renouvellement de papiers d’identité : le gouvernement annonce une modification “en profondeur” de la réglementation


article de la rubrique discriminations
date de publication : mardi 2 mars 2010
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La Ligue des droits de l’Homme (LDH) avait annoncé jeudi 25 février 2010 son intention de saisir la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) sur la question des difficultés rencontrées par certains Français pour renouveler leurs papiers d’identité. Ces Français nés à l’étranger, ou nés en France de parents étrangers ou devenus français par naturalisation, soit "plusieurs millions de personnes", subissent "un traitement discriminatoire" par rapport à leurs concitoyens, avait dénoncé Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH. Les "pratiques administratives" visant à demander aux personnes de prouver leur nationalité sont "illégales". En effet, "si vous avez vécu avec des papiers de Français pendant dix ans, vous êtes français, et si l’administration a des doutes, c’est elle qui doit en faire la preuve", a-t-il affirmé, se référant à l’article 21-13 du Code civil. "Toute personne est désormais suspecte d’avoir fraudé la nationalité française", avait-il ajouté, voyant là "l’obsession de la chasse à l’étranger qui, de proche en proche, finit par toucher celui qui ressemble à l’étranger". [1]

Dans un communiqué daté du 1er mars 2010, le ministre de l’Intérieur nous apprend que le gouvernement a décidé de simplifier de “manière radicale” les démarches de renouvellement des papiers d’identité. Mais la LDH conteste toute valeur juridique à cette annonce : "il faudrait que le ministre apprenne la Constitution : une circulaire ne peut pas changer la réglementation", explique Jean-Pierre Dubois, le président de la LDH, en dénonçant un "coup médiatique". L’association souligne d’ailleurs que les circulaires précédentes n’ont pas été suivies d’effet.

Le ministère rétorque que la circulaire vise à simplifier les procédures avant la publication d’un décret en Conseil d’Etat qui donnera un cadre juridique à ces nouvelles règles. Selon le ministère, le décret devrait être présenté devant la haute juridiction administrative d’ici à la fin de la semaine [2].

[Mise en ligne le 26 février 2010, mise à jour le 2 mars]



Voir en ligne : la harangue du ministre à ses préfets

Communiqué de presse

Simplification des démarches administratives pour l’obtention de la carte d’identité et du passeport

Le 1er mars 2010 19:05

« Face aux trop nombreuses tracasseries administratives rencontrées par certains de nos concitoyens lors de la première demande et surtout du renouvellement de leurs titres d’identité, j’ai souhaité une réponse adaptée. J’agis avec un principe simple : dans la République dans laquelle nous vivons, tous les Français sont égaux devant la loi. Quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité française, quelle que soit leur histoire personnelle, ils ont évidemment le droit de renouveler leur titre d’identité dans les mêmes conditions que l’ensemble de nos compatriotes.

J’ai donc décidé de changer en profondeur la règlementation, souvent trop tatillonne, afin de simplifier la tâche de l’ensemble de nos concitoyens. Nous signons, ce jour, avec Bernard KOUCHNER, une circulaire aux préfets, aux ambassadeurs et aux consuls. Qu’il s’agisse d’une première demande, d’un renouvellement, d’une perte ou d’un vol, cette circulaire simplifie de manière radicale les démarches administratives pour l’ensemble de nos concitoyens.

Ces nouvelles règles reposent sur trois principes.

  1. La carte nationale d’identité et le passeport sont désormais interchangeables : la présentation d’une carte nationale d’identité plastifiée permet sans aucune difficulté d’obtenir un passeport. De même, la présentation d’un passeport électronique ou biométrique permet d’obtenir une carte nationale d’identité ;
  2. Les démarches à accomplir en cas de renouvellement sont désormais allégées, ce qui raccourcira les délais d’obtention et facilitera grandement la tâche des usagers : la présentation d’une carte nationale d’identité plastifiée ou d’un passeport biométrique ou électronique suffit désormais pour renouveler ce titre. S’il est légitime de vérifier l’identité du demandeur pour éviter les usurpations d’identité, la nationalité n’a pas à être vérifiée. De même, l’usager n’a plus à se procurer un acte d’état civil ;
  3. Enfin, dans les cas où elle demeure strictement nécessaire, la vérification de la nationalité est effectuée en priorité à partir des pièces les plus faciles à obtenir par l’usager. A contrario, cela signifie que la saisine du greffe du tribunal d’instance en vue de la délivrance d’un certificat de nationalité française doit ne plus être qu’une solution de tout dernier recours et tout à fait exceptionnelle.

