pour Thierry Mariani, le droit français n’est pas comme les coutumes africaines !


article de la rubrique Big Brother > tests ADN pour contrôler l’immigration
date de publication : mardi 18 septembre 2007
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... ni comme les coutumes françaises d’ailleurs !


Mariani et les “coutumes africaines”

par Irène Delse [1]

Pour défendre une politique injuste, on en vient rapidement aux arguments odieux.

Que disait Thierry Mariani, vendredi, dans une interview au Point [2] fort justement épinglée par Le Charançon libéré
 ?

Il y défendait son projet de tests d’ADN pour le regroupement familial. C’est bien joli, lui demandait-on, mais comment faire pour les enfants adoptés ? Eux n’ont pas de lien génétique avec leurs parents, forcément…

Réponse du député :

« Dans ce cas, la législation actuelle s’appliquera. L’article 411-3 du code de séjour des étrangers prévoit qu’en l’absence d’acte de naissance, un certificat d’adoption suffit à l’élaboration du visa. Et puis pour les autres modèles de famille, je suis désolé de dire que le droit français n’est pas comme les coutumes africaines ! »

C’est beau comme du Le Pen, non ?

Cela vaut bien le discours de Dakar de Sarkozy, remarquez. Celui où “l’homme africain” ne se “projette pas dans l’Histoire”. Enfin, l’Histoire que l’on écrit depuis Paris, bien sûr… Pas celle des universités de Dakar, du Caire, de Nairobi ou de Johannesburg.

Combien sont-ils comme lui à garder de l’Afrique une vision à la Stanley et Livingstone ? Le “continent noir”, vous savez, mystérieux, arriéré et incompréhensible…

Je ne sais pas trop à quoi ressemblent, pour Thierry Mariani, les coutumes africaines. Mais si on se penchait sur les coutumes françaises, pour voir ? On ne devrait pas avoir de difficulté à trouver des choses bien exotiques…

Ne cédons pas à la facilité, cependant. Je ne parlerai pas des cas sociaux, mais carrément du haut du panier : les familles de nos plus récents présidents.

François Mitterrand

Tout le monde sait aujourd’hui qu’il a entretenu pendant 35 ans ce qu’on appelle en Afrique de l’Ouest francophone un “deuxième bureau”. Deux vies en parallèle, deux familles… Sous d’autres latitudes, on parlerait de polygamie. Chez nous… On sourit ou on fronce les sourcils, mais on accepte. Et nul n’en tient rigueur à Mazarine Pingeot.

Jacques Chirac

Lui et sa femme ont recueilli en 1979 une jeune vietnamienne, rescapée des boat-people. Pas adoptée : la jeune femme, d’ailleurs majeure, n’était pas orpheline. Mais elle avait tout perdu, le couple Chirac s’en est ému, et ils l’ont accueillie chez eux pendant quelques années, aidée et soutenue dans ses démarches, dans la reconstruction en France de sa vie. Ce que les Chirac ont fait pour Dương Anh Đào (aujourd’hui Anh Đào Traxel), était-ce autre chose que ce que font aujourd’hui bon nombre de Françaises et de Français pour des réfugiés kazakhs ou tamouls ? Pour ceux qui fuient le despotisme chinois ou les guerres de Tchétchénie ou d’Afghanistan ? Mais RESF n’a pas été parrainé par Bernadette. Dommage.

Nicolas Sarkozy

Le premier président français à vivre au sein d’une “famille recomposée”. Outre Pierre et Jean Sarkozy, les fils issus de son premier mariage avec Marie-Dominique Culioli, et Louis, fils de Nicolas Sarkozy et Cécilia Ciganer-Albeniz, il y a Judith et Jeanne-Marie Martin, les filles du premier mariage de Cécilia avec feu Jacques Martin. Toute une tribu. Nul besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre que Nicolas n’a aucun lien biologique avec les filles de Cécilia, ni celle-ci avec les fils de Nicolas et Marie-Dominique. Pourtant, lui parle de son “gendre” pour désigner le fiancé de l’une d’elles. Si ce n’est pas là se placer dans la position de patriarche d’un clan où les liens du sang ne sont que l’une des variables qui font les liens de famille, on se demande ce que les mots veulent dire.

Après cela, c’est lui et son parti qui cherchent à instaurer un traitement discriminatoire envers les étrangers en matière de filiation, de documents d’état-civil et de justificatifs d’identité. Au mépris des droits de l’homme aussi bien que du droit français. À quoi bon ? À préparer les municipales de 2008 en faisant des signes de connivence au FN, sans doute. Et à essayer de détourner l’attention des problèmes économiques de la France. Sans parler du torchon qui brûle avec Bruxelles…

Et ensuite, ce sont les militants UMPistes qui accuseront la gauche d’instrumentaliser (oh, le gros mot !) les questions d’immigration ! Quelle ironie, tout de même.

N’empêche. Si j’étais de droite, aujourd’hui, je crois que je devrais me méfier. Quand le solide François Goulard, député UMP du Morbihan et membre de la commission des lois, critique dans le Point (!) l’amendement Mariani et tout ce qu’il implique, c’est signe qu’il y a des choses qui ne passent pas en France, et bien au-delà de la gauche. Car mine de rien, c’est toute une refonte de nos conceptions de la famille et de la filiation qu’il faudrait accepter pour mettre en œuvre cet amendement. Et on se retrouverait avec la génétique érigée en absolu indépassable, en fondement de la réalité la plus quotidienne.

Joyeuse perspective !

François Goulard n’envisage toutefois pas, au cas où cette loi devait passer au vote, de faire plus que s’abstenir. Dommage. Il y a des moments où il ne suffit pas de s’abstenir. Il ne suffit pas de se dire, comme Fadela Amara, “personnellement” choquée. Rester au gouvernement dans ces conditions, laisser voter ce genre de mesure, c’est tout simplement les cautionner.

Irène Delse

Notes

[1Page reprise du blog d’Irène Delse.

[2Vous savez, l’hebdo dirigé par Lagardère, le “frère” de Nicolas Sarkozy…


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