“patriot act” à la nissarte (maj)


article un appel de la section LDH de Nice  de la rubrique justice - police > antiterrorisme
date de publication : mercredi 11 février 2015
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L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy l’a confié sans ambages sur France 2, mardi 20 janvier : oui, il est tout à fait prêt à sacrifier certaines libertés au profit de la sécurité. Quelques-unes des mesures adoptées dans l’urgence par son conseil municipal en font d’ailleurs la démonstration. Par souci d’« unité nationale », l’opposition niçoise – à l’exception du FN qui s’est abstenu – a voté les 14 délibérations de la séance.

Nice, qui était championne de France de la vidéosurveillance, améliore son score : avec quelques dizaines de caméras supplémentaires, la commune va désormais en compter 1 050, soit une caméra pour 330 habitants. Un bon investissement qui permet de développer une solide argumentation électorale en direction d’une population âgée [1].

La section LDH de Nice a interpellé les élus de l’opposition républicaine au conseil municipal de Nice qui ont joint leurs voix à celles de la majorité municipale pour voter des mesures qui sont des atteintes à nos droits fondamentaux.

[Mis en ligne le 22 janvier 2015, mis à jour le 11 février]




A Nice, Christian Estrosi met en place son propre « Patriot Act »

par Ellen Salvi, Mediapart, le 22 janvier 2015


Décidé à ouvrir la marche en matière de lutte contre le terrorisme, le député et maire de Nice, Christian Estrosi, a fait voter par son conseil municipal, opposition comprise, une série de mesures exceptionnelles à la suite des attentats de Paris. Certaines d’entre elles inquiètent la section niçoise de la LDH.

Christian Estrosi n’a pas besoin de se prononcer officiellement en faveur d’un Patriot Act à la française. Il a déjà le sien, façon nissarte. Entre deux passages à la télévision, le député et maire UMP de Nice a réuni, lundi 19 janvier, un conseil municipal « extraordinaire » afin de faire voter une série de mesures « exceptionnelles » destinées à renforcer la sécurité des habitants et des forces de l’ordre, à la suite des attentats de Paris. Il a également profité de l’occasion pour faire passer un certain nombre de délibérations qui lui tiennent à cœur depuis longtemps, au risque de prendre certaines libertés... avec les libertés individuelles.
[...]

Pour lire la suite : http://www.mediapart.fr/journal/fra...

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Mesures exceptionnelles de la ville de Nice dans la lutte contre le terrorisme [2]

Lundi 19 janvier 2015

Le Conseil Municipal de Nice s’est déroulé en urgence pour prendre des mesures exceptionnelles visant à faciliter la lutte contre le terrorisme.

Les faits actuels imposent de prendre des mesures immédiates :

  1. Nos policiers municipaux patrouilleront aux côtés des policiers nationaux et seront mis à disposition du Préfet pour réaliser des missions de sécurité intérieur ;
  2. Les policiers municipaux seront équipés de gilets pare balles ;
  3. Déploiement de caméras de vidéo protection supplémentaires avec l’obtention de notre 1000e caméra cette semaine et de 20 caméras à venir ;
  4. Autorisation de la transmission d’images de caméras privées des bailleurs sociaux au centre de supervision urbain (CSU) ;
  5. Renforcer la sécurité par la disposition de caméras à l’intérieur des rames de tramway connectées au CSU ;
  6. Mise en place de boutons d’alerte de la police dans les établissements et services en contact permanent avec le public ;
  7. Contrôler l’usage des connections dans nos cyber-espaces et renforcer la protection de nos sites informatiques publics ;
  8. Le Conseil Municipal de Nice demande au Préfet une fermeté totale pour les établissements qui inquiètent et troublent la tranquillité des riverains ;
  9. Créer un groupement d’intervention Police Municipale / Service d’hygiène / Service des établissements recevant du public / Service de la Voirie destiné au contrôle des établissements encourageant les troubles à l’ordre public afin d’améliorer notre action et les sanctions à leur encontre ;
  10. 45 minutes libérées par rythmes scolaires permettent la mise en pratique des cours d’instruction civique pour la sensibilisation aux valeurs de la République ;
  11. Créer un livret de citoyenneté qui suivra les enfants toute leur scolarité et sera jalonné d’exercices pour vérifier les connaissances ;
  12. Dans les quartiers, renforcer l’action éducative, médiatrice et sociale des équipes de la politique de la Ville ;
  13. Mise à disposition de locaux au Ministère de la Défense pour l’hébergement de militaires ;
  14. Intégrer la cellule d’écoute "Syrie" à la maison d’accueil des victimes qui ouvrira ses portes au mois de février.

