Le 27 avril 2011, une convention a été signée entre l’Inspection académique du Var et la commune de La Crau en vue du partage d’informations concernant les élèves. Elle prévoit notamment que le maire soit informé des sanctions infligées aux collégiens, mais uniquement dans le cas d’exclusions temporaires ou définitives. Elle précise d’autre part que la transmission de ces informations est assurée par l’Inspecteur d’Académie.
Ces deux conditions ne semblent pas avoir été respectées à La Crau au printemps 2012 : de simples avertissements auraient été transmis à la mairie par le chef d’établissement.
Vous trouverez ci-dessous le communiqué commun, mettant en cause la loi dite de “prévention de la délinquance” du 5 mars 2007, diffusé par la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) et la Fédération syndicale unitaire (FSU) du Var, ainsi que la Ligue des droits de l’Homme de Toulon ; le texte de la convention est repris à la suite.
Communiqué commun FCPE – FSU – LDH
Les collégiens ne doivent pas être fichés comme de futurs délinquants
Le département du Var se fait une fois de plus remarquer par le non-respect des libertés individuelles : au nom de la « prévention de la délinquance », depuis plusieurs mois, des sanctions infligées à des collégiens sont transmises à la gendarmerie et à la mairie de La Crau.
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance permet la mise en place de Conseils de Sécurité Locaux pour la Prévention de la Délinquance (CLSPD). Des moyens financiers conséquents incitent les communes à mettre en place ce dispositif qui donne de nouveaux pouvoirs aux maires au nom d’une soi-disant « prévention de la délinquance ».
En 2011 à Ollioules, 18 communes ont signé avec l’Inspection Académique et le Parquet une déclaration d’engagement dans ce sens qui prévoit échange d’informations « sensibles » entre les différents partenaires, afin, sans doute, de détecter les futurs « délinquants ».
Les dérapages n’ont pas tardé : à La Crau, sans que les familles en aient été averties, des informations qui n’auraient jamais dû sortir du collège ont été transmises par le chef d’établissement à la gendarmerie et à la mairie. En effet, la convention signée le 27 avril 2011 entre l’Inspecteur d’Académie et la commune de La Crau ne prévoit la transmission d’information à la mairie que dans les cas d’exclusion temporaire ou définitive (voir l’article 2.2 de la convention) ; de plus c’est à l’Inspecteur d’Académie qu’il revient d’effectuer une telle notification (idem).
La FCPE 83, la FSU 83 et la LDH de Toulon condamnent ces dérives sécuritaires, qui mettent en danger nos libertés individuelles, tout en n’apportant pas la moindre solution en matière de lutte contre la délinquance.
Elles demandent notamment :
- la destruction de toutes les données qui ont été transmises illégalement à la gendarmerie et à la mairie de La Crau,
- la mise en sommeil des conventions signées entre les différentes institutions dans le cadre de la loi de prévention de la délinquance,
- l’arrêt de la mise en place des CLSPD.
Nos droits et libertés ne doivent pas être sacrifiés à des mesures prétendument sécuritaires !
Toulon, le 3 juillet 2012
Convention de partenariat portant partage de l’information entre l’Inspection académique du Var et la commune de La Crau [1]
Entre les soussignés
L’Inspection Académique du Var,
représentée par Monsieur Jean VERLUCCO, Inspecteur d’Académie, Directeur des Services Départementaux de l’Education Nationaleet
La commune de La Crau,
représentée par Monsieur Christian SIMON, Maire de La Crau.Préambule
Conformément à l’article 12 de la loi du 5 mars 2007 qui pose le principe que les établissements d’enseignement « concourent à l’éducation, à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance »,
Vu l’article L2211-1 du Code Général des Collectivités Territoriales
Vu l’article L2211-3 du Code Général des Collectivités Territoriales
Vu l’article L2211-4 du Code Général des Collectivités Territoriales
Vu l’article L121-1 du code de l’Education
Vu l’article L131-6 du code de l’Education
Vu l’article L141-2 du Code de l’action sociale et des familles
Vu l’article L222-4-1 du Code de l’action sociale et des familles
Vu l’article R131-6 du Code de l’Education
Vu l’article R131-10-1 et suivants du Code de l’EducationIl a été convenu ce qui suit :
Article 1 – Objet
La présente convention a pour objet :
a) d’organiser le partenariat entre l’inspection académique du Var pour le compte des établissements d’enseignement de la commune de La Crau,
b) de fixer les modalités pratiques d’échange de l’information entre les deux autorités en application des articles L2211-1 et L2211-3 du Code Général des Collectivités Territoriales.
Article 2 – Dispositions générales
- 1. Désignation des référents :
a) L’inspecteur d’académie désigne son représentant au sein du CLSPD comme référent pour l’ensemble des établissements d’enseignement implantés sur la commune de La Crau.
- 2. Modalités de transmission des informations :
Conformément à l’article 12 de la loi 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le maire est informé par l’Inspecteur d’académie
a) pour défaut d’assiduité :
quand un enfant a été absent, sans motif(s) légitime(s) ni excuse(s) valable(s), au moins 4 demies journées dans le mois,
quand, bien que sollicités, les parents n’ont pas fait connaître les motifs d’absence(s) ou ont donné des motifs inexacts,
b) lors de décisions d’exclusion :
de la décision d’exclusion définitive d’un élève prononcée par le conseil de discipline (second degré) ou par l’Inspecteur d’académie (1 er degré).
de la décision d’exclusion temporaire d’un élève prononcée par le chef d’établissement (second degré) ou par l’Inspecteur d’académie (1 er degré).
c) Le maire est informé par l’inspecteur d’académie de la saisine du Président du Conseil Général.
d) Lorsqu’un accompagnement parental est mis en place, le maire sollicite l’avis du président du conseil général. Il en informe l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales et le préfet.
