Ahmet Mavida et le Forum social mondial de Tunis (mars 2013).
Je ne vous parlerai pas du scandale Cahuzac ni de la crise politique qu’il a fait naître, je ne vous parlerai pas de patrimoine, je ne vous parlerai pas plus du mariage pour tous.
J’ai hésité à vous parler du décès de Margaret Thatcher. Je me suis ravisé car j’ai jugé bon de citer l’hommage funèbre que vous avez peut-être déjà lu, celui du cinéaste Ken Loach :
« C’était une combattante et son ennemi était la classe ouvrière britannique. Ses victoires, elle les a obtenues grâce à l’aide des figures politiquement corrompues du Parti travailliste et de nombreux syndicats. C’est à cause des politiques mises en place par elle que nous sommes aujourd’hui dans cette situation. D’autres premiers ministres ont suivi son exemple, notamment Tony Blair. Elle a tiré les ficelles, il fut sa marionnette.Souvenez-vous qu’elle a qualifié Mandela de terroriste et qu’elle a pris le thé avec Pinochet, ce tortionnaire et assassin.
Comment lui rendre hommage ? En privatisant ses obsèques. Faisons jouer la concurrence et allons au moins offrant. C’est ce qu’elle aurait voulu. »
Je conseille aux dirigeants européens actuels d’apprendre ce texte par coeur.
Non, ce dont je veux parler aujourd’hui c’est du Forum social mondial qui s’est déroulé à Tunis du 26 au 30 mars dernier.
Pourquoi ? Parce qu’aucun de nos grands médias nationaux n’en n’a parlé.
Pourquoi ? Jugez par vous-même en lisant ces quelques extraits des conclusion de ce forum.
« Nous, citoyennes et citoyens, associations et mouvements en lutte contre des Grands Projets Inutiles Imposés, nous constatons que ces projets constituent pour les territoires concernés un désastre écologique, socio-économique et humain : destruction de zones naturelles, de terres agricoles et du patrimoine bâti, nuisances et dégradation de l’environnement avec des impacts négatifs importants pour les habitants. Ces projets n’intègrent jamais la participation effective de la population à la prise des décisions, et la privent de l’accès aux médias. Face au profond désaccord social que ces projets suscitent, les gouvernements et les administrations agissent dans l’opacité et traitent avec mépris les arguments et propositions des citoyens… »
Les participants ont affirmé « l’attachement au droit humain, à la protection sociale et aux soins de santé, qui doit être promu par les organisations internationales, protégé dans les institutions nationales et garanti par les Etats (…) La pauvreté, en tant que rapport social, représente un déterminant social de la maladie et de l’exclusion et doit être considérée comme illégale par les diverses juridictions. La marchandisation des services publics, renforcée par les politiques néolibérales représente une menace pour l’accès à la santé, aux divers services sociaux et à la protection sanitaire » (…)
« Un monde alternatif est en marche, ont affirmé les participants de ce Forum. L’Economie sociale et solidaire et ses formes diverses de par le monde représentent l’alternative au système économique capitaliste mondialisé. C’est une économie conçue par les citoyens pour les citoyens dont l’objectif est d’assurer démocratiquement, un niveau de vie décent et la souveraineté alimentaire des peuples, tout en préservant les ressources naturelles actuellement détruites et gaspillées. C’est une économie de l’émancipation qui permet aux peuples, notamment les femmes qui en sont des actrices majeures, de maîtriser leurs destins en éradiquant la pauvreté et en rétablissant pour chacun des droits à une vie digne. Ici et maintenant sur tous les continents des citoyens s’organisent pour structurer des espaces et des réseaux d’échanges d’outils, d’idées et de biens privilégiant les circuits courts et les alliances entre producteurs et consommateurs, et la solidarité entre tous les peuples Cette richesse n’est pas seulement matérielle, elle est celle des relations entre les humains, valeur cardinale pour assurer un avenir à l’humanité. L’assemblée appelle l’ensemble des habitants à s’organiser collectivement pour peser sur les pouvoirs publics à tous les échelons du local à l’international, de façon à les engager à réorienter leur politique économique vers une économie qui place la primauté de l’humain sur celui du capital. »
Et enfin ! « Nous nous félicitons de la présence très importante de femmes, d’associations de femmes et de féministes qui ont participé au forum social mondial à Tunis en mars 2013, et affirmé leur solidarité aux luttes des femmes dans le monde et plus particulièrement à celles de la région arabe. La diversité des travaux a mis en évidence une analyse commune : les politiques d’austérité et la mondialisation néolibérale touchent majoritairement les femmes et assomment de plus en plus durement les peuples ; les guerres fomentées de par le monde (Palestine, Syrie, Liban, Mali, Congo…) utilisent les corps des femmes comme arme de guerre et accentuent leur exploitation sexuelle (viols, mariages précoces et forcés), l’emprise accrue des extrémismes et des pouvoirs religieux sur le politique qui s’inscrivent dans le cadre d’une restructuration du marché mondial, constitue une menace pour l’émancipation des femmes. Leur finalité vise à instaurer une société post-révolutionnaire basée sur un nouveau pouvoir théocratique en exerçant des atteintes aux fondements de l’état de droit et en donnant au patriarcat une empreinte de religiosité. Le statut des femmes devient un enjeu politique majeur pour les sociétés et les institutions par l’instauration d’une violence quotidienne pour exclure les femmes de l’espace public ; ces politiques rétrogrades s’inscrivent dans les mêmes politiques économiques néolibérales qui instaurent l’austérité partout dans le monde. Actuellement, les femmes sont les premières touchées par le recul des droits économiques et sociaux et par la précarité généralisée.
Nous femmes, femmes d’associations et féministes, nous déclarons, notre attachement indéfectible à l’universalité des droits fondamentaux des femmes, notre détermination à lutter contre toutes les formes de violence faites aux femmes (viols, harcèlements sexuels…), notre exigence de la protection des femmes réfugiées dans les zones de conflits, victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle.
Nous femmes, nous demandons la mise en oeuvre d’une réelle volonté et des moyens permettant d’impulser une véritable parité. »
Fait à Tunis le 30 mars 2013
Après lecture de ces quelques extraits vous ne vous demanderez plus pourquoi nos grands médias, sont restés muets ou presque sur la tenue de ce Forum. Madame Thatcher en eut frémi !
Ahmet Mavida