logement social : Toulon au palmarès des cancres


article de la rubrique droits sociaux > logement
date de publication : mercredi 23 novembre 2005
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La loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), votée le 13 décembre 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, impose aux communes de plus de 3.500 habitants qui n’atteignent pas le seuil de 20% de logements locatifs sociaux d’engager un plan de rattrapage pour atteindre cet objectif d’ici à 2020, sous peine de sanctions financières.

L’objectif visé est de favoriser la mixité sociale, par l’augmentation de l’offre de logements sociaux. Pour convaincre les maires, une pénalité est prévue d’un montant de 152,45 euros par logement manquant et par an [1].

La loi SRU a été récemment remise à l’honneur par Jacques Chirac qui exige son application en réponse au malaise des banlieues.

Cinq ans plus tard, un bilan mitigé

Dans son rapport annuel pour 2005, la fondation Abbé Pierre
constate que "si la construction de logements sociaux dans les communes assujetties aux obligations de la loi SRU se situe globalement au niveau attendu, l’effort est en fait très inégalement réparti".
Ainsi, ce sont les communes "qui ont le plus de logements sociaux qui ont fait les plus gros efforts, les autres s’exonérant, parfois totalement, de leurs obligations" : 154 communes sur les 742, soit environ un tiers, n’ont construit aucun logement social sur la période.

L’hebdomadaire La Vie a publié, vendredi 17 novembre (N° 3142), avec la Fondation Abbé-Pierre, le palmarès des « 15 villes cancres du logement social », sur la base de chiffres du ministère de la Cohésion sociale [2].

Le palmarès des « 15 villes cancres du logement social »

La palme du plus mauvais élève revient à la commune socialiste d’Allauch (Bouches-du-Rhône), avec un taux de logements sociaux de 2,5% pour une population totale de 18.900 habitants. Mais à l’exception de La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique), également PS (6,5% de logements sociaux pour 16.400 habitants), toutes les autres communes montrées du doigt sont dirigées par la majorité (dix UMP, une UDF et deux divers droite).

La deuxième place revient à Villeneuve-lès-Avignon (Gard, UMP) avec 6% de logements sociaux. De plus, cette commune n’a engagé aucune réalisation sur la période de référence (1er janvier 2001 au 1er janvier 2004) au cours de laquelle les villes auraient dû établir leur plan de rattrapage. C’est également le cas de Rixheim (Haut-Rhin, UMP, 10%), de Sceaux (Hauts-de-Seine, UDF, 12,5%) et de Savigny-sur-Orge (Essonne, UMP, 13,5%).

Marignane (Bouches-du-Rhône, divers droite, 12%) est en 6-ème position. La ville, gérée par Daniel Simonpieri UMP/ex-MNT/ex-FN, n’a réalisé que 0,7% des logements sociaux qu’elle aurait dû construire en 2001-2004 dans le cadre de son plan de rattrapage.

Neuilly-sur-Seine, ville de Nicolas Sarkozy, dans les Hauts-de-Seine, n’a que 1,34% de logements sociaux pour une population de 60.000 habitants, et elle n’a réalisé que 15% des objectifs fixés par la loi pour 2001-2004 (119 constructions alors que l’objectif était 814 logements).

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d’après Pancho (Le Monde du 10 nov. 2005)

Le Raincy (Seine-Saint-Denis), ville du député-maire UMP Eric Raoult, fait à peine mieux : 3,91% de logements sociaux et 20% des objectifs 2001-2004 réalisés.

Toulon (Var), ville du sénateur-maire UMP Hubert Falco, figure en fin de palmarès : 13% de logements sociaux pour 160 600 habitants et 45% de ses objectifs 2001-2004 réalisés (366 logements effectivement réalisés alors que l’objectif fixé par la loi était 812). [3]

Une commune sur deux s’exonère de ses responsabilités

par Christophe Robert
 [4]
[La Vie, N° 3142, 17 novembre 2005]

  • La Vie. Quel enseignement tirez-vous de ce triste palmarès ?

Christophe Robert. Ces 15 villes sont le reflet d’une situation bien française : aujourd’hui, dans notre pays, sur les 720 communes qui sont soumises à la loi SRU, un tiers (34 %) ont réalisé moins de 50 % des objectifs de construction de logement social qui leur ont été fixés. Dans ce palmarès des plus mauvais élèves, nous avons ici l’illustration de quelques-unes de ces 81 communes qui n’ont même absolument rien fait entre le leC janvier 2001 et le 1" janvier 2004, alors que la loi les oblige à bouger. Quant aux maires qui construisent en traînant les pieds, on se rend compte qu’ils s’arrangent souvent pour programmer les HLM les plus hauts de gamme (les PLS, logements sociaux à loyer intermédiaire), qui ne sont pas destinés aux ménages même modestes. Les réticences psychologiques de leurs administrés par rapport au logement social sont encore fortes.