La section LDH de Nice communique

Adresse aux élus de l’opposition républicaine du conseil municipal de la commune de Nice

« La démocratie pure peut engendrer la démagogie. Le remède à cette pente dangereuse c’est notre république #colloquejihad » - M. Christian Estrosi - Twitter 24/01/2015. [3]

Nous venons de vivre des événements d’une grande violence, lesquels vont sans doute influencer, pour une longue période, la vie politique de notre pays et notre ville, gérée depuis des lustres par la droite la plus réactionnaire, en ces moments de grande inquiétude, a su montrer à la hauteur de sa réputation. Nous en voulons pour preuve la grand messe médiatique organisée dans la précipitation, sous couvert d’un conseil municipal extraordinaire, par notre maire, lequel, à l’évidence, se contenterait d’un république, certes démocratique, ma non troppo.

Dans un élan d’une unité républicaine bien factice, vous avez voté, à notre grand étonnement, quatorze délibérations, certaines insignifiantes, d’autres sans doute utiles et plusieurs potentiellement dangereuses pour les libertés publiques.

Vous avez voté, comme un seul homme, la délibération n°1-3 « Commerces de proximité, politique en matière de fermetures tardives » alors que saviez parfaitement que cette délibération vise de façon à peine voilée les petits commerces maghrébins du centre ville. Vous avez voté cette délibération « Considérant les attentats perpétrés en France les 7, 8 et 9 janvier 2015 » suscitant la suspicion et jetant l’opprobre sur une population harcelée en permanence et de longue date, par des arrêtés municipaux, sans qu’il y ait eu à cette époque l’ombre d’une menace terroriste. Vous avez prêté votre concours à cette basse manœuvre.

Vous avez voté la délibération n° 0.4 « Décision de principe d’autoriser la transmission d’images de caméras privées au centre de supervision urbain. » alors que vous saviez parfaitement que ce sont principalement les immeubles gérés par l’office HLM qui sont visés par cette délibération, que l’objectif réel est d’intensifier le contrôle policier qui s’’exerce sur les populations « des quartiers », que malheureusement, ce ne sont pas les caméras vidéo qui vont arrêter les terroristes déterminés et aguerris.

Bien que cette mesure ne soit envisageable que « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes », une fois ces circonstances disparues, il sera, dans la pratique, impossible d’en contrôler leur stricte application. Si vous avez eu connaissance d’un quelconque rapport ou observation de la fantomatique « Commission départementale de la vidéoprotection » des Alpes Maritimes, nous vous serions reconnaissants de nous en communiquer une copie. En tout état de cause, la Cour des Comptes, dans son rapport sur « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique » (7/7/2011), indiquait : « Le taux d’élucidation des faits de délinquance de proximité n’a pas davantage progressé dans les circonscriptions de sécurité publique (CSP) équipées de caméras de vidéosurveillance de la voie publique que dans celles qui ne le sont pas. ». Ne pensez-vous pas que les 400.000€ consacrés à ces caméras supplémentaires auraient pu être investis plus efficacement pour favoriser l’insertion sociale de jeunes désœuvrés, potentiellement victimes des leaders jihadistes qui nous menacent ? La menace est réelle, nous le savons tous ; mais, favoriser la mise en place des dispositifs liberticides est une très mauvaise réponse à cette menace.

Vous avez voté la délibération n° 8.1 « Mesures complémentaires de sécurité pour les moyens informatiques d’accès à internet mis à disposition du public. » enjoignant aux fournisseurs d’accès à internet (F.A.I) de bien vouloir respecter la loi, comme si ces grandes entreprises internationales avaient attendu les rodomontades médiatiques de M. le maire de Nice pour appliquer la loi ; moins comique, mais plus grave : vous avez autorisé notre maire d’opérer sur les moyens mis à disposition du public, sans plus de précisions, « une surveillance particulière de l’utilisation de ces moyens par le public. ». Ainsi donc, la surveillance des communications internet déjà exercée par les services compétents de l’Etat serait dédoublée, en parallèle, par une surveillance exercée sous les ordres du maire.

Nous savons parfaitement que la menace terroriste plane toujours sur notre ville, notre région, notre pays. L’Etat et c’est son rôle, a pris toute une série de mesures pour garantir la sécurité des citoyens, même si certaines sont, à nos yeux, contestables ; pour autant, nous n’avons pas connaissance que d’autres collectivités territoriales aient pris, dans la précipitation et le battage médiatique, comme cela a été fait à Nice, certaines mesures dont l’objectif réel est le contrôle purement policier de la population par des élus locaux.

Nous sommes atterrés : vous avez prêté votre concours zélé à cette triste comédie.

« il y a d’autres façons de porter atteinte à l’Etat de droit que par la guerre ou l’état d’exception. Au nom de la prévention du terrorisme », la législation de ce pays « utilise » déjà « des pratiques dérogatoires d’évitement du juge judiciaire au profit de pouvoirs de plus en plus larges confiés à l’administration ou à la police, constituant un véritable régime de police qui ne dit pas son nom ».

Mireille Delmas-Marty, professeure honoraire au Collège de France,
citée par O. Le Cour Grandmaison politologue.


Nice, le 11 février 2015


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