les Britanniques abandonnent ContactPoint


article de la rubrique Big Brother > l’Europe de Big Brother
date de publication : lundi 30 août 2010
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Depuis janvier 2009, au prétexte de lutter contre la pédophilie et les mauvais traitements, les enfants anglais étaient répertoriés dans un fichier centralisé dénommé ContactPoint. 400 000 personnes devaient avoir accès à cette base de données conçue pour “faciliter” les échanges d’informations entre différents organismes.

L’abandon de ce fichier prévu pour rassembler des données personnelles de onze millions d’enfants était une promesse de campagne. Une circulaire
du 22 juillet 2010 [1] du ministère britannique de l’Education avait annoncé l’arrêt définitif de ContactPoint pour le 6 août 2010 à midi. Les données personnelles rassemblées seront détruites dans un délai de deux mois.

[Mise en ligne le 28 août 2010, mise à jour le 30]



« Nous allons mettre fin à des pratiques qui risqueraient de faire de la Grande-Bretagne un pays dont les citoyens auraient été tellement habitués enfant à voir violer leurs libertés, qu’ils l’accepteraient sans protester une fois adulte. »

Nick Clegg [2].


Ci-dessous laa traduction d’un article publié le 9 août sur le site de Big Brother Watch, association britannique de défense des libertés, suivie d’un communiqué du Collectif national de résistance à Base élèves (Cnrbe).

Un mot sur la fin de ContactPoint

par Dylan Sharpe, Big Brother Watch, le 9 août 2010 [3]


Le nouveau gouvernement vient de franchir une des étapes les plus importantes dans le rétablissement promis du respect de la vie privée en Grande-Bretagne.

Vendredi 6 août à midi, la base de données ContactPoint a été déconnectée.

Un système, qui avait coûté 224 millions de £ [plus de 150 millions d’euros], et qui contenait le nom, l’âge, le domicile, l’école, le médecin généraliste et plusieurs autres informations personnelles de 11 millions d’enfants du Royaume-Uni, a été mis hors circuit.

En annonçant la décision [In advance of the move], Tim Loughton ministre de la jeunesse - avec qui nous n’avons pas toujours été en accord - a repris un certain nombre de nos préoccupations en déclarant à la BBC :

"Nous ne pensons pas qu’un tel système rassemblant les données personnelles des 11 millions d’enfants du pays, dont plus de 90 % n’auront jamais l’occasion de rencontrer les services de l’enfance, soit la meilleure façon de les protéger.

"C’est une sorte de carte d’identité pour enfants, introduite de façon subreptice, et nous pensons que ce n’est pas justifié."

Comme on pouvait s’y attendre – dès que l’on touche à l’épineuse question de la sécurité des enfants – les critiques ont été virulentes. La NSPCC [4] a critiqué l’absence d’un système de remplacement, Delyth Morgan, membre de l’opposition, a qualifié la décision de vision à court terme, et des articles tels que « Privilégier la sécurité des données sur la sécurité des enfants » dans l’Independent n’ont pas apaisé les esprits.

Mais alors que les critiques tentaient d’inquiéter parents et enfants, il est important de retenir que le système ne fonctionnait pas.

D’après le rapport Deloitte des jeunes pourraient courir un plus grand risque du fait de ContactPoint [5]. Des documents, obtenus au titre du droit à l’information, ont même révélé que plusieurs administrations locales avaient rencontré de grandes difficultés avec le système. Le Surrey l’a même qualifié d’« instable ». Et le Joseph Rowntree Reform Trust a déclaré qu’il était « presque certainement illégal ».

Il ne faut pas oublier qu’aucun parent, et, peut-être plus important encore, qu’aucun enfant n’a jamais été interrogé pour savoir s’ils souhaitaient être enregistrés dans cette base de données.

ContactPoint était pire qu’une base de données d’Etat inadaptée contenant les informations personnelles de millions d’enfants, car elle était également défectueuse et dangereusement instable.

ContactPoint... bon débarras !

Communiqué du Cnrbe

Un fichier recensant 11 millions d’enfants rend l’âme… au Royaume-Uni

Publié sur le site du Cnrbe le 30 août 2010


Le 6 août 2010, le Ministère britannique de l’Education a décidé de couper les accès à « ContactPoint », la proche parente outre-manche de la Base élèves

Près de dix ans après les débuts de ce projet tentaculaire censé améliorer la protection de l’enfance. Cette base de données contenait les données personnelles nominatives sur 11 millions d’enfants. Toutes les données enregistrées devraient être détruites dans les prochaines semaines.