Je réunirai les préfets mercredi, place Beauvau, pour leur demander de mettre en œuvre au plus vite cette nouvelle règlementation sur le terrain. Une réunion avec les directeurs des préfectures en charge des titres d’identité aura lieu dès jeudi. Parallèlement, je vais écrire à l’ensemble des maires de France pour leur donner toutes les indications utiles pour mettre en œuvre cette réforme dans les services d’accueil des mairies. Une brochure didactique et des pages Internet permettront à chacun de constater à quel point leurs démarches ont été simplifiées.

Sans remettre en cause la nécessaire lutte contre la fraude, j’ai voulu répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. Nous mettons, ainsi, un terme définitif à des exigences règlementaires inutiles et profitons de cette occasion pour simplifier les démarches administratives de tous nos concitoyens ».

Brice Hortefeux
ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales


Une circulaire de Brice Hortefeux qui n’a eu aucun effet

par Catherine Coroller, le 25 février 2010 [3]


« Les choses ne bougent pas ». Selon Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la circulaire qu’a envoyée Brice Hortefeux aux préfets, le 9 février pour leur demander de faciliter la délivrance de papiers d’identité aux Français nés à l’étranger ou de parents nés à l’étranger, n’a eu aucun effet.

« Les choses ne pouvaient pas changer, explique-t-il. Les guichetiers sont élevés dans une culture de la suspicion. Ils n’ont pas reçu de formation au droit de la nationalité, qui est assez complexe. Ils ne vont pas changer d’attitude du jour au lendemain. D’autant qu’ils ne lisent pas les circulaires du ministère de l’Intérieur. Et qu’ils n’en savent que ce que leur chef de bureau leur aura résumé ».

Michel Tubiana s’exprimait, ce matin, lors d’une conférence de presse organisée par la Ligue des droits de l’Homme. Cette association a lancé, le 18 janvier dernier,– avec le cinéaste Daniel Karlin – un appel contre le « traitement discriminatoire aux Français nés à l’étranger, ou nés en France de parents étrangers ou devenus français par naturalisation ».
Au 24 février, cet appel avait recueilli 10206 signatures.

Daniel Karlin et la LDH ont demandé un rendez-vous à Brice Hortefeux. « Il n’a pas jugé utile de nous l’accorder », a résumé Michel Tubiana. Le ministre de l’Intérieur prépare un décret censé faciliter le renouvellement des papiers d’identité. « Comme d’habitude, sans concertation », ironise le président d’honneur de la LDH. Lui et Karlin auraient aimé pouvoir lui faire quelques suggestions. Aujourd’hui, c’est au demandeur d’une carte d’identité ou d’un passeport de faire la preuve qu’il est bien français. Les deux hommes veulent que la charge de la preuve soit inversée. En clair que ce soit à l’administration de justifier les doutes qu’elle peut avoir sur la qualité de Français de telle ou telle personne.

La LDH a annoncé qu’elle allait déposer à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) un recours « pour discrimination en raison de l’origine », car « ces pratiques administratives » visant à demander aux personnes de prouver leur nationalité sont, selon elle, « illégales ».

Certaines personnes ne parviennent jamais à prouver leur nationalité. Pour les VIP, c’est sans conséquence : Michel Tubiana confirme qu’un discret bureau, à la préfecture de police de Paris, se charge de régler leur cas.

________________________

La circulaire adressée par Brice Hortefeux le 9 février 2010 pour demander aux préfets de faciliter la délivrance de papiers d’identité aux Français nés à l’étranger ou de parents nés à l’étranger  [4] :

Paris, le 9 février 2010

Le Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

à

Monsieur le Préfet de police
Madame et Messieurs les Préfets de région
Mesdames a Messieurs les Préfets

IOC/K/10 /02588 /J

Objet : Demandes de renouvellement des cartes nationales d’identité et des passeports.
Justification de la nationalité française

Réf. et PJ : Mes circulaires des 2 décembre et 22 janvier derniers

Sans attendre les modifications règlementaires à venir et la circulaire d’ensemble qui vous sera adressée prochainement, je vous demande de considérer dès à présent, s’agissant du renouvellement des cartes nationales d’identité et des passeports, que suffit à prouver la nationalité française du demandeur la présentation :

- d’une carte nationale d’identité sécurisée, dite aussi « plastifiée », délivrée depuis 1995 en application du décret du 19 mars 1987 ;

- ou d’un passeport électronique ou d’un passeport biométrique, délivrés respectivement en application des décrets du 30 décembre 2005 et du 30 avril 2008.