Mais c’est le rôle des maires d’expliquer que les HLM ont changé et qu’ils sont aujourd’hui faits pour tout le monde, c’està-dire les deux tiers des Français : ceux qui font vivre la ville, l’employé, l’enseignant, le policier... En revanche, près de la moitié des 720 communes ont un taux de réalisation supérieur à leur objectif On peut citer parmi les meilleurs élèves Aix-en-Provence, Lyon, Montauban ou Saint-Cloud. Sur l’évaluation globale de la loi, ces communes viennent compenser celles qui ne font rien. Et si la loi SRU peut atteindre ses objectifs quantitatifs, c’est en raison de cette compensation.

  • Pourquoi la Fondation Abbé-Pierre s’insurge-t-elle alors ?

C.R. Parce que cet état de fait s’oppose à l’esprit de la loi, qui vise à une meilleure répartition dans l’Hexagone des logements sociaux, dans un but de mixité sociale. Le fait que certaines communes que nous avons pointées soient à zéro logement financé ou à moins de la moitié de leurs objectifs est une situation tout à fait inacceptable. Surtout si l’on considère que la loi SRU est une des réponses possibles à la crise qui vient de secouer les banlieues. La concentration forte de logements sociaux entraîne de facto une concentration de populations en difficulté, avec un poids considérable de problèmes socio-économiques à régler. Il en résulte aussi une absence de possibilité d’évolution pour les familles captives de ces quartiers. Le fait que l’offre de logements à loyers accessibles ne soit pas étendue ailleurs sur le territoire ne permet pas une sortie de ces populations, qui sont de fait assignées à résidence. C’est donc un enjeu essentiel que de mieux répartir le logement social dans toutes les villes de France.
Surtout qu’avec 20 % de logement sociaux, l’objectif de la loi SRU est objectivement très raisonnable. Toutes les communes qui se retrouvent en dessous de ce quota se mettent ainsi dans une situation intolérable. Les maires se doivent de donner l’exemple du respect de la loi. Il est totalement scandaleux qu’en 2005, après quatre années d’application de la loi SRU, la moitié des communes s’exonèrent de leurs responsabilités et n’acceptent pas de participer à l’effort de solidarité nationale.

  • Comment contraindre les élus ?

C.R. Nous sommes satisfaits que le président Chirac ait rappelé l’urgence de l’application de la loi, et notamment de l’article 55 de la loi SRU sur les 20 % de logements sociaux, alors qu’un certain nombre de députés et de sénateurs s’organisent pour « l’assouplir », autrement dit la vider de son sens. Maintenant, cette déclaration doit être suivie d’actes et d’effets. Car les quartiers sensibles ont besoin de signes forts sur des perspectives de changement. La première condition est de faire appliquer strictement la loi. Si elle ne l’est pas, comme dans le cas des cancres que nous avons listés, le préfet peut établir un constat de carence et mettre en place des mesures plus coercitives. Jusqu’ici, les préfets en sont restés aux rappels à l’ordre, mais cela ne suffit pas. Il faut passer au coup de bâton ! À la Fondation, nous souhaitons un renforcement des pénalités, qui sont à l’heure actuelle insuffisamment dissuasives. Les maires ont fait leurs calculs : payer les pénalités revient moins cher qu’accueillir des populations qui peuvent induire de nouveaux besoins en services et en équipement de proximité. Il importe donc de multiplier par trois le montant des pénalités. Pourquoi ne pas étudier aussi la possibilité d’une mesure de suppression des permis de construire pour les communes qui ne respectent pas la loi ? Pendant un ou deux ans, les permis seraient entre les mains du préfet. Le droit de préemption urbain pourrait être confié à l’État : le préfet ferait alors intervenir ce droit pour prendre un terrain et y construire des logements sociaux. De même, compte tenu de l’urgence actuelle, il serait opportun de ramener le délai de réalisation des objectifs de la loi SRU de 10 à 15 ans, au lieu de 20 aujourd’hui.

Propos recueillis par Marie Chaudey

Pourquoi ?

Oui, pourquoi ? pourquoi une telle disparité dans la répartition des logements sociaux ? Nous avons testé plusieurs hypothèses ... en vain.

Et nous avons découvert le travail tout à fait novateur de J.-M. Le Tallec, brillant chercheur en sciences sociales, qui a établi de façon irréfutable que les « paraboles provoquent les incendies. » [5]

Par une méthode analogue, nous avons établi que les logements sociaux provoquent également les incendies des voitures particulières. Voila qui explique la réticence de nombreux maires à encourager la construction de logements sociaux sur leur commune.

Notes

[1Certains maires s’abritant derrière « le sentiment de leur population » ne veulent tout bonnement pas entendre parler de logement social, et préfèrent s’acquitter de la pénalité - voyez la page le logement social dans le Var.

[2La Vie a épinglé les (15) villes de plus de 10 000 habitants qui ont un faible taux de logement social et qui ont les taux de réalisation les plus faibles.

Voir également : http://www.maire-info.com/article.a....

[3Nice a également réalisé moins de la moitié des objectifs assignés pendant la période 2002-2004.

[4Christophe Robert est sociologue et responsable des recherches à
la Fondation Abbé-Pierre.

[5Voir son exposé.


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