Pourquoi avoir décidé de la suppression de ContactPoint ?

ContactPoint avait été créée dans le cadre d’une politique de protection de l’enfance et de prévention de la maltraitance, impliquant des services sociaux, éducatifs et policiers. Mais, au fil des années, son utilisation à l’échelon national, a donné naissance à un fichier gigantesque sur les enfants et leurs proches, et qui a révélé ses failles et son caractère liberticide :

  • sécurisation totale impossible : une étude du cabinet de consultants Deloitte, longtemps dissimulée par le gouvernement, avait rappelé l’évidence que la sécurité totale d’un tel système était impossible [6] ;
  • démesure : entre 330.000 et 400.000 professionnels (enseignants, travailleurs sociaux et policiers) avaient potentiellement accès aux informations personnelles nominatives sur toute la jeunesse britannique de moins de 18 ans ;
  • problème de confidentialité : très vite sont apparus des cas de partage illégal d’informations entre des utilisateurs, habilités à accéder à la base-de-données, et d’autres personnes non autorisées ;
  • inefficacité, malgré un coût de plus de 224 Millions £ (150 M€), et le fait que les saisies pouvaient occuper jusqu’à 4/5 du temps d’un professionnel de l’enfance ;
  • inégalitaire : alors que ContactPoint était largement méconnue du public, l’administration avait reçu plus de 50.000 demandes de parents, dont de nombreuses célébrités et hommes politiques, pour supprimer les données de leurs enfants, créant de fait des inégalités de traitement de la confidentialité. [7]

Afin de protéger les enfants, le gouvernement britannique n’a donc pas hésité à remettre en cause l’utilité d’une base de données nationale centralisée accessible en ligne.

« Nous en étions arrivés à une culture qui mettait l’accent sur la saisie bureaucratique plutôt que sur le travail de terrain et la prise en compte de la situation individuelle de chaque enfant », dixit Tim Loughton, ministre de la jeunesse [8].

Le CNRBE salue cette décision et invite les professionnels de l’éducation, de la statistique, et les parlementaires français à supprimer immédiatement et sans condition la base-élèves et la BNIE qui concernent 13,5 millions d’enfants, et à réfléchir d’urgence à d’autres solutions plus respectueuses des libertés.

Le CNRBE


P.-S.

[Note ajoutée le 9 septembre 2010]

Contact Point aurait déjà un remplaçant

Selon un article publié le 2 septembre 2010 sur OWNI, la fin de Contact Point n’est pas la fin du fichage des enfants en Grande Bretagne.

En effet, si l’on en croit le directeur de l’association Action on Rights for Children (ARCH), l’application “National eCAF” (National electronic Common Assessment Framework) pourrait remplacer ContactPoint. Elle jouerait un rôle à peu près identique à celui de ContactPoint, la protection de l’enfance en moins : un dossier individuel sur chaque enfant pour gérer ses liens avec les services sociaux.

Notes

[2« We will end practices that risk making Britain a place where our children grow up so used to their liberty being infringed that they accept it without question. »
Le discours de Nick Clegg le 19 mai 2010 : http://www.libdems.org.uk/latest_ne....

[4National Society for the Prevention of Cruelty to Children : Société nationale de prévention de la cruauté faite aux enfants

[5[Note de LDH-Toulon] – Début 2008, Deloitte a effectué un audit indépendant de ContactPoint, Le gouvernement précédent en a publié un résumé mais a refusé sa publication intégrale demandée par FOI. A la suite d’une longue bataille menée par les défenseur des droits de l’enfant, l’ICO (Information Commissioner) vent d’en ordonner la publication

Référence : le bulletin http://www.ucl.ac.uk/constitution-unit/research/foi/monthly-updates/2010/June2010.htm du département Freedom of Information in the UK de l’UCL (University College de Londres).

[6Rapport du consultant Deloitte sur Contact Point (format PDF - en anglais - source : Daily Telegraph)

[7[Daily Telegraph, article du 27 janvier 2009.

[8Daily Telegraph, article du 10 juin 2010.


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