Si l’un ou l’autre de ces documents est produit, vous considérerez que le demandeur est de nationalité française et, en conséquence, vous vous abstiendrez de rechercher une autre preuve de nationalité (possession d’état, certificat de nationalité française ou tout autre document prouvant la nationalité française).

Cette règle n’est évidemment pas applicable en cas de doute sérieux sur le titre ainsi présenté (CNI sécurisée, passeport électronique ou biométrique), c’est-à-dire si ce dernier semble ne pas correspondre au demandeur ou être falsifié.

Vous veillerez à répercuter immédiatement ces consignes à toutes les communes de votre département en demandant aux maires de s’assurer qu’elles sont bien communiquées aux agents qui accueillent les usagers et enregistrent leurs demandes.

Pour le Ministre et par délégation,
Le Préfet, Directeur du cabinet
Michel Bart

La circulaire du 2 décembre 2009, émanant du Bureau de la nationalité, des titres d’identité et de voyage  [5]

Ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques
Sous-direction des libertés publiques
Bureau de la nationalité, des titres d’identité et de voyage

Paris, le 2 décembre 2009

Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

à

Monsieur le préfet de police,
Mesdames et Messieurs les préfets (métropole et outre-mer) et hauts-commissaires de la République,
Monsieur l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna.

Circulaire n° NOR/I0C/D/09/29898/C

Objet : rappel des instructions prévues en matière d’assouplissement des règles relatives à la nationalité française lors du renouvellement d’une carte nationale d’identité.

Réf.  :
- circulaire n° NOR/INT/D/00/00001/C du 10 janvier 2000 relative à l’établissement et à la délivrance des cartes nationales d’identité (pages 11 à 14) ;
- circulaire n° NOR/INT/D/04/00148/C du 31 décembre 2004 relative à l’amélioration des conditions de délivrance de la carte nationale d’identité par application du concept de la possession d’état de Français aux personnes nées à l’étranger ;
- circulaire n° NOR/INT/D/07/00095/C du 24 septembre 2007 relative aux conditions de délivrance et de renouvellement des cartes nationales d’identité.

Résumé : La présente circulaire a pour objet de rappeler la nécessité d’appliquer les dispositions prévues par les circulaires citées en référence et notamment celles de la circulaire du 24 septembre 2007.

Il a été constaté que certains services préfectoraux demandent de façon systématique la production d’un certificat de nationalité française lors d’un renouvellement de carte nationale d’identité. Cette attitude va à l’encontre des mesures de simplification qui ont déjà été prises pour éviter de faire peser de trop fortes contraintes aux demandeurs nés à l’étranger ou nés en France de parents étrangers.

Lorsque ces usagers éprouvent des difficultés à apporter la preuve de leur nationalité française, il revient à vos services de faire application du concept de possession d’état de Français tel qu’il est défini dans les circulaires citées en référence.

J’insiste sur la nécessité d’appliquer les dispositions prévues par ces instructions et en particulier celles figurant dans la circulaire du 24 septembre 2007 qui attachent à la carte nationale d’identité plastifiée dite « sécurisée » une présomption renforcée de la possession de la nationalité française par son titulaire : « si l’usager peut produire une précédente carte plastifiée dite « sécurisée », il s’agira d’un renouvellement et il y aura lieu de considérer que ce titre établit en lui-même une présomption de possession de la nationalité française en faveur du demandeur, sauf élément du dossier qui serait de nature à introduire un doute. »

Vous pourrez en outre rappeler aux services communaux que l’instruction des dossiers de demandes de titres d’identité et notamment l’appréciation des questions de nationalité relève exclusivement de vos services.
Les services communaux se doivent donc de vous communiquer les dossiers de demandes de titres tels qu’ils leur sont soumis, accompagnés, le cas échéant, de l’indication selon laquelle le demandeur sollicite le bénéfice de la possession d’état de Français.

Compte-tenu du caractère sensible de cette question, je vous rappelle que vous pouvez soumettre à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques les demandes pour lesquelles l’application du concept de possession d’état de Français soulève des questions particulières.

Vous veillerez personnellement à la bonne application de ces instructions qui devront être rappelées également aux sous-préfets d’arrondissement.

Pour le ministre et par délégation,
le Préfet. Directeur du cabinet
Michel BART

Notes

[1Référence : AFP – 25/02/2010 à 18:34

[2Référence : « Papiers d’identité : le ministère annonce une procédure simplifiée », par Luc Bronne, Le Monde daté du 3 mars 2010.

[3Référence : le blog de Catherine Coroller.

[4La circulaire au format PDF : http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/C....

[5La circulaire au format PDF : http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/C....


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