prisons, conditions indignes, assassinats, suicides, surpopulation ...


article de la rubrique prisons > état des prisons
date de publication : mercredi 9 mai 2018
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Il est grand temps de s’interroger sur le sens et l’efficacité des peines, sur les conditions de travail des personnels pénitentiaires, sur une administration centrale à bout de souffle, sur des conditions de détention indignes telles que la France se place, sur 47 membres, au 7e rang des États dont les prisons sont les plus surpeuplées [1]


"Le nombre des femmes détenues s’établit à 3 162, soit 3,8 % des personnes écrouées. Malgré une légère baisse, le nombre de mineurs reste quant à lui à son niveau le plus élevé depuis 2002 (soit 869). La densité carcérale moyenne s’élève à 118,1 % (contre 119,0 % au 1er mai 2017 et 118,3 % au 1er avril 2017) : cette baisse est due à l’ouverture des deux premiers bâtiments du nouvel établissement d’Aix 2 (365 places supplémentaires).

Des situations demeurent problématiques, comme dans la DISP de Toulouse où le taux d’occupation des places femmes augmente de 162 % au 1er avril, à 169 % au 1er mai 2018." (Actu pénitentiaire 27/05/2018)

POURQUOI TANT DE MORTS ? :

"Six détenus sont décédés en à peine plus d’un mois dans la plus grande maison d’arrêt d’Europe : Fleury-Mérogis. Quatre se sont suicidé, deux sont morts dans des circonstances qui restent à préciser, un troisième serait mort par « asphyxie » la semaine dernière à la prison de Seysses, au sud de Toulouse..." [2]

"Entre 2000 et 2010, 2.613 décès ont été comptabilisés par l’administration pénitentiaire. L’estimation du nombre de suicides en prison sur la même période serait comprise entre 1.258 et 1.295, soit près de la moitié."

Un « déficit d’information » suspicieux

"La défiance qui entoure la mort d’un détenu est parfois alimentée par l’administration déplore François Bès, coordinateur du pôle « Enquête » pour l’Observatoire international des prisons (OIP) : « On nous rapporte des cas de familles qui viennent au parloir, mais qui n’ont pas été informées du décès de leur proche et qui l’apprennent sur place. (...) ».

Un constat partagé par Etienne Noël, avocat au barreau de Rouen et spécialiste du droit pénitentiaire et de l’application des peines. « L’administration pénitentiaire n’arrive toujours pas à communiquer de façon claire et humaine là-dessus (…) il y a une telle paranoïa sur la sécurité qu’on en dit le minimum. Idem pour l’institution judiciaire. Dans 90 % des cas, les plaintes des proches pour "non-assistance à personne en danger" sont classées sans suite. Sauf que le parquet leur notifie simplement le décès, mais sans leur expliquer pourquoi !  ». [3]

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Il y a dix ans, à l’initiative de Me Etienne Noël, l’Etat était condamné pour la 1ere fois pour des conditions indignes de détention. [4]

Tué dans une cour de promenade :

"Deux enquêtes ont été ouvertes par la justice pour déterminer les circonstances des décès de deux détenus morts dans l’enceinte de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). L’un d’eux avait été frappé à mort dans une cour de promenade, l’autre retrouvé inanimé dans sa cellule (04/2018). [5]

Refuser les conditions de détention indignes :

** "Le tribunal administratif de Dijon vient de condamner l’État (04/2018), à verser 2 000 euros à la femme d’un détenu de la prison de Nevers . Les faits remontent à 2015. Venue rendre visite à son mari, la victime avait dû retirer sa robe dont les armatures métalliques faisaient sonner le portique. Elle s’était ainsi présentée en petite tenue devant les autres visiteurs et les surveillants. Traumatisée par cet épisode, la victime a également engagé une procédure au niveau européen portant cette fois sur les « restrictions apportées aux visites familiales d’un détenu ». Son époux avait en effet disjoncté en l’apercevant au parloir dans cette tenue. Le procureur avait alors suspendu les visites de son épouse pendant deux mois." [6]

** "La justice va envoyer quatre magistrats à la prison de Fresnes, déjà épinglée pour ses conditions de détention, avec le pouvoir d’ordonner des travaux si l’état des cours de promenade est toujours "attentoire à la dignité humaine" (...) La juridiction a reconnu que "les conditions dans lesquelles se déroulent les promenades des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes excèdent le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et sont, dès lors, attentatoires à la dignité des intéressés". [7]

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Nouveau record de détenus : La population en détention en France est de 70 367 personnes au 1er avril 2018, dont 49 515 condamnés. C’est la 2e fois que la population carcérale franchit le seuil des 70 000 détenus. La capacité d’accueil n’a pas changé : 58 311 places. En comptabilisant les personnes sous surveillance électronique, le chiffre de la population carcérale passe à 82 086 personnes.