Les informations échangées concernent uniquement les enfants soumis à l’obligation scolaire résidant dans la commune de La Crau
- 3. Participation de l’Education Nationale à la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique :
Les référents désignés par l’inspecteur d’académie participent aux réunions de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique autour d’études de cas.
Les référents désignés par l’inspecteur d’académie sont habilités à collecter auprès des autres directeur(s) d’école(s) de la commune de La Crau, toutes les informations méritant d’être portées à la connaissance de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.
Si l’examen des situations l’exige, le chef d’établissement ou l’inspecteur de l’Education Nationale directement concerné est autorisé à apporter « intuitu personae » son concours à la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.
Article 3 – Conditions de transmission de l’information
Les informations visées à l’article 2 de la présente convention seront communiquées par Monsieur l’inspecteur d’académie du Var au Maire de la commune de La Crau.
Article 4 – Respect du secret de l’information
Le Maire et les référents désignés par l’inspecteur d’académie s’engagent à garantir la confidentialité des informations qui sont échangées dans le cadre des travaux de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.
Article 5 – Durée de la convention
La présente convention est conclue pour une durée d’un an à compter de sa prise d’effet.
Elle est renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par une partie, avec un préavis de trois mois.La présente convention prendra effet le 28 avril 2011
À Ollioules, le 27 avril 2011
Signée :
Christian Simon, maire de La Crau
Jean Velucco, l’Inspecteur d’Académie
Commentaires
C’est l’article L.131-6 du Code de l’éducation, créé par la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, qui prévoit que le maire soit informé des mesures d’exclusion temporaire ou définitive :
« Afin de procéder au recensement prévu au premier alinéa et d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l’inspecteur d’académie en application de l’article L. 131-8 et par le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement en application du même article ainsi qu’en cas d’exclusion temporaire ou définitive de l’établissement ou lorsqu’un élève inscrit dans un établissement le quitte en cours ou en fin d’année ».
Le décret n°2008-139 du 14 février 2008 a apporté des précisions en insérant dans le Code de l’éducation de nouveaux articles, dont l’article R.131-10-2 qui prévoit expressément que le maire peut constituer un fichier nominatif des élèves, permettant notamment d’enregistrer la « date et éventuellement [la] durée de la sanction d’exclusion temporaire ou définitive de l’élève prononcée par le chef d’établissement ou le conseil de discipline de l’établissement d’enseignement. »
Les CLSPD ouvrent les vannes à la dérive sécuritaire
par Romain Alcaraz, La Marseillaise du 4 juillet 2012
« C’est un aspect de la loi sur la prévention de la délinquance de 2007 auquel on ne s’attendait pas », commente Maryvonne Guigonnet, responsable syndicale du Snes. Car les faits reprochés à la principale du collège du Fenouillet sont justifiés par la signature d’une convention entre la municipalité et le collège. Pour le coup, l’Inspecteur d’académie nie aussitôt l’existence d’une telle convention : il n’a jamais signé de document autorisant cette pratique. Toutefois, il parle du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), pour lequel il a paraphé un certain nombre de conventions avec les communes. La Ligue des droits de l’Homme a retrouvé trace de l’événement [2]. C’était l’année dernière, en mai. Et on pouvait déjà craindre une certaine dérive sécuritaire. Craintes confirmées aujourd’hui puisque c’est le même genre de convention qui est évoqué pour justifier les évènements qui nous intéressent. Pour Maryvonne Guigonnet, il s’agit d’une mauvaise solution. « Les maires ne se rendent pas compte de la tentation sécuritaire » que représentent les CLSPD. « Avec ces conseils locaux de sécurité, les vannes ont été ouvertes, puisque l’Inspecteur d’académie en avait déjà signé. Nous allons essayer d’éclaircir la situation, pour vérifier que ces vannes, refermées à La Crau, ne sont pas toujours ouvertes ailleurs. » Pour se rassurer, on peut toujours rappeler que c’est à l’Inspection académique de juger si une information doit ou non être transmise au Parquet dans le cadre de ces CLSPD.
« Nous souhaitons maintenant que le ministère se saisisse de l’affaire. » Dans le programme du gouvernement récemment élu figurait l’abrogation de la loi Ciotti, qui vise à lutter contre l’absentéisme scolaire en suspendant ou supprimant des allocations familiales en cas d’absentéisme prolongé. « Mais c’est surtout la loi 2007 relative à la prévention de la délinquance, à l’origine de la loi Ciotti, qui est à revoir. Cette loi met en place la façon dont on envisage les ados en France : comme des délinquants en puissance. » Le mot de la fin pour Philippe Garnier : « Un pays qui a peur de sa jeunesse, c’est dangereux. »
Romain Alcaraz
[1] Note ajoutée le 19 juillet 2012 – Une reproduction de cette convention est disponible au format PDF sur le site de la FSU du Var : http://sd83.fsu.fr/IMG/pdf_conventi....
[2] Voir cette page, ou celle-ci : http://www.lecourrierduvar.fr/maire....
18 communes varoises sont engagées dans un partenariat avec l’Inspection académique et le Parquet :
Bandol, Barjols, Le Beausset, Belgentier, La Crau, Collobrières, Evenos, La Farlède, Fréjus, Lorgues, Six-Fours, Solliès-Pont, Saint-Cyr, La Valette, Vidauban, Ollioules, La Garde et Sanary-sur mer.