge les toxicomanes les plus exposés. C’est sur cette base que Mme Bachelot avait annoncé des expérimentations.

Le veto du premier ministre est donc clair. Des deux arguments qu’il invoque, le premier est caduc : les salles d’injection ne sont pas "inutiles". Reste le second, et le seul en réalité : à ses yeux, elles ne sont pas "souhaitables". Au moment où le président de la République et le gouvernement ont engagé une offensive généralisée pour la défense de l’ordre et de la loi - et la consommation de drogue est interdite par la loi -, ils ont voulu afficher une fermeté inflexible. Et ne pas apparaître laxistes aux yeux du noyau le plus traditionnel de la droite, voire le plus réactionnaire.

Une nouvelle fois, de lourds problèmes de société sont donc instrumentalisés pour des motifs étroitement politiques et électoralistes. Sans débat, ni pédagogie. Une nouvelle fois, cette attitude est condamnable.


“Salles de shoot” :
les associations déçues après une réunion à Matignon

[LeMonde.fr avec AFP, le 19 août 2010 19h18, maj à 20h52]


Les défenseurs des salles de consommation de drogue supervisées, accompagnés de la Prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi, ont exposé, jeudi 19 août, leurs arguments devant le premier ministre. Cette réunion intervient une semaine après la fin de non-recevoir de l’exécutif sur cette question.

Reçues par le directeur de cabinet de François Fillon, Jean-Paul Faugère, les associations ont regretté à l’issue de la réunion, qui a duré une heure, que leur interlocuteur soit resté sur une opposition de principe. Matignon avait estimé que les "salles de shoot" n’étaient ni "ni utiles ni souhaitables en France".

"Il va réétudier le dossier avec le premier ministre mais il apparaît qu’on n’est pas d’accord", a déclaré à la presse Pierre Chappard, coordonnateur du Collectif du 19 mai qui regroupe ASUD, Act Up, Anitea, SOS Hépatites, Safe, Gaïa et le collectif salledeconsommation.fr.

Des “données scientifiques”

"On espère pouvoir retomber sur quelque chose de raisonnable, on voulait lever un certain nombre de quiproquos", a ajouté Jean-Pierre Couteron, président de l’Anitea [intervenants en toxicomanie et addictologie], qui s’est dit "surpris" de constater "la vision simplificatrice et un peu naïve" de Matignon sur ce problème.

Françoise Barré-Sinoussi, qui avait identifié le virus du sida en 1983 avec le Pr Luc Montagnier, était venue apporter une caution scientifique aux arguments des associations de réduction des risques. "J’ai l’impression que les données scientifiques publiées dans les pays où existent des salles de consommation ne comptent pas", a-t-elle regretté, soulignant qu’"on nous a beaucoup parlé de convictions alors que moi, je parle de données scientifiques".

Des salles de consommation existent dans plus de quarante-cinq villes de huit pays, (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Espagne, Norvège, Suisse, Canada et Australie), destinées aux toxicomanes les plus précarisés et en dehors de tout dispositif de soins, c’est-à-dire une minorité.

“Passez le pas !”

"Regardez ce qui a été fait autrefois" avec les ministres de la santé de droite Michèle Barzach (vente libre de seringues en 1987) et Simone Veil (produits de substitution en 1994) malgré une vive opposition aux premiers pas de la politique de réduction des risques, a estimé la Prix Nobel. "Faites-le aussi, passez le pas !" a-t-elle lâché. Selon les estimations des associations de terrain, Paris compterait entre 500 et 1 500 usagers de drogue potentiellement concernés, un petit millier à Marseille.

P.-S.

Des salles de consommation de drogues en ville ?

Entretien avec Laurent El Ghozi, président de l’association « Élus, Santé Publique et Territoire ».
par Nadine Roudil & Laurent El Ghozi, le 28/02/2011 :
http://www.metropolitiques.eu/Des-salles-de-consommation-de.html


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