"La garde des Sceaux et le Premier ministre Édouard Philippe ont ouvert en octobre cinq grands chantiers : la simplification des procédures pénale et civile, l’organisation territoriale, la numérisation, le sens et l’efficacité des peines. Le champ de la réforme est très large."

Dans ce cadre," face à une surpopulation carcérale chronique, Emmanuel Macron a annoncé une profonde réforme du système des peines, qui proscrira les détentions courtes mais assurera l’application de celles de plus d’un an, tout en multipliant les alternatives en milieu ouvert.

L’objectif n’est plus de 15.000 nouvelles places de prison comme promis pendant la campagne électorale, mais de 7.000 places d’ici 2022." [8]

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Etienne Noël, l’avocat qui lutte contre les conditions indignes dans les prisons, est la « tête de pont » qui a initié, expérimenté ... dans sa foulée, le syndicat des avocats de France (SAF) a publié un « mode d’emploi » procédural pour ceux qui veulent suivre la même voie. [9]

La France compte : 43 centres pénitentiaires ; 6 maisons centrales ; 25 centres de détention ; 98 maisons d’arrêt ; 6 établissements pénitentiaires pour mineurs ; 11 centres de semi-liberté ; 1 établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) [10]

Tristes records :

"Alors même qu’ils n’ont pas le droit de faire grève, les surveillants ont lancé un mouvement de débrayage général le 15 janvier 2018, à la suite de l’agression de trois des leurs par un détenu djihadiste, à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). Le gouvernement a certes lâché du lest, en promettant 1 100 postes en plus et 34 millions d’euros de primes. Le ratio de détenus par agent atteint 2,5 en France, contre 1,5 dans les pays du Nord et en Italie (...)." [11]

"Avec 69 375 personnes incarcérées (pour une capacité d’accueil des établissements pénitentiaires au 1er juillet de 58 311 places), le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint au 1er juillet 2016, un nouveau et triste record. (...) Parmi les détenus, plus de 1 600 doivent se contenter d’un matelas posé sur le sol dans leur cellule (...)" [12]

"En avril 2017, le directeur de l’Administration pénitentiaire, Philippe Galli, nommé en septembre 2016, démissionnait ; dans la même période, la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) prévenait la justice que l’établissement ne pouvait plus accueillir de nouveaux détenus. Son taux d’occupation avait en effet atteint le record de 201%." [13]

Une fois que l’on a dit et redit tout cela ...

Qu’avons nous fait de l’interrogation de Michel Foucault quant à notre relation à la "punition" et au pouvoir. Il est parfois utile de relire "Surveiller et punir" [14] pour que la propension à enfermer les toxicomanes, les « fous », les sans-papiers soit questionnée.

Qu’allons nous faire du rapport remis en janvier dernier par Bruno Cotte et Julia Minkowski au ministre de la Justice. Ce rapport prône "un changement d’état d’esprit « car la surpopulation carcérale et les blocages qu’elle engendre ne sont pas une impasse », comme le rappellent ses auteurs, qui affirment qu’il est « possible de renverser la situation » ; ils reprennent à leur compte certains des éléments clés d’une politique de décroissance carcérale." [15]

Que ferons nous pour que les conditions de travail, de rémunération de certaines catégories de fonctionnaires soient examinées à l’aune des responsabilités qui leur sont confiées et des risques qu’ils encourent ?

M Macron déclarait devant la Cour de cassation : « La surpopulation est un symptôme, et je ne veux pas d’une réforme qui ne cherche qu’à faire tomber la fièvre plutôt que de s’attaquer à la maladie ». Le diagnostic sur la cause de la maladie saura t-il prendre en compte le corps malade dans sa globalité ?

Notes

[13AFP, publié le lundi 03 avril 2017

[14Michel Foucault paru aux éditions Gallimard en février 1975


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