rapport sur le maintien de l’ordre : menaces sur la liberté de manifester


article de la rubrique libertés
date de publication : vendredi 29 mai 2015
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Après l’émoi causé par l’homicide d’un manifestant écologiste, Rémi Fraisse, en octobre 2014, par une grenade lancée par un gendarme, une commission d’enquête parlementaire a été créée en décembre pour tenter de comprendre comment les forces de l’ordre avaient pu tuer un manifestant et comment changer les modalités de leur action pour éviter de tels drames.

Que dit le rapport de cette commission, remis le 21 mai ? Par un stupéfiant retournement de raisonnement, les députés qui l’ont adopté ont ciblé essentiellement les manifestants. Et leur principale proposition est de créer une interdiction de manifester pour les personnes signalées par les services de renseignement comme « individus connus en tant que casseurs violents ».

Sans jugement, les policiers seraient ainsi autorisés, avant tout délit, à empêcher telle ou telle personne de participer à une manifestation - un droit pourtant inscrit dans la Constitution et constitutif des libertés publiques. Croisées avec la loi sur le renseignement en cours d’adoption au Parlement, ces méthodes ouvrent la voie à une interdiction de manifester pour toute personne qui sera jugée indésirable par les services de police. [1]


Communiqué du Syndicat de la magistrature [2]

Maintien de l’ordre : la liberté de manifester attaquée

Rémi Fraisse est mort, mais les premiers échos des conclusions de la commission parlementaire sur le maintien de l’ordre - bientôt publiées et déjà rapportés par Médiapart – ne laissent pas de place au doute : « la tradition française de maintien de l’ordre », elle, en sortira indemne.

Tandis que la part belle est faite à des propositions aussi indolores que la formation des préfets, l’incitation à leur présence accrue sur les opérations de maintien de l’ordre et la mise à l’écart des BAC et de leurs mauvaises manières, la liberté de manifester subit les assauts de la commission.

Car c’est bien d’ordre, et non de libertés, que se préoccupe la commission.

En fait d’interdiction générale des flash-balls et autres lanceurs de balle de défense, la commission se borne à proposer l’abandon d’un modèle déjà périmé sur le plan technique. Le nombre des mutilés, de Montreuil à Mayotte, en passant par Nantes et Toulouse ne pèse décidément pas lourd face à la détermination des élus au maintien de l’ordre sécuritaire.

Interdiction il y aura bien : mais de manifester ! Prononcée administrativement, sans débat contradictoire devant un juge, contre quiconque serait susceptible de troubler l’ordre public, cette interdiction vient s’ajouter à la liste des pouvoirs que s’arroge l’administration, au nom de la prévention des risques et menaces : blocage administratif de sites, interdiction de stade, interdictions de sortie du territoire et maintenant, interdiction individuelle de manifester.

Puisque, aux yeux des parlementaires, la violence est le fait des manifestants, alors de manifestants il n’y aura pas, pas plus que de respect de leur liberté fondamentale à l’expression. Comment mieux maintenir l’ordre qu’en étouffant toute contestation à la source ?

Paris, le 21 mai 2